Bamako – Plus d’une centaine de jihadistes condamnés ou présumés ont été libérés au Mali au cours du week-end dans le cadre de négociations pour la libération d’une persnnalité malienne et d’une Française supposés être aux mains des jihadistes, a-t-on appris lundi de sources proches des tractations.
Des libérations d’une telle ampleur sont très rares au Mali. Sophie Pétronin et Soumaïla Cissé, les deux otages dont la libération est dans la balance selon ces sources, sont la dernière otage française détenue à travers le monde pour l’une et une figure politique d’envergure nationale au Mali pour l’autre.
“Dans le cadre de négociations pour obtenir la libération de Soumaïla Cissé et de Sophie Pétronin, plus d’une centaine de prisonniers jihadistes ont été libérés ce week-end sur le territoire malien“, a déclaré à l’AFP un des responsables de la médiation sous le couvert de l’anonymat en raison de la sensibilité de l’affaire.
Un responsable des services de sécurité maliens a confirmé ces informations. Les prisonniers ont été relâchés dans le secteur de Niono (centre) et dans la région de Tessalit (nord) vers où ils ont été acheminés par avion, a-t-il précisé.
Un élu de Tessalit a confirmé anonymement à l’AFP l’arrivée dimanche par avion de “très nombreux prisonniers jihadistes” et leur libération.
Sophie Pétronin, humanitaire française, a été enlevée le 24 décembre 2016 par des hommes armés à Gao (nord du Mali), où elle vivait depuis de longues années et dirigeait une organisation d’aide à l’enfance.
La dernière vidéo où elle apparaissait avait été reçue mi-juin 2018. Elle y semblait très fatiguée, le visage émacié, et en appelait au président français Emmanuel Macron. Dans une autre vidéo en novembre 2018, où elle ne figurait pas, ses ravisseurs affirmaient que son état de santé s’était dégradé.
Soumaïla Cissé, ancien chef de l’opposition parlementaire et deuxième à trois reprises de l’élection présidentielle, a été kidnappé le 25 mars alors qu’il était en campagne pour les législatives dans la région de Tombouctou (nord-ouest).
A défaut de preuve formelle, les soupçons pèsent sur le groupe jihadiste d’Amadou Koufa, actif dans le centre du Mali et affilié à Al-Qaïda.
– Dialoguer ou non –
Il s’agissait d’un enlèvement sans précédent d’une personnalité nationale de cette stature, même dans un pays et un contexte sécuritaire où de nombreux rapts ont été perpétrés pour différentes raisons.
Son sort a constitué un des cris de ralliement de la contestation de plusieurs mois contre l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta.
La libération de ces jihadistes intervient alors que le Mali est passé sous une nouvelle autorité, avec le coup d’Etat militaire qui a renversé le président Keïta le 18 août.
Les militaires viennent d’engager une transition censée ramener les civils au pouvoir au bout de 18 mois. Ils conservent une forte emprise sur la direction du pays.
Le Mali est plongé dans une crise sécuritaire profonde depuis les insurrections indépendantistes et jihadistes parties du nord en 2012.
Un accord de paix a été signé avec les indépendantistes. Mais les agissements des groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à l’organisation Etat islamique se sont propagés au centre du Mali, ainsi qu’aux pays voisins, malgré le déploiement de forces françaises et internationales.
Le Mali, pauvre et enclavé, est aussi ensanglanté par les violences intercommunautaires.
Les violences ont fait des milliers de morts militaires et civils. Deux tiers du territoire échappent au contrôle du pouvoir central.
L’ancien président Keïta avait longtemps refusé officiellement le dialogue avec les jihadistes avant de briser ce dogme en février en se disant prêt à parler à certains d’entre eux. Des contacts ont toutefois existé auparavant, inavoués, pour la libération d’otages ou la négociation de cessez-le-feu.
La junte militaire n’a pas fermé la porte aux discussions. Elle a fait voeu de chercher à obtenir la libération de Soumaïla Cissé.
AFP