En août dernier, les géants aurifères Barrick et AngloGold Ashanti ont conclu un accord pour céder leur mine d’or malienne Morila à la société Mali Lithium Ltd (MLL). La compagnie active dans le secteur du lithium s’est lancé un défi improbable : redonner un second souffle à un actif considéré par ses ex-détenteurs comme en fin de vie. Après pratiquement 20 ans d’exploitation durant lesquels elle a enrichi ses propriétaires ainsi que l’Etat malien, faut-il encore croire à une « énième » résurrection de la grande mine d’or Morila ?
Les motivations de Mali Lithium
Pour racheter la participation totale des deux géants propriétaires de Morila (80%), MLL a consenti à débourser entre 22 à 27 millions $. Ce montant peut sembler bien faible, compte tenu du cours actuel du métal jaune et du coût des transactions similaires dans l’industrie. Mais la mine Morila était censée fermer cette année, car les réserves connues sont pratiquement épuisées. En témoignent les 27 000 onces d’or livrées par la mine contre 30 000 onces il y a deux ans, bien loin des standards habituels des belles années de Morila.
« Nous sommes enthousiastes à l’idée d’acquérir une mine du calibre de Morila, avec sa production passée et ses ressources minérales de 8,7 millions d’onces d’or. Il s’agit d’une acquisition véritablement transformatrice pour la société, car nous devenons un producteur d’or », s’est réjoui Alistair Cowden, le président exécutif de Mali Lithium.
« Morila possède déjà toute l’infrastructure requise pour une mine d’or ainsi que l’expertise de l’équipe d’exploitation […] Nous prévoyons d’utiliser les flux de trésorerie de Morila pour accélérer les opérations en recommençant l’exploitation à ciel ouvert dès que possible »
Si la compagnie est devenue automatiquement un producteur d’or en rachetant Morila, elle ne va cependant pas se contenter des réserves prouvées restantes et fermer la mine au bout d’une année. En plus d’utiliser la mine pour générer immédiatement des revenus pour développer ses autres projets, la société veut tout faire pour étendre sa durée de vie.
« Nous avons un avantage unique en tant que plus récent producteur d’or sur l’ASX [la bourse australienne, NDLR]. Morila possède déjà toute l’infrastructure requise pour une mine d’or ainsi que l’expertise de l’équipe d’exploitation […] Nous prévoyons d’utiliser les flux de trésorerie de Morila pour accélérer les opérations en recommençant l’exploitation à ciel ouvert dès que possible », commente M. Cowden, affirmant résolument les intentions de sa société.
Des millions de dollars pour relancer une mine historique
Pour arriver à ses fins, Mali Lithium a annoncé, quelques jours seulement après l’accord d’achat, une levée de fonds d’environ 70 millions $. Alors qu’il manque encore l’approbation du gouvernement malien, détenteur des 20% d’intérêts restants dans le projet, cet empressement traduit toute la détermination de la compagnie.
Signe de la confiance des actionnaires de la compagnie en ce projet, ce sont eux qui devraient mettre la main à la poche, en plus de quelques autres investisseurs, dont la compagnie minière Resolute, pour mobiliser le financement. Après le règlement du montant de l’achat à AngloGold Ashanti et Barrick, le reste des fonds servira à élaborer un nouveau plan minier avec une mise à jour des ressources minérales et des réserves et un calendrier des activités à mener.
Mais sur quoi l’entreprise base toute cette confiance quant à la possibilité d’instaurer une nouvelle ère à Morila, alors que des géants comme Barrick et AngloGold n’y croyaient plus ?
MLL estime actuellement que le projet héberge des ressources minérales de 32 millions de tonnes titrant 1,26 g/t d’or soit 1,3 million d’onces. Elle compte accroitre cette ressource grâce au démarrage d’une campagne de forages sous peu ainsi qu’à l’intégration du gisement d’or Koting, situé sur son projet Massigui, adjacent à Morila. L’entreprise compte également réaliser des travaux au niveau de l’usine de traitement et de la centrale électrique ainsi que d’autres préparatifs nécessaires à l’exploitation des puits miniers.
Comme un phénix
Les ambitions de Mali Lithium sur le projet Morila sont claires et sa détermination sans faille. Mais sur quoi l’entreprise base toute cette confiance quant à la possibilité d’instaurer une nouvelle ère à Morila, alors que des géants comme Barrick et AngloGold n’y croyaient plus ?
Pour comprendre cet enthousiasme, il faut observer la longévité du projet d’or et sa capacité à déjouer les pronostics, par le passé. En effet, après sa mise en service en 2000 et l’établissement d’un premier plan minier, la mine d’or avait une durée de vie estimée à environ 13 ans. Après l’épuisement des réserves des principaux gisements en 2008, les propriétaires décident de procéder au traitement des stocks de minerai jusqu’à une fermeture définitive 5 ans plus tard. Sur ces huit premières années, Morila fut l’une, sinon la plus productive des mines d’or maliennes, livrant 5 millions d’onces et générant environ 246 milliards FCFA (près de 500 millions $) à l’Etat en redevances et diverses taxes.
L’aventure aurait pu s’arrêter là sans les mises à jour de ressources successives intervenues au fur et à mesure que le délai de fermeture approchait. Finalement, les propriétaires de l’époque, Randgold (qui a depuis fusionné avec Barrick) et AngloGold Ashanti décident en 2016, de concert avec le gouvernement malien, de prolonger jusqu’en 2019 la durée de vie de la mine.
« Les réserves restantes étaient plus grandes que nous pensions. Les recherches sont en train d’être menées pour développer de petites mines satellites autour de Morila », explique alors Karim Berthé, un responsable du ministère des Mines.
«Les réserves restantes étaient plus grandes que nous pensions. Les recherches sont en train d’être menées pour développer de petites mines satellites autour de Morila», explique alors Karim Berthé, un responsable du ministère des Mines.
Quatre ans plus tard et après plus de 7,4 millions d’onces livrées sur 20 ans, se dirige-t-on vers une nouvelle résurrection pour Morila ? Cela en a tout l’air. Car si la mine doit livrer, selon Mali Lithium, 26 350 onces d’or entre novembre 2020 et le deuxième trimestre 2021, « il existe un excellent potentiel de croissance à court terme de la production et de la durée de vie de la mine ».
Une chose est certaine, si la compagnie ne réussit pas son pari, elle pourra toujours mettre les installations de traitement de la mine au service d’autres projets dans la région, car elle est la seule usine de traitement d’or dans un rayon de 200 km.
Louis-Nino Kansoun
Agence Ecofin