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Mali : Les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force lors de manifestations

Au Mali, les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force pour réprimer des manifestations parfois violentes organisées par l’opposition politique, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Lors de trois journées de troubles en juillet 2020 dans la capitale Bamako, au moins 14 personnes ont été tuées et plus de 300 autres blessées, dont des manifestants, des passants et des membres des forces de sécurité. Les dirigeants de la coalition des partis d’opposition devraient prendre des mesures concrètes pour empêcher toute nouvelle violence de la part de leurs partisans.

La crise politique actuelle a été déclenchée par une décision de la Cour constitutionnelle qui en avril a donné au parti au pouvoir une majorité parlementaire, ainsi que par un taux de chômage élevé et une instabilité persistante dans le nord et le centre du Mali, et la perception de corruption au niveau de l’administration. En dépit des efforts de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour désamorcer la crise, de nouvelles manifestations de l’opposition sont prévues.

« Les violences récentes qui ont secoué la capitale ont laissé dans leur sillage un cortège effroyable de morts et de blessés », a déclaré Corinne Dufka, directrice pour le Sahel à Human Rights Watch. « Le recours excessif à la force par les forces de sécurité a clairement contribué à ce lourd bilan. Pour éviter la perte d’autres vies, elles devraient veiller à réprimer les manifestations violentes avec un recours minimal à la force, et les partis politiques devraient contraindre leurs membres à la retenue. »

Depuis juin 2020, une large coalition de partis politiques d’opposition, de leaders religieux et d’organisations de la société civile placée sous l’égide du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), manifestent contre le gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keita, appelant parfois à sa démission.

Lors des manifestations et des violences perpétrées du 10 au 12 juillet, les manifestants ont dressé des barricades ; lancé des pierres, parfois en se servant de lance-pierres ; occupé, incendié et pillé en partie des immeubles gouvernementaux et menacé d’attaquer le domicile d’un juge. Les forces de sécurité ont arrêté au moins cinq dirigeants de l’opposition, saccagé le siège du M5-RFP et utilisé des gaz lacrymogènes et des balles réelles pour démanteler les barricades et disperser les manifestants. Les dirigeants de l’opposition ont été remis en liberté le 13 juillet.

Les chercheurs de Human Rights Watch se sont entretenus, à Bamako et par téléphone, avec 26 personnes ayant connaissance de ces événements, dont 19 témoins, ainsi qu’avec des responsables gouvernementaux, des journalistes, des dirigeants de l’opposition et des spécialistes de la sécurité. Les personnes interrogées ont fait état de 14 morts parmi des manifestants et des passants, de toute évidence à la suite de tirs des forces de sécurité les 10 et 11 juillet. Plusieurs témoins interrogés ont été eux-mêmes blessés par des grenades lacrymogènes ou par des balles.

Selon un communiqué gouvernemental, la violence aurait fait 303 blessés – 176 manifestants ou passants, et 127 membres des forces de sécurité. Un communiqué du M5-RFP a déclaré que les forces de sécurité étaient responsables de la mort de 23 personnes, toutes ayant succombé à des tirs. Selon l’Agence France Presse et l’ONU, deux enfants figuraient parmi les victimes. Les dirigeants du M5-RFP ont assuré à Human Right Watch que les individus impliqués dans ces violences n’appartenaient pas à leur mouvement, bien que certains témoignages contredisent cette affirmation.

Des témoins ont indiqué que le 10 juillet, deux personnes ont été tuées par balles près de l’Assemblée nationale et des bureaux de la radio nationale. La plupart de ces témoins estimaient qu’il s’agissait de balles perdues. « J’ai vu les corps de deux jeunes gens après qu’ils ont été abattus… l’un dans la tête, l’autre à l’estomac », a affirmé un témoin. « Les deux sont décédés sur place. »

Le 11 juillet, des membres des forces de sécurité ont abattu au moins 12 personnes dans le quartier de Badalabougou, trois ayant été tuées par ceux qui gardaient le domicile de l’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle. « J’ai vu deux jeunes s’effondrer, l’un atteint à la tête, l’autre à la poitrine », a déclaré un témoin. « Un troisième a été gravement blessé à l’estomac. Nous l’avons conduit en moto à l’hôpital le plus proche, mais il n’a pas survécu. »

