En organisant ce 23 juin un débat entre deux personnalités appartenant à des camps résolument opposés, dans un contexte de crise exacerbée, l’ORTM a fait preuve d’audace remarquable. D’autant plus remarquable que le sujet central portait sur la demande de démission du président de la République par une opposition apparemment déterminée.
Pour le journaliste que je suis et le ministre que je fus, c’est une performance à saluer, même si, la chaîne nationale n’a fait qu’un travail qui n’aurait dû être qu’une routine.
Première leçon à retenir tout de même : notre service public a permis ce mardi au téléspectateur de comprendre la différence entre média d’État et média gouvernemental.
Me vient à l’esprit l’exhortation que j’adressais lors d’une visite au personnel de l’ORTM dont j’étais le ministre de tutelle : faites votre travail sans concession, n’ayez de limite que votre conscience professionnelle et laisser le département gérer les conséquences politiques de vos initiatives. Je suis heureux de constater qu’on en prend le chemin moins de dix ans après. Bravo. Notre consœur Sira Bathily a réussi à maîtriser le débat grâce à son expérience et aussi à des invités restés courtois devant un sujet sensible qui tient en haleine tout le pays, et au-delà, la sous-région.
Le ministre Amadou Koïta et le coordonnateur de la CMAS, Issa Kaou Djim, ont prêché d’exemple bien qu’ils étaient en désaccord sur presque tout et notamment l’offre itérative de main tendue pour le premier et le leitmotiv de démission du président pour le second. S’accorderont-ils un jour ? Cette question est un autre sujet.
Pour l’heure, le constat est là, encourageant, la démocratie a avancé, le temps d’un échange sur un plateau de télévision.
En dépit de l’ambiance de crispation extrême qui traverse le pays et dont les deux débatteurs témoignaient, il n’y eut ni invectives, ni interpellations intempestives, seulement des tentatives bien compréhensibles de grignotage de temps de parole ; c’est la règle du jeu mais la vigilance de Mme Bathily, sourire aux lèvres, a courtoisement rappelé ses invités à l’ordre.
Combien sommes-nous de Maliens à avoir suivi ces échanges ? Sans doute plus nombreux que ceux qui se rendent aux urnes lors de nos élections. Est-ce donc cela le peuple ?
Au-delà, la preuve est donc faite qu’il était possible de présenter sur l’ORTM des visions politiques différentes, voire opposées, de demander pendant une heure la démission d’un président en fonction, sans que le ciel ne nous tombe sur la tête. Ailleurs, sous nos tropiques, diffuser la déclaration d’un dirigeant de l’opposition conduit au limogeage du directeur d’une structure d’État. À présent, ne jetons pas le manche après la cognée.
Il faut prolonger l’expérience du 23 juin, elle contient la leçon qui rend banales les interventions de camps opposés sur la même vision du même pays. Sans jamais remettre en cause un Mali un et indivisible.
Alors lequel des deux invités a gagné ? Ceux pour qui la politique est un tiercé répondront. Pour ma part, le Mali, qui en a bien besoin par ces temps, est le seul gagnant.
Hamadoun TOURÉ
Ancien ministre de la Communication
Source: Journal l’Essor- Mali