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Mali : la terreur djihadiste, héritage de la présence française

Trois jours de deuil national ont été décrétés au Mali à compter de vendredi 8 septembre. Cette mesure faisait suite à la série d’attaques perpétrées la veille par des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda, faisant au moins 64 victimes.

Toute une partie de la population malienne vit, aujourd’hui comme hier, sous la menace de ces groupes armés. Cette situation est encore aggravée dans le nord du pays par la reprise de la guerre entre les groupes indépendantistes touareg et l’armée. Tombouctou subit depuis plus d’un mois le blocus des djihadistes. Les camions de marchandises et de carburant venant des autres localités maliennes, de Mauritanie et d’Algérie sont bloqués, parfois incendiés, et les prix augmentent de façon dramatique. Des milliers d’ habitants ont dû s’enfuir de la ville, régulièrement visée par des tirs d’obus.

Jeudi 7 septembre, c’est un navire de la Compagnie malienne de navigation (Comanav) sur le fleuve Niger qui a été visé par des tirs de roquettes, alors que ce transport de passagers, et de marchandises, est un des seuls moyens de communication entre les localités du bord du fleuve. Des dizaines de passagers sont morts dans les flammes ou se sont noyés. Dix jours après, les autorités n’avaient toujours pas été capables d’évacuer sous escorte par la route les rescapés, au nombre de plus d’une centaine. Le même jour, une base de l’armée malienne à Bamba était elle aussi prise pour cible.

Ces drames montrent combien la situation a peu changé pour la population depuis les coups d’État de 2020 et 2021. Les militaires désormais au pouvoir se sont contentés de remplacer les troupes françaises par les mercenaires russes de Wagner, mais n’ont pas montré plus d’intérêt pour les besoins de la population que les régimes précédents. Aujourd’hui les djihadistes contrôlent une grande partie du territoire, les villages isolés et abandonnés, et en sont donc à assiéger des villes importantes. Ils trouvent des soutiens en exploitant le sentiment d’injustice d’une partie de la population qui se sent complètement abandonnée. Ils recrutent des soldats parmi les jeunes « sortis de la brousse » auxquels la possession d’une arme donne l’espoir illusoire de ne pas être condamnés à la misère. Ils s’appuient sur le ressentiment et la soif de revanche de toutes les communautés discriminées, d’autant plus facilement que la junte a continué la politique des gouvernements précédents dénonçant les Peuls et les Touareg comme des djihadistes en puissance.

L’armée malienne, de son côté, continue à perpétrer des exactions qui valent celles des groupes djihadistes, suscitant elle aussi une haine vivace. Dans les zones tenues par les djihadistes, celles et ceux qui refusent de se plier à leur loi, les femmes qui n’acceptent pas de se voiler, les instituteurs ou simplement les civils qui transgressent les consignes de blocus encourent des représailles sauvages.

Cette situation, cette misère, ces oppositions ethniques ne sont pas nouvelles. L’impérialisme français, pendant des décennies, a laissé végéter la plus grande partie de ses anciennes possessions coloniales dans le dénuement le plus total, sous la coupe de gouvernements brutaux et corrompus. Les djihadistes n’ont eu qu’à exploiter cette situation quand, à partir de 2012, ils ont déferlé sur le Sahel à partir de la Libye, elle-même déstabilisée par l’intervention militaire des grandes puissances.

On pourrait en dire autant de la guerre qui se rallume entre les groupes armés indépendantistes touareg et l’armée malienne. En 2015 l’armée française avait concédé à ces groupes, à l’occasion des accords d’Alger, le nord du Mali et notamment la région de Kidal. Elle entendait alors se servir d’eux contre les djihadistes, et pour protéger la frontière du Niger derrière laquelle se trouvaient les installations d’Areva, et avait imposé cette situation au gouvernement malien. Mais aujourd’hui les troupes françaises sont parties, celles de l’ONU quittent leurs bases dans la région, et l’armée malienne prétend les réoccuper. La déclaration de guerre de la Coordination des mouvements de l’Azawad (touarègue) à la junte malienne en est la conséquence. Là encore, les combines du gouvernement et de l’armée française retombent sur la population de la région.

Les troupes françaises ont dû quitter le Mali, remplacées par une autre bande d’hommes armés, mais les conséquences de la domination impérialiste continuent de peser lourdement sur la population.

Daniel MESCLA
https://journal.lutte-ouvriere.org
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