Au Mali, les réactions se multiplient après l’annonce, le 25 septembre dernier, par les autorités de transition de léger report de la présidentielle initialement prévue en février-mars 2024.
Selon la junte, ce report est dû à des « raisons techniques », dont la prise en compte de la nouvelle Constitution de juillet dernier et la révision des listes électorales.
Il s’y ajoute ce qu’elle qualifie de « prise en otage » de la base de données du recensement administratif à vocation électorale (RAVEC). Il s’agit d’un litige qui l’oppose à la société « IDEMIA » impliquée dans ce recensement spécialisé dans la sécurité numérique et considérée comme un des leaders mondiaux de la reconnaissance biométrique.
Bamako refuse de rembourser à cette société un montant de plus de cinq milliards F Cfa afin d’entrer en possession de ses données. Les autorités évoquent des insuffisances dans l’exécution de ce contrat. Pourtant, c’est sur cette base que le référendum pour la validation de la nouvelle Constitution a été organisé, le 18 juin dernier.
De quoi raviver à nouveau la tension de la scène politique nationale puisqu’il s’agit ainsi du troisième report de ce scrutin censé marquer la fin de la transition, le transfert du pouvoir aux civils et le retour à l’ordre constitutionnel.
A son arrivée au pouvoir en août 20120, la junte avait annoncé une durée de 18 mois de la transition, avant de la prolonger à deux ans à partir de mars 2022.
A travers cette démarche, certains soutiennent le fait que l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE), organe unique censé gérer les différents scrutins, n’a plus sa raison d’être puisque c’est elle qui est censée de décider du report d’une élection, en concertation avec les acteurs politiques. Ce qui n’est pas le cas car c’est le ministre de l’Administration, porte-parole du gouvernement qui a fait l’annonce.
Pourtant, beaucoup espéraient qu’avec l’installation de l’AIGE, l’administration ne s’immiscera plus dans le processus électoral.
Parmi les formations politiques qui se sont insurgées contre ce nouveau report, il y a la Convergence pour le développement du Mali (CODEM) de l’ancien ministre Housseini Amion Guindo, « Yéléma » le Changement de l’ancien Premier ministre, Moussa Mara, le Parti pour la renaissance nationale (Le Parena) de l’ancien chef de la diplomatie Tiébilé Dramé, « l’Appel du 20 février pour sauver le Mali », une branche du M5-RFP à l’origine du renversement du défunt président Ibrahim Boubacar Keïta et la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de l’Imam Mahmoud Dicko.
D’autres contestataires de ce report de la présidentielle ont tenu à exprimer leur position de façon individuelle. Il s’agit notamment du dernier Premier ministre du régime d’IBK, Dr Boubou Cissé, l’ancien ministre de la Justice, Mamadou Ismael Konaté, récemment nommé président du bureau de l’Union africaine professionnelle de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF).
Certains parmi ces contestataires estiment que les raisons avancées par les autorités pour reporter ce scrutin ne sont pas « valables » d’autant que le Mali vient d’organiser un référendum à la même enseigne qu’une présidentielle dont les autorités estiment qu’il s’est tenu « globalement dans de bonnes conditions sur l’ensemble du territoire ».
Pour d’autres, il valait mieux évoquer comme argument la situation sécuritaire du pays qui a récemment connu une forte détérioration sécuritaire avec des attaques meurtrières perpétrées par des groupes jihadistes et la reprise des hostilités par l’ancienne rébellion.
Pendant ce temps, on attend la réaction de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui ne s’est pas encore prononcée sur la décision des autorités de Bamako. En janvier 2022, c’est pratiquement dans les mêmes conditions que l’organisation ouest-africaine avait imposé des sanctions contre le Mali, qui ont duré six mois avant d’être levées, lorsque la junte a accepté de réduire les cinq ans qu’elle avait initialement prévus pour la fin de la transition.
MD/te/APA