Le Bureau du Vérificateur Général (BVG) a levé le voile sur de sérieuses irrégularités dans la gestion financière du Ministère de la Jeunesse et des Sports, chargé de l’Instruction Civique et de la Construction Citoyenne, à travers une vérification portant sur le second semestre de l’exercice 2024. Entre dysfonctionnements administratifs et anomalies financières, le rapport met en lumière des pratiques en contradiction avec les principes de transparence et de bonne gouvernance que prône l’État malien.
Une vérification déclenchée par saisine officielle
Bamada.net-Mandaté par la Loi n°2021-069 du 23 décembre 2021, le Vérificateur Général a procédé à une mission de vérification financière de la Direction des Finances et du Matériel (DFM) du Ministère concerné, suite à une saisine. L’audit a porté sur les dépenses exécutées entre le 1er juillet et le 31 décembre 2024, pour un montant total de 4,62 milliards de FCFA.
Un contexte propice à la rigueur… mais miné par des dérives
Le ministère joue un rôle crucial dans le développement de la jeunesse et du sport au Mali, avec une mission transversale qui embrasse l’éducation civique, le volontariat, la promotion des valeurs citoyennes, ainsi que la participation aux compétitions sportives nationales et internationales. Malgré l’importance stratégique de ses actions, la DFM a été épinglée pour sa gestion peu orthodoxe des ressources mises à sa disposition.
Irrégularités administratives : confusion des rôles et absence de pièces justificatives
Parmi les constats les plus troublants, le rapport relève que la Secrétaire Particulière du Ministre a agi en tant que comptable public sans en avoir la qualité légale, une entorse grave aux règles de gestion des deniers publics. Cette dernière aurait procédé au paiement de primes pour les joueurs de l’équipe nationale de football lors des éliminatoires de la CAN 2025.
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Par ailleurs, le Régisseur spécial d’avances a omis d’exiger les cartes d’embarquement pour justifier les missions à l’étranger, violant ainsi le Décret n°2016-0001/P-RM. L’absence de cette pièce essentielle compromet la traçabilité et la réalité des déplacements.
Autre anomalie, plusieurs contrats conclus ne comportaient pas la date de notification, ce qui rend difficile l’évaluation des retards d’exