Une insensibilité aux crimes se généralise, tendant à normaliser la perte de civils ou de soldats chaque jour ; tendant à étouffer l’indignation face à la montée en puissance du grand banditisme à Bamako et dans certaines capitales régionales. Cette insensibilité face à la violence de l’autre se transforme de plus en plus en germe intérieur pour faire du malien, un citoyen qui réussit à exclure de son champ de valeur la pitié et le dialogue.
À la moindre incartade, le réflexe de la violence prend le dessus. Chaque manifestation, spontanée ou non, est marquée par le sceau de la descente musclée dans la rue. Pour dire non à la mesure sur les postes de péages, la horde des représentants du secteur des transports a mené une action diligente de blocus dans la ville de Bamako et sur certains axes. Pour réclamer une meilleure école, pour protester contre la vie chère ou la corruption endémique, la rue est envahie avec son lot de casses et de désolation.
Les spécialistes en sociologie pourront dire s’il existe une prédestination du peuple malien à ce recours à la violence mais déjà, nous pouvons affirmer que les acteurs politiques recourent sournoisement à une forme d’excitation du peuple pour avoir des scènes de chaos utiles à leurs stratégies de conquête du pouvoir.
L’excitation à la violence, que nous différencions de l’incitation à la violence, est une manipulation de longue haleine et en sourdine qui prépare le peuple à toutes les batailles pour le seul intérêt du porteur de la stratégie. Le pouvoir transitoire pense, avec une certaine paranoïa, que cette excitation à la violence mobilise les syndicats (UNTM d’abord, les transporteurs et les boulangers ensuite), la société civile (les ONG de défense des droits de l’homme surtout) et même l’armée dans une perspective de déstabilisation des institutions actuelles.
Il peut y avoir du vrai parce qu’en politique il n’y a pas de hasard de calendrier. Cependant, l’excitation à la violence se nourrit le plus souvent des frustrations et des erreurs dans la gouvernance. Si le pouvoir actuel ne clarifie pas sa ligne de gouvernance et ne s’y tient pas avec transparence, certains leaders pousseront le bouton de l’excitation à l’incitation à l’action dans la rue.
Manifestement, un leader en particulier en prend le chemin avec un manifeste, en apparence innocent, qui prépare le terrain aux prochaines luttes contre le pouvoir en place. Les mots ont changé, le style, dans sa forme et sur le fond, change mais le discours rappelle ceux qui ont précédé la création du M5-RFP. Souhaitons à nouveau la bienvenue dans l’arène politique à l’imam Dicko, grand maître de l’excitation aveugle des peuples.
Y.KEBE