Des performances intéressantes mais des signaux d’alerte
Lors de cette émission, le Mali a sollicité un montant de 25 000 millions de F CFA à travers ses BAT (Bons assimilables du Trésor). Toutefois, les investisseurs n’ont souscrit que pour 20 076,0000 millions de F CFA, ne couvrant ainsi que 80,31 % de la somme demandée.
On se rappelle que sur les interventions sur le marché financier régional, le Trésor public avait déjà pu mobiliser au cours du premier semestre 2023 un montant de 607,8 milliards de F CFA sur le programme annuel initial de 1359 milliards de F CFA. Ce montant est composé de 178,87 milliards de F CFA en bons du Trésor et 428,95 milliards de F CFA en obligations du Trésor.
Dans ce contexte, cette souscription inférieure aux attentes peut s’interpréter comme un signe de réserve ou de prudence de la part des investisseurs, probablement en raison des taux d’intérêt relativement élevés proposés par le Mali et de la dégradation de la situation sécuritaire et économique du Mali.
En effet, les taux moyens pondérés pour les BAT se situent à 7,9803 %, avec un taux marginal de 8,0000 %. Ces taux élevés sont nécessaires pour attirer les investisseurs, mais ils pourraient alourdir la dette du pays à long terme, un défi majeur à relever pour le gouvernement malien.
Durant le premier semestre de l’année 2023, la dette publique a augmenté de 5,69 % passant de 5 918,89 milliards de F CFA à fin décembre 2022 à 6 255,61 milliards de F CFA à fin juin 2023. Cette évolution est surtout imputable à la dette intérieure qui a augmenté de 8,20 % tandis que la dette extérieure n’avait alors augmenté que de 3,77 %.
Quant aux OAT (Obligations assimilables du Trésor), les résultats ne sont pas plus encourageants. Sur les 25 000 millions de F CFA sollicités, seuls 5 255,1000 millions de F CFA ont été souscrits, reflétant une faible demande pour ces obligations. Les taux moyens pondérés pour les OAT varient entre 7,3700 % et 8,5200 %, montrant une certaine volatilité sur les marchés.
Un contexte complexe
Le bulletin semestriel de la direction nationale de la dette publique nous renseigne que durant le premier semestre 2023, le service de la dette publique a été exécuté à hauteur de 101,8% des prévisions de la Loi des finances sur la même période. En pourcentage des recettes budgétaires (recettes totales du Tofe hors recettes des établissements publics nationaux), il a représenté 18,9 %.
Pour rappel, le premier semestre 2023 a été marqué par la signature de quinze (15) accords de financement signés avec les principaux créanciers du Mali pour un montant total d’environ 622 495 477 565 F CFA. Ces montants mobilisés sont destinés au financement des secteurs d’intervention prioritaires ci-après : (i) agriculture, élevage et pêche, (ii) énergie, eau et assainissement, (iii) sécurité alimentaire, (iv) sécurité sociale, et (v) Emploi.
C’est pourquoi, il est important de replacer ces résultats dans le contexte économique et sécuritaire actuel du Mali. Le pays a été confronté à des défis majeurs depuis 2020, notamment la pandémie de coronavirus et les sanctions économiques de la Cédéao en 2021. Malgré ces difficultés, les investisseurs ont montré un certain intérêt pour les titres maliens, ce qui suggère une confiance relative dans la stabilité future du pays.
Cependant, les enjeux sécuritaires demeurent une préoccupation majeure. Le départ de la Minusma et la persistance des menaces posent des défis considérables à la stabilité du Mali et à son utilisation efficace des fonds levés lors de ces émissions.
Des leçons à tirer
Les résultats de l’émission de titres et de bons du Trésor du Mali révèlent à la fois des signaux d’optimisme et des défis persistants. Le pays doit faire face à l’insuffisance des souscriptions, aux taux d’intérêt élevés et à la variabilité des rendements sur les marchés. Ces obstacles pourraient compliquer la gestion du service de la dette et la réalisation de ses projets de développement.
Le Mali devra adopter une gestion prudente de ses ressources financières tout en cherchant des solutions durables aux problèmes sécuritaires pour assurer une relance économique stable.
De toute évidence, le Mali se trouve à un carrefour économique crucial, confronté à la nécessité de gérer sa dette tout en stimulant son développement. Les taux d’intérêt élevés, bien que nécessaires pour attirer les investisseurs, exigent une gestion prudente pour éviter une augmentation excessive de la dette à long terme. Le gouvernement malien doit équilibrer ses besoins de financement avec la durabilité de sa dette.
De plus, la situation sécuritaire préoccupante demeure un défi majeur pour le pays. Le Mali doit garantir que les fonds levés lors de ces émissions servent efficacement à renforcer la stabilité et à répondre aux besoins urgents du pays, en particulier dans les secteurs prioritaires tels que l’agriculture, l’énergie, la sécurité alimentaire, la sécurité sociale et l’emploi.
La communauté internationale, y compris les principaux créanciers du Mali, joue également un rôle crucial dans le succès de la nation d’où l’importance de maintenir des relations constructives avec ses partenaires pour garantir un flux continu de financements et un appui dans ses efforts de développement.
L’avenir économique et politique du Mali reste incertain, mais ces défis actuels offrent des leçons importantes pour la gestion financière, la stabilité et la croissance future du pays. La prudence financière, la résolution des problèmes sécuritaires et la transparence dans la gestion des ressources seront essentielles pour que le Mali puisse prospérer dans les années à venir.
L’évolution de la situation économique et politique du pays sera cruciale pour déterminer si les titres et bons du Trésor du Mali pourront retrouver leur attractivité sur le marché financier régional.
Voir les résultats sur https://www.umoatitres.org/fr/emission/emission-simultanee-de-bons-et-obligations-assimilables-du-tresor-du-mali-du-20-09-2023/
Dr. Etienne Fakaba Sissoko
Professeur d’économie
Faculté des sciences économiques et de gestion