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Mali : le coup d’État fait l’unanimité contre lui

DÉCRYPTAGE. Le nouveau coup de force des militaires maliens après neuf mois de transition a suscité une condamnation unanime de la communauté internationale.

Après l’Union africaine, c’est au tour de la France et de l’Union européenne de condamner sans équivoque le nouveau coup de force de la junte militaire au Mali, qui a mis fin aux prérogatives du président de la transition Bah N’Daw et de son Premier ministre Moctar Ouane, neuf mois seulement après le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta. Menaces de sanctions, réunion d’urgence : que risquent vraiment les militaires accusés d’avoir opéré un coup d’État dans « le coup d’État » ?

Vers une réunion d’urgence
La France a condamné ce mardi 25 mai « le coup de force » de l’homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, et « exigé » la libération du président et du Premier ministre de transition, arrêtés la veille, a fait savoir le chef de la diplomatie française à l’Assemblée nationale. Selon lui, « le caractère civil de la transition est une condition sine qua non de la crédibilité du processus de transition et du soutien que les partenaires internationaux peuvent apporter aux autorités maliennes ». « Si d’aventure il n’y avait pas un retour à l’ordre de la transition, nous prendrions des mesures immédiates de ciblage contre les responsables militaires et politiques qui entravent la transition », a averti le ministre français.

De son côté, à l’issue d’un sommet européen, le président français, Emmanuel Macron, dont le pays engage plus de 5 000 soldats contre les djihadistes au Sahel, a annoncé que la France a demandé une réunion d’urgence au Conseil de sécurité de l’ONU. « Nous sommes prêts, dans les prochaines heures, si la situation n’était pas clarifiée, à prendre des sanctions ciblées » contre les protagonistes, a affirmé Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse.

Quelques heures plus tôt, l’homme fort de la junte, le colonel Assimi Goïta, a indiqué avoir déchargé de leurs prérogatives le président et le Premier ministre de transition, coupables selon lui de tentative de « sabotage », dans ce qui s’apparente à un deuxième putsch en neuf mois.

« Nous avons condamné avec la plus grande fermeté l’arrestation du président de la transition, de son Premier ministre et de leurs collaborateurs », a rapporté Emmanuel Macron. « Ce qui a été conduit par les militaires putschistes est un coup d’État dans le coup d’État inacceptable, qui appelle notre condamnation immédiate », a dit le président français.

Contre l’isolement croissant, la junte promet de tenir le calendrier fixé
Bien conscients de leur isolement croissant, les militaires, et surtout le colonel Goïta, ont promis la tenue des élections dans les temps impartis. Et présenté une liste de faits reprochés au président Bah N’Daw et au Premier ministre Moctar Ouane. Dans la journée de lundi, le chef du gouvernement, toujours détenu, avait présenté un nouveau gouvernement de 25 membres, qui écartait deux hommes clés de la junte des portefeuilles stratégiques de la Défense et de la Sécurité. Assimi Goïta a compté parmi ses griefs le fait d’avoir formé un nouveau gouvernement sans le consulter, bien qu’il soit en charge de la défense et de la sécurité, domaines cruciaux dans ce pays sahélien de 19 millions en pleine tourmente.

La Minusma, l’Union africaine (UA), les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont aussi condamné « fermement la tentative de coup de force ». Ils ont rejeté par avance tout fait accompli, y compris une éventuelle démission forcée des dirigeants arrêtés. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé lundi « au calme » au Mali et à la « libération inconditionnelle » de MM. Ndaw et Ouane.

L’union africaine et la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’organisation sous-régionale sont également unanimes dans leur condamnation. Le président en exercice de l’UA, le président congolais Félix Tshisekedi Tshilombo, a exigé la « libération immédiate et inconditionnelle » des dirigeants de la transition arrêtés par les militaires lundi soir et « condamne fermement toute action visant à déstabiliser le Mali ». Il appelle également « tous les acteurs de la transition politique malienne à la retenue ainsi qu’au respect de la Constitution », selon ce communiqué. Quant à la Cedeao, elle a dépêché sur place son médiateur, l’ex-président nigérian, Goodluck Jonathan.

Les Maliens partagés
Sur le terrain, la situation est quasiment à la normale à Bamako, alors que ce énième soubresaut a plongé les Maliens dans la consternation. Des appels à se rassembler à Bamako pour protester n’ont trouvé quasiment aucun écho. La capitale, en ce jour férié dédié à l’Afrique, affichait son visage habituel de trafic dense et de vendeurs à la sauvette, relate l’AFP. Les militaires, accueillis initialement avec un a priori favorable par une population exaspérée par l’insécurité et la corruption, se sont exposés au reproche d’avoir pris goût au pouvoir. « Les militaires ne sont pas faits pour s’enrichir », disait Aliou Keïta, 60 ans, ancien soldat. « Nous, à l’époque on combattait et nos poches étaient vides, aujourd’hui c’est le contraire et leurs poches sont pleines. » Au contraire, Mamadou Coulibaly, autre Bamakois, disait ne pas être « contre ces arrestations car nous soutenons les militaires. C’est à la population de les laisser faire leur travail ».

Le sociologue Bréma Ely Dicko voyait dans les événements récents le prolongement prévisible du putsch de 2020. « Ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui est une conséquence logique des tares du début de la transition », quand les colonels ont tenu à l’écart les partis et les organisations de la société civile qui avaient mené pendant des mois la contestation contre l’ancien pouvoir.

Source: https://www.lepoint.fr/afrique

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