Faute d’avoir pu bénéficier de promotions, des sous-officiers de l’armée malienne, artisans du coup d’État du 22 mars 2012, se sont sentis trahis et oubliés par leur hiérarchie. Mardi 30 septembre, ils ont utilisé la méthode forte pour se faire entendre. Retour sur une journée très tendue à Kati, fief des anciens putschistes.
La rumeur courait déjà depuis plusieurs jours à Bamako et à Kati, ville garnison située à 15 km au nord de la capitale. Au ministère de la Défense, les noms d’un groupe de sous-officiers ayant soutenu le putsch du 22 mars 2012 ont été retirés à la dernière minute d’une liste de bénéficiaires des promotions annuelles prévues pour le 22 septembre, jour de la fête nationale du Mali.
Une semaine plus tard, mardi 30 septembre, à Kati, le siège du Comité militaire de suivi de la reforme des forces de défense et de sécurité (CMSRFDS) est pris d’assaut par un groupe de soldats. Il est 9 heures 20, trois militaires lourdement armés font irruption devant la porte principale du comité avant d’ouvrir le feu en rafales, à la mitrailleuse. Panique dans le camp ! Le colonel Mohamed Elhabib Diallo, qui assure l’intérim du CMSRFDS, et qui se trouvait à ce moment dans la cour en discussion avec des collègues, regagne précipitamment son bureau. Les trois assaillants investissent le siège du comité et foncent directement vers le bureau du colonel Diallo.
“Armés comme des Rambo”
“Ils étaient armés à la grenade avaient des cartouches sur eux comme des Rambo. La sentinelle a été obligée de faire profil bas et de les laisser passer afin d’éviter un bain de sang”, nous confie un officier malien témoin de la scène. Auparavant, au moins deux complices qui s’étaient infiltrés dans les locaux du comité rejoignent les trois autres assaillants dans le bureau du colonel Diallo, qui est sommé de les suivre dehors. Mais celui-ci tente de fuir et un soldat lui tire dans les jambes, le blessant avant de l’emmener dans un endroit tenu secret du poste de commandement.
L’alerte maximum est alors donnée à Kati. “Ils ont ciblé directement le colonel Diallo car ils l’accusent d’être à l’origine de l’annulation de leur promotion”, explique notre officier témoin. De leur côté, les mutins commencent à téléphoner dans les autres camps de Bamako pour demander aux soldats non promus comme eux de les rejoindre.
Dans l’après-midi, plusieurs dizaines de soldats du génie miliaire, de la garde nationale de la gendarmerie convergent à Kati. “Tant que le colonel Diallo n’a pas dit la verité, on ne va pas le laisser. On veut la vérité sur ce qui s’est passé avec notre liste et il faut qu’on rencontre Sanogo”, indiquait alors à Jeune Afrique un sous-officier qui avait regagné le rang des mutins. La tension est restée vive toute l’après midi puis, aux envions de 20 heures, l’ancien chef de la junte, l’ex-capitaine Sanogo devenu général 4 étoiles, accepte finalement de rencontrer les révoltés.
Locaux saccagés
“Sanogo explique aux rebelles qu’il n’a pas été impliqué dans le dernier processus de promotion. Et qu’il faut donc aller demander des comptes aux autorités politiques”, confie une source proche de l’ex-chef de la junte. Peu satisfaits de cette réponse, les soldats gardent en otage le colonel Diallo, qui a reçu les premiers soins pendant sa captivité, et demandent cette fois-ci de rencontrer le ministre de la Défense, Soumeylou Boubeye Maïga.
À 21 heures 30, ce dernier arrive à Kati. “Il leur dit que leur message a été entendu, et qu’il faut libérer le colonel Diallo en attendant l’arrivée du président IBK, mardi. Car ce dernier est le seul qui peut signer les décrets de nomination aux grades supérieur”, explique une source au ministère de la Défense. Entre 22 heures 30 et 23 heures, le colonel Diallo est finalement libéré, mais les soldats conservent le contrôle des locaux du comité, qui est finalement pillé.
“Au milieu de la nuit, des hommes non identifiés sont entrés par une porte dérobée des locaux du comité et ils ont tout pris : ordinateurs, photocopieuses, imprimantes, télévisions… rien de transportable n’a été laissé”, nous confie un officier membre du CMSRFDS. Mardi en fin de journée, la situation est plus calme mais les soldats rebelles sont toujours là. Et ils attendent IBK de pied ferme.
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Par Baba Ahmed, à Bamako
Source: Jeune Afrique