Son contenu pourrait ne pas plaire à toute la communauté internationale, à commencer par les voisins du Mali au sein de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), qui réclament un retour des civils dans un an maximum, au terme d’une transition dirigée par des civils. La Cédéao a donné à la junte jusqu’à mardi pour désigner un président et un Premier ministre civils. Elle a imposé au Mali un embargo sur les flux commerciaux et financiers.
La “charte” proposée est à présent entre les mains des centaines de personnalités politiques, syndicalistes, membres de la société civile et militaires rassemblés depuis jeudi pour s’entendre sur les termes de la “transition” promise par la junte et censée ramener les civils à la tête d’un pays communément décrit comme en voie de sombrer sous l’effet de la crise sécuritaire, politique et économique.
Ils devront surmonter des dissensions de plus en plus patentes, moins d’un mois après un putsch favorablement accueilli par des Maliens exaspérés devant la persistance des attaques jihadistes et des violences intercommunautaires et l’impuissance étatique dans tous les domaines.
Dans les différentes salles où se sont répartis les délégués, la “charte” proposée a suscité des débats passionnés et parfois tendus. La junte n’a pas dit à qui il reviendrait d’en rédiger la version finale, ni même quand elle serait rendue publique.
Différents participants ont dit sous le couvert de l’anonymat s’attendre à ce que les colonels tranchent eux-mêmes sur la base d’une synthèse des débats des derniers jours. Le document ne serait publié qu’après la fin des travaux, prévue samedi, dans un délai non précisé, ont-ils dit.
Des responsables de la junte devraient aller à la rencontre de chefs d’Etat et de gouvernement de la Cédéao qui se réuniront mardi dans la capitale ghanéenne, a dit à l’AFP un collaborateur de l’ancien président nigérian Goodluck Jonathan, qui a mené une longue médiation dans la crise malienne.
La “charte”, document le plus attendu de ces “journées de concertation nationale” ouvertes jeudi sous les vastes plafonds du Centre international de conférence de Bamako, met en place les organes transitoires comblant le vide actuel, avec un président renversé, un gouvernement vacant depuis des mois, une assemblée dissoute.
Des élections générales
Le document de huit pages, élaboré par les experts nommés par la junte et supposés faire la synthèse de concertations antérieures, prévoit que le président de la transition, qui remplirait les fonctions de chef de l’Etat, soit “choisi par le Comité national pour le salut du peuple” (CNSP), autrement dit la junte. Ce serait “une personnalité civile ou militaire”. La même junte et “les forces vives de la Nation” proposeraient le nom du Premier ministre. Il serait nommé par le président. Un organe législatif serait instauré, le chef en serait un militaire.
Ces organes resteraient en place jusqu’à l’installation de nouvelles institutions à l’issue d’élections générales. “Au regard de l’ampleur des tâches”, de l’objectif fixé de “refondation de l’Etat”, “de la complexité, de la gravité et de la profondeur” de la crise, “la durée de la transition est fixée (à) 24 mois”, dit le document.
La durée de la transition, la provenance de ceux qui en auront la direction, conjuguées aux intérêts particuliers des uns et des autres en prévision de la répartition des postes, divisent de plus en plus ouvertement les forces maliennes.
Les partisans d’une transition longue confiée aux militaires arguent du temps et de l’autorité nécessaires pour créer les conditions d’un redressement dans un pays au bord du gouffre. Les autres invoquent au contraire le risque d’une instabilité encore accrue dans un Sahel déjà gagné par l’insécurité jihadiste, et le mauvais exemple régional donné par une junte maintenue durablement au pouvoir.
La junte a initialement parlé d’une transition de trois ans sous la conduite d’un militaire. Elle s’est heurtée au refus net de la Cédéao.