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Mali : le témoignage posthume de Soumaïla Cissé, otage d’Al-Qaïda

Il y a un an jour pour jour, Soumaïla Cissé était enlevé par des jihadistes dans le centre du Mali. Détenu pendant six mois, infecté par le Covid-19 dans les semaines qui ont suivi sa libération, l’ancien chef de l’opposition est décédé le 25 décembre dernier. « La Revue » avait recueilli ses confidences, que nous republions aujourd’hui.

Il y a un an, le 25 mars 2020, Soumaïla Cissé, l’une des figures majeures du paysage politique malien, était enlevé non loin de Niafunké, dans la région de Tombouctou, par un groupe de jihadistes qui allaient le retenir en captivité pendant vingt-neuf semaines. Il y a trois mois, le 25 décembre 2020, celui qui depuis sa libération début octobre avait repris son rang de leader de son parti et désormais de favori pour la prochaine élection présidentielle (prévue en mars 2022), décédait du Covid-19 dans un hôpital de Neuilly, en région parisienne.

À l’occasion de ce double anniversaire, nous publions ici le récit de captivité que Soumaïla Cissé avait confié à François Soudan, peu avant sa mort.

  • Ce texte est paru initialement dans le n° 91 de La Revue, bimestriel dirigé par Béchir Ben Yahmed.

« Être libre est un privilège. Je l’ignorais. Maintenant, je le sais. » Celui qui nous fait cette confidence, au terme d’un long entretien recueilli au siège de La Revue et de Jeune Afrique, à Paris, n’est pas un ancien détenu comme les autres. Prisonnier pendant six mois, de mars à octobre 2020, entre les murs invisibles du désert, Soumaïla Cissé, 70 ans, a été l’otage sans doute le plus médiatique des jihadistes d’Al-Qaïda.

Ancien ministre, ex-président de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), cet ingénieur-informaticien formé en France était, lors de son enlèvement, la figure majeure de l’opposition politique malienne. Trois fois candidat à l’élection présidentielle, arrivé trois fois second avec des scores variant entre 25 % et 35 % des voix, député et chef de l’Union pour la République et la démocratie (URD, 19 sièges au Parlement), celui que ses militants appellent « Soumi » est considéré comme un prétendant sérieux au prochain scrutin, annoncé par les militaires au pouvoir à Bamako pour 2022.

« Plusieurs dirigeants de son parti ont été actifs au sein du M5, le Mouvement du 5 juin qui est à la base de la chute du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta [IBK], confie un diplomate en poste à Bamako. Il n’a pas de véritable rival politique et sa captivité a renforcé sa stature internationale. »

Début novembre, après un passage par Paris, il s’est embarqué dans une tournée de remerciements des chefs d’État de la région qui se sont mobilisés en sa faveur pendant sa détention et qui l’a conduit de Dakar à Niamey en passant par Lomé, Accra, Abidjan, Ouagadougou et Nouakchott, rencontrant dans chaque capitale la nombreuse communauté des expatriés maliens.

De retour à Bamako, celui qui revendique la nécessité de se « remettre à jour » après une si longue absence – et qui n’a pas oublié de téléphoner à l’ex-président IBK, renversé alors qu’il était en captivité, pour lui exprimer sa gratitude d’avoir œuvré pour sa libération – se consacre à la préparation du congrès de son parti, prévu pour le 27 décembre.

De cette épreuve, au cours de laquelle il s’est battu pour que son esprit se dissocie de son corps afin de ne jamais perdre espoir, Soumaïla Cissé est sorti à la fois indemne physiquement et renforcé psychologiquement.

PENDANT 197 JOURS, JE N’AI PRESQUE JAMAIS PARLÉ !

Mais il lui fallait la raconter, longuement, afin de s’en libérer et en s’excusant parfois d’être si loquace. « Mon épouse me taquine en me disant que la seule différence, c’est que je suis devenu bavard, sourit-il. Mais il faut me comprendre : pendant 197 jours, je n’ai presque jamais parlé ! »

Notre entretien fut donc une sorte de séance de rattrapage, au demeurant passionnante. En voici, reconstitué par nos soins, le récit exclusif.

Mercredi 25 mars 2020, 10 heures

Soumaïla Cissé est à Niafunké, gros marché et ville de transit sur les rives du fleuve Niger, à 250 km au sud-ouest de Tombouctou. Repoussées depuis deux ans, les élections législatives, dont le premier tour est fixé pour le 29 mars, sont pour lui l’occasion de mener campagne et de tester sa popularité. Dans cette partie du Gourma malien où se situe sa circonscription, l’URD, son parti, règne en maître.

Le contexte est tendu : depuis deux semaines, les groupes jihadistes actifs dans la région multiplient les menaces contre la population afin qu’elle boycotte le scrutin. Mais, à l’antenne des Casques bleus de la Minusma à Niafunké, tout comme au poste de sécurité des FAMa (Forces armées maliennes), on a assuré au candidat et à sa délégation que la zone était calme…..Lire la suite sur jeuneafrique.com

 

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