Après la fantastique épopée des pères de l’indépendance qui a permis de nous libérer du joug colonial et d’entretenir le rêve d’une nation prospère bâtie sur le socle de grands empires et royaumes, la révolution de mars1991 se présentait comme l’opportunité de franchir un autre cap. Ce qui s’est passé le 18 Août 2020 a ramené tout le monde sur terre, consacrant l’échec du mouvement dit démocratique. Saurons-nous enfin tirer profit des échecs passés ?
REDONNER À LA POLITIQUE SES LETTRES DE NOBLESSE
« Si ton plan est pour un an, plante du riz. Si ton plan est pour dix ans, plante des arbres. Si ton plan est pour cent ans, éduque les enfants », a dit Confucius. De Modibo Kéita à Ibrahim Boubacar Kéita, qui a fait quoi au Mali ? En huit ans seulement, le socialiste Modibo Kéita dont la rigueur morale et le sens patriotique sont avérés a travaillé pour le court, le moyen et le long terme, faisant du Mali un pays respecté en Afrique et dans le reste du monde. L’éducation, la santé, la culture, l’industrialisation, le patriotisme et la lutte contre la corruption ont été au centre de ses préoccupations. Le militaire Moussa Traoré, en adoptant la voie d’un libéralisme débridé sans ancrage politique réel, a jeté l’enfant avec l’eau du bain. Cependant, il a réussi à faire de l’armée nationale une véritable force de dissuasion au Mali et dans toute la sous-région. De 1960 à 1990 sous les 1ère et 2ème républiques, la question de fond est restée celle des libertés individuelles et de la démocratie. À partir de 1991, le contexte mondial qui n’a pas épargné le Mali était marqué par la fin de la guerre froide symbolisé par la chute du mur de Berlin et par les aspirations légitimes des peuples à la liberté. À cette époque, la seule force organisée et aguerrie pour le combat contre Moussa Traoré et son régime était celle des élèves et étudiants (UNEEM-AEEM). En effet, ceux-ci avaient déjà payé un lourd tribut pour leur insoumission notoire au Comité Militaire de Libération Nationale puis à l’UDPM, le parti unique. Il y avait aussi quelques résistants reconnus pour leur esprit d’indépendance et leur soif de justice : Maître Demba Diallo du Barreau malien, Bakary Karambé de l’UNTM ainsi que des enseignants restés célèbres dans le milieu estudiantin des années 1970 à 1980. Une fois le départ de Moussa Traoré obtenu, qu’a-t-on constaté ? La politique trempée dans les eaux sales de la corruption a pris le contrôle du pays. Ainsi, l’école est tombée en quenouille et les moins méritants ont été propulsés Dieu Seul sait sur quelle base à des postes de responsabilité. Le secteur dans lequel on excelle aujourd’hui n’est-il pas la prédation des ressources publiques ? Est-ce étonnant ? Et à qui doit-on cela ? Les incompétents n’arrivent jamais tout seuls à des postes de responsabilité et ils seront toujours moins coupables que ceux qui les aident à monter.
SORTIR DE LA PERVERSION DU SYSTÈME POLITIQUE
Planter du riz ? Le Mali n’exploite pas encore 10% des 2 000 000 d’hectares de l’Office du Niger, pourtant présenté comme le plus grand potentiel rizicole pouvant assurer l’autosuffisance alimentaire et créer des emplois. Planter des arbres ? Le désert avance sans cesse et la faune jadis si riche est désormais inexistante. Comme de nombreux hommes, les animaux eux aussi ont choisi d’émigrer vers des pays limitrophes plus accueillants et moins à risques. Éduquer les enfants ? Tout le monde voit comment la jeunesse est sacrifiée depuis trente ans et réduite au chômage et à la mendicité. Il a fallu qu’un leader religieux entre dans la danse pour susciter l’espoir de changement, confirmant l’échec des politiques qui broient du noir et rasent les murs depuis la chute d’IBK. La couleuvre est difficile à avaler, mais c’est aussi l’occasion ceux qui ont du mérite de préparer les futures élections, en espérant que le peuple saura trier le bon grain de l’ivraie. L’investiture du président et du vice-président de la transition, et le discours inaugural ont ramené un peu de baume dans les cœurs meurtris dans ce Mali trahi et presque détruit par ses propres enfants. La mise à la retraite annoncée de certains et le rajeunissement du système ne sont plus une simple vue de l’esprit, comme l’implication effective des Maliens établis à l’extérieur qui représentent un tiers de la population active du pays. Ceux-ci apporteront leur vision et du sang neuf grâce au retour d’expérience des uns et des autres. Longtemps tenus à l’écart des sphères de décision et confinés dans le rôle d’apporteurs de fonds sans droit de regard sur la gestion du pays, ils soutiennent à fond la Transition en cours avec l’espoir qu’elle apportera le renouveau.
Il est plus que temps de mettre fin à la souffrance des Maliens martyrisés de façon cynique, voire sadique par d’autres compatriotes assurés de l’impunité. Des réformes courageuses doivent être faites pour remettre le pays sur pied. Pour cela, il faut jeter les bases d’un Mali nouveau, donner un contenu et un visage à la morale et à la vertu pour que les élections deviennent l’occasion de trouver une réponse à des préoccupations sociales.
Mahamadou Camara
Email : mahacam55mc@gmail.com
Source : INFO-MATIN