Des membres des forces de sécurité ont tué au moins neuf personnes par balles après que leur véhicule s’est retrouvé coincé dans un caniveau dont la dalle de béton avait apparemment été retirée, près du domicile et de la mosquée de Mahmoud Dicko, un imam influent qui est l’un des dirigeants du M5-RFP. Selon des témoins, des membres paniqués des forces de sécurité ont tiré sur les manifestants alors qu’ils approchaient du véhicule, tuant six d’entre eux, et d’autres qui prenaient la fuite. « Ils ont continué à tirer alors que nous courions vers la mosquée », a relaté un témoin. « Trois personnes ont perdu beaucoup de sang… elles sont ensuite décédées, à l’intérieur de la mosquée. »

Le 11 juillet, le président Keita a promis que la lumière serait faite sur ces incidents meurtriers, et le 14, le bureau du Premier ministre a annoncé l’ouverture d’une enquête sur l’utilisation présumée de la Force antiterroriste d’élite (FORSAT) lors des manifestations. Les autorités devraient rendre publiques les conclusions et faire traduire en justice toutes les personnes impliquées dans les violences.

Le gouvernement malien devrait publiquement ordonner aux forces de sécurité de respecter les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, a recommandé Human Rights Watch. Ces Principes de base stipulent que les forces de sécurité « auront recours autant que possible à des moyens non violents avant de faire usage de la force ou d’armes à feu » et que chaque fois que l’usage légitime de la force ou des armes à feu est inévitable, les responsables de l’application des lois devront en user avec modération et leur action être proportionnelle à la gravité de l’infraction et à l’objectif légitime à atteindre. En vertu de ces directives, ils devront en outre s’efforcer de ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique et de respecter et de préserver la vie humaine. Enfin, ils « ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ».

« Le gouvernement devrait adresser un message clair selon lequel les abus et les actes de violence de tous bords, y compris ceux perpétrés par les forces de l’ordre, feront l’objet d’une enquête et de poursuites impartiales », a conclu Corinne Dufka.

Une sélection de témoignages figure ci-dessous.

Témoignages à propos de 14 décès survenus les 10, 11 et 12 juillet 2020

10 juillet 2020 : Violences à l’Assemblée nationale et à l’Office malien de la radio et de la télévision (ORTM)

Le 10 juillet, des manifestants répondant à un appel du M5-RFP à la désobéissance civile, ont bloqué des ponts et occupé les locaux de la chaîne de télévision nationale, l’Office malien de la radio et de la télévision (ORTM) et certaines parties de l’Assemblée nationale.

« Vers 15 heures, les dirigeants du M5 ont demandé à l’immense foule rassemblée sur la place de l’Indépendance d’occuper l’ORTM et l’Assemblée nationale », a déclaré un témoin. « La plupart des gens étaient pacifiques, mais certains n’ont pas suivi les consignes, en particulier à l’Assemblée nationale, qui a fait l’objet de pillages et a été en partie incendiée. J’ai vu d’autres manifestants attaquant un journaliste filmant le pillage et le détrousser. »

Les opérations des forces de l’ordre pour évacuer les manifestants de l’ORTM et de l’Assemblée nationale auraient fait deux morts. Des témoins, des membres du M5-RFP et des journalistes ayant couvert les violences ont déclaré à Human Rights Watch ne pas avoir pas vu les forces de sécurité tirer directement sur les manifestants, en déduisant que les deux morts, dont au moins un passant, avaient succombé à des balles perdues. « De là où j’étais caché, je les ai vus tirer des coups de feu imprudemment près de l’entrée de l’ORTM… des rafales en l’air », se souvient un témoin.

D’autres, dont plusieurs ayant pris part aux manifestations, ont déclaré que les policiers ont répondu au pillage de l’Assemblée nationale par des gaz lacrymogènes et des coups de feu, qui ont fait plusieurs blessés. « J’ai vu une femme blessée par une balle perdue et plusieurs personnes ont perdu connaissance à cause des gaz lacrymogènes », a indiqué un autre témoin.

Des témoins se trouvant à l’ORTM ont déclaré que les forces de sécurité avaient passé à tabac certains manifestants à coups de matraque, lancé des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles, pour déloger des manifestants pacifiques, qui ont alors commencé à leur lancer des pierres. « Nous avons passé une demi-heure dans la cour de l’ORTM à chanter paisiblement quand tout à coup, des explosions de gaz lacrymogène et des coups de feu ont retenti », a indiqué un autre témoin.

Trois personnes se trouvant près du siège de l’ORTM ont décrit l’arrivée de deux camionnettes avec à leur bord des membres des forces de sécurité vêtus d’uniformes et des cagoules noires et qui, selon eux, ont fait un usage excessif de la force. « J’étais dans un restaurant, à 50 mètres de l’ORTM, quand j’ai vu un pick-up, puis un deuxième juste derrière… Les hommes se trouvant à l’intérieur étaient habillés de noir, le visage couvert de cagoules et lourdement armés de grenades lacrymogènes et de kalachnikov. »

Plusieurs personnes ont soutenu que ces hommes appartenaient à une unité d’élite antiterroriste, connue sous le nom de FORSAT. « Ils ont lancé l’assaut contre ce qui était une manifestation pacifique », a déclaré un manifestant. « Dès l’arrivée de la FORSAT, une dizaine d’hommes vêtus de noir ont commencé à lancer des grenades lacrymogènes et à tirer à balles réelles en l’air. Quand je les ai vus, j’ai tenté de rejoindre mes camarades regroupés sur le toit de l’ORTM, en négociant pour assurer une transmission directe pour le M5. C’est à ce moment que la situation a dégénéré, lorsque les grenades de gaz lacrymogène ont volé de toute part et que les gens dans la cour couraient dans toutes les directions. »

Des témoins ont déclaré que des dizaines de manifestants s’étaient blessés en escaladant une clôture de barbelés et à cause de gaz lacrymogène. « J’ai vu une grenade exploser près d’un jeune homme, lui brûler le bras, un autre a perdu deux doigts dans l’explosion d’une grenade alors qu’il tentait de l’éloigner de la foule », a relaté l’un d’entre eux.

Selon d’autres témoins, les forces de sécurité n’ont pas donné aux manifestants la possibilité d’évacuer dans le calme les bureaux de l’ORTM. L’un d’eux a déclaré avoir vu une centaine de personnes blessées par des barbelés alors qu’elles tentaient d’escalader l’enceinte après que des coups de feu ont retenti. « Lorsque les forces de sécurité ont commencé à tirer en l’air, les gens ont paniqué et ont été bloqués dans les locaux de l’ORTM », selon un homme qui a fourni les premiers soins. « Alors qu’ils tentaient d’escalader le mur, nombreux ont été ceux qui se sont écorchés les mains, les pieds et le ventre. »

D’après des témoins et une déclaration de l’Africa Media Development Foundation, une organisation non gouvernementale, plusieurs journalistes ont été agressés à la fois par des manifestants et des membres des forces de sécurité, et l’ORTM considérablement pillée ou vandalisée par les manifestants. Quelques véhicules se trouvant sur place ont été incendiés pendant les violences, dont un qui a pris feu après avoir été touché par une grenade lacrymogène. « De ma cachette dans le parking, j’ai vu un véhicule prendre feu après qu’une grenade lacrymogène a explosé en touchant le pare-brise d’une voiture », a décrit un témoin.

11 juillet 2020 : Violences à proximité du domicile de l’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle

Le 11 juillet, vers 17h, une centaine de manifestants se sont rassemblés devant le domicile de l’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle, Manassa Danioko, situé dans le quartier de Badalabougou à Bamako. Les manifestants, dont certains lançaient des pierres et des briques, comprenaient des membres du M5-RFP, des hommes et des jeunes du quartier ; et les partisans de l’imam Mahmoud Dicko, dont la mosquée se trouve à proximité.

Selon des témoins, les manifestants ont pris pour cible le domicile de Manassa Danioko, l’accusant de décisions controversées relatives à plusieurs sièges parlementaires contestés. Des témoins ont déclaré que vers 17h30, des membres des forces de sécurité chargés de garder sa maison ont lancé sur la foule de plus en plus importante des grenades lacrymogènes et quelques minutes plus tard, tiré sur un groupe de manifestants qui, selon deux témoins, progressaient peu à peu vers le domicile de Manassa Danioko. « Au début, la police n’a pas réagi, mais devant le nombre de plus en plus élevé de manifestants, les gardes du corps ont lancé des gaz lacrymogènes et tiré des coups de feu en l’air, et quand ils ont vu tous ces gens, ils ont tiré des coups de feu directs », a raconté un témoin.

D’autres ont déclaré que trois manifestants avaient été tués, dont un jeune homme dont le corps est resté dans la rue plusieurs heures durant. « Chaque fois que nous avons tenté de récupérer son corps pour le porter à sa famille, la police nous a tiré dessus », a relaté un témoin. Selon le quotidien , Le Monde, quatre manifestants ont trouvé la mort dans cet incident, dont deux mineurs.

D’après des témoins, les individus impliqués dans l’incident meurtrier étaient des policiers de la Brigade d’intervention spéciale (BSI), vêtus de noir, qui gardaient régulièrement le domicile de Manassa Danioko, et au moins un homme armé en civil. « Alors que nous nous approchions de son domicile, un homme en civil vêtu d’un gilet pare-balles est sorti avec un fusil AK-47 », a expliqué un témoin. « À environ 30 mètres de la maison, il nous a crié d’arrêter, tirant d’abord en l’air – bam ! bam ! bam ! Alors que nous avancions lentement, nous avons levé la main en scandant ‘‘Manassa, démissionne !’’. Il nous a alors tiré dessus, tuant un jeune homme sur le coup. Plus tard, nous avons commencé à lancer des pierres et plusieurs hommes armés ont riposté par davantage de tirs, tuant deux autres personnes. »

11 juillet 2020 : Violences près du domicile et de la mosquée de l’imam Dicko

Selon des témoins, les forces de sécurité ont tué par balle au moins neuf personnes le 11 juillet vers 22 heures, lors de violences opposant des manifestants, lançant des pierres et utilisant des frondes, aux forces de sécurité devant la maison et la mosquée adjacente de Dicko, l’imam influent et leader du M5-RFP.

À partir de 16 heures environ, ont poursuivi les témoins, quelques centaines de personnes ont érigé des barricades dans les rues menant à la maison et à la mosquée de Dicko pour le protéger de ce qu’ils croyaient être son arrestation imminente par les forces de sécurité.

Ils ont décrit une situation tendue, les forces de sécurité usant abondamment de gaz lacrymogène et tirant des coups de feu sporadiques à partir de 17 heures environ jusque tard dans la nuit. « Les fidèles étaient en position défensive et avaient bloqué toutes les routes menant à la mosquée de l’imam », a déclaré un témoin. « La majorité des victimes de tous les côtés se sont produites autour de la maison de Dicko. Des renforts des forces de l’ordre ont dû être envoyés trois fois de suite à partir de 16 heures, jusqu’à 2 heures du matin », a expliqué un spécialiste des questions de sécurité.

« Ses partisans étaient en colère et remontés, après les arrestations d’autres dirigeants du M5 plus tôt dans la journée. J’en ai vu beaucoup avec des pierres, des frondes et quelques-uns en train de préparer des cocktails Molotov », a déclaré un autre témoin.

« Nous avons entendu par téléphone et sur Facebook que la police allait entrer de force dans la mosquée de l’imam et l’arrêter », a déclaré un autre homme. « J’étais l’un des 100 au moins qui sont allés le protéger. Nous avons érigé des barricades, notamment en utilisant un corbillard, et avons repoussé la police en lançant des pierres. Ils ont été surpris de constater à quel point l’imam était protégé par ses fidèles. »

Les témoins et les manifestants ont déclaré que les forces de sécurité impliquées dans l’opération autour du complexe de l’imam étaient vêtues de noir et encagoulées. « Je suis arrivé vers 20 heures et sur mon chemin, j’ai vu des hommes lourdement armés autour de la mosquée, habillés de noir et portant des cagoules », a affirmé un participant.

Les participants croyaient que les forces de sécurité déployées appartenaient à la FORSAT, bien qu’aucun insigne sur leurs uniformes ou leurs véhicules n’ait permis de les identifier. Selon une source des forces de sécurité, certains véhicules dépêchés sur place pour répondre aux violences qui sévissaient autour de la maison de Dicko étaient placés sous le commandement de la Brigade de police anticriminalité (BAC). Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire français Le Point, l’ex-ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile a déclaré que « [p]ersonne n’a vu la FORSAT. Les policiers, dans leur accoutrement, ont leur logo. S’ils avaient été là, on aurait vu plus d’images. Il y a plein d’unités qui sont cagoulées et portent des uniformes noirs. »

La grande majorité des victimes, ont affirmé six témoins, dont quatre manifestants, ont été faites vers 22 heures, lorsque des membres des forces de sécurité ont ouvert le feu sur un groupe de manifestants. Leur véhicule s’était retrouvé coincé dans un fossé, à environ 100 mètres de la mosquée de l’imam, après que les manifestants ont intentionnellement retiré la dalle de béton qui le recouvrait. Leur intention, ont-ils affirmé, était d’immobiliser et d’endommager le véhicule, et de chasser les forces de sécurité.

« Chaque fois que le véhicule blindé passait, il essayait de nous chasser des barricades à l’aide de grenades lacrymogènes et à chaque fois, nous ripostions à l’aide de pierres et de frondes », a témoigné un participant. « Après quelques heures de ce ping-pong, certains d’entre nous ont eu l’idée d’immobiliser leur véhicule en enlevant une dalle de béton qui recouvrait un fossé près de la mosquée de l’imam. Et c’est exactement ce qui s’est passé… la fois suivante où leur véhicule a progressé dans notre direction ; il est tombé dans le fossé. »

Les manifestants, dont quelques blessés par balle lors de l’incident, ont déclaré que les forces de sécurité semblaient paniquer alors qu’un groupe de manifestants se dirigeait vers le véhicule bloqué. « Certains d’entre nous ont crié : ‘‘Nous allons brûler ce véhicule !’’ » Nous avons couru dans sa direction – il se trouvait à environ 40 mètres. Les occupants en sont descendus, se sont agenouillés et ont ouvert le feu. Six d’entre nous ont été tués sur place pendant que le reste courait se mettre à couvert. » D’après un participant, les forces de sécurité ont lancé des grenades lacrymogènes avant d’ouvrir le feu sur les manifestants.

Les témoins ont déclaré qu’environ 10 autres personnes ont été blessées par balle à peu près au même moment, dont trois sont décédées plus tard des suites de leurs blessures. Certains des blessés avaient été regroupés aux abords de la mosquée lors de l’embuscade tendue au véhicule des forces de sécurité.

« Chaque fois que quelqu’un bougeait, ils nous tiraient dessus. Certains des manifestants ont couru pour se réfugier derrière le corbillard ou près de la mosquée, mais les forces de sécurité continuaient à tirer », a assuré un manifestant. « Près de la voiture blindée, j’ai vu un homme qui tentait de traîner le corps d’un camarade mort à quelques mètres de là. Des renforts avaient pris position au bout de la rue… les balles sifflaient partout. À chaque fois qu’il tentait de rapprocher le corps, un policier agenouillé au bout de la rue lui tirait dessus. Nous sommes restés là jusqu’à environ 23 heures, lorsque le véhicule a été extirpé du fossé et que la police est repartie. »

Un chercheur de Human Rights Watch qui s’est rendu sur les lieux a constaté plusieurs impacts de balles sur la porte de la mosquée ainsi que sur le corbillard utilisés comme barricades par les manifestants comme bouclier contre les forces de sécurité.

« Les choses ont tourné au cauchemar lorsque les fidèles de l’imam s’en sont pris au véhicule », a déclaré un manifestant. « Avant cela, il y a eu des tirs et beaucoup de jets de pierres, mais je n’étais au courant d’aucun blessé ou tué par balle à la mosquée. »

Le 11 juillet, plusieurs autres incidents lors desquelles des personnes ont été touchées par des balles perdues ont été signalés ; parmi ces personnes figuraient un étudiant en médecine qui a été tué, ainsi qu’un footballeur international et une femme âgée de 22 ans, qui ont été blessés.

Recommandations

Les partis politiques maliens et le M5-RFP devraient :

Faire des déclarations publiques claires et fortes, aux plus hauts niveaux de chaque parti et organisation, dénonçant toutes les formes de violence à caractère politique.
Sanctionner les membres qui se sont livrés à, ont ordonné, dissimulé ou incité à des actes violence.
Coopérer pleinement à toute enquête criminelle sur les violences perpétrées dans le cadre des manifestations.
Le gouvernement malien devrait :

Ordonner à tous les membres des forces de sécurité de respecter les Principes de base de l’ONU sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois lors des manifestations policières, et prévoir une formation continue relative à la mise en œuvre de ces principes.
Rendre publics les résultats de l’enquête sur l’intervention de la FORSAT lors des manifestations du 10 au 12 juillet.
Notifier les forces de sécurité à tous les niveaux que les allégations crédibles de violations des droits humains commises par ces forces feront l’objet d’une enquête, et que les auteurs seront tenus pour responsables de leurs actes.

Source : Human Rights Watch

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