Comment sortir de l’impasse dans le centre du Mali ? Le dialogue avec les jihadistes et ceux qui les soutiennent est une option qui ne doit pas être laissée de côté, estime un rapport de l’International Crisis Group rendu public mardi 28 mai. Ce groupe de recherche et de réflexion international reconnaît que la démarche est compliquée et loin d’être gagnée d’avance, mais il recommande aux autorités d’y penser sérieusement.
C’est parce qu’il n’y a pas de porte de sortie aujourd’hui dans le centre du Mali que l’option d’un dialogue doit être considérée, expliquent les experts de l’International Crisis Group. Et s’ils s’aventurent à prôner cette démarche, expliquent-ils, c’est que certains politiques maliens reconnaissent ouvertement ou à demi-mot qu’elle est envisageable et qu’elle pourrait être un recours face à l’impasse actuelle.
Selon l’ICG, la démarche est double : il faut viser à la fois le dialogue avec Amadou Koufa, le chef de la katiba du Macina qui sème la terreur dans la région et le contact avec ses hommes, mais aussi avec tous ceux qui ont des griefs contre l’État et qui les expriment en soutenant les jihadistes.
La tâche s’annonce difficile
Amadou Koufa a déjà déclaré être prêt à rencontrer des religieux par le passé. On sait aussi que des contacts ponctuels entre l’État et des émissaires de katiba du Macina existent puisque des libérations d’otages maliens ont été obtenues encore récemment. Des signaux parmi d’autres qui laissent penser qu’un dialogue n’est pas impossible, notent les auteurs du rapport.
Les experts suggèrent de ne pas chercher immédiatement à négocier une paix globale, mais de négocier localement des cessez-le-feu ou des accès humanitaires dans un premier temps, pour soulager le quotidien des Maliens.
Les trois obstacles au dialogue, selon l’International Crisis Group
Dans une interview à RFI, Ibrahim Yahaya, un des deux auteurs du rapport d’ICG, évoque des obstacles dont les trois principaux sont : la nature des demandes des jihadistes, le lien que ce groupe-là entretient avec d’autres groupes transnationaux ; les pressions, domestiques et des partenaires internationaux, exercées sur certains d’entre eux pour ne pas aller au dialogue.
Ce que les jihadistes veulent, c’est « un changement profond dans le système institutionnel et politique du Mali. Ils sont contre les institutions de l’État, ils sont contre le système démocratique, ils veulent remplacer tous ces systèmes-là par un système théocratique inspiré de la charia, telle qu’eux ils la définissent. Ils veulent aussi couper les liens avec les Occidentaux, en particulier la France. On sait bien que l’État malien est profondément attaché à ses institutions. Il est profondément attaché à la démocratie, à la laïcité et aussi à garder de bonnes relations avec les pays occidentaux, en particulier la France. On voit bien que ça pose un problème », explique Ibrahim Yahaya.
« Le deuxième obstacle est le lien que ce groupe-là entretient avec d’autres groupes transnationaux. On sait que la katiba Macina est juste une katiba d’Ansar Dine et de JNIM. Et ces deux groupes, le JNIM particulièrement, ont prêté allégeance à d’autres groupes jhadistes en Algérie, notamment, à Aqmi et à Ayman al-Zawahiri, qui est le leader d’al-Qaïda », souligne Ibrahim Yahaya.
Cela veut dire qu’Amadou Koufa ne peut peut-être pas décider tout seul de discuter ? Selon L’IGC, « il se pourrait que d’autres échelons au-dessus de lui fassent partie de la décision de négocier ou pas. Donc sa marche de manoeuvre, d’autonomie à engager ce dialogue est un challenge ».
Quant au troisième obstacle important, selon l’ICG, il est lié « aux pressions domestiques et aux partenaires internationaux qui font pression certainement sur eux pour ne pas aller au dialogue, pressions qui peuvent réelles ou pas réelles ».
« Il y a des preuves concrètes qu’il y a des pressions qui sont exercées sur l’État malien. On sait que des partenaires clés de l’État malien ont des positions qui sont anti-dialogue. Et à la fin, ce sont les États-Unis qui ont des positions ouvertes, claires qui sont anti-dialogue. Beaucoup de décideurs maliens peuvent se sentir menacés s’ils acceptent de s’engager dans un dialogue qui n’est pas soutenu par leur partenaire-clef », indique à RFI, Ibrahim Yahaya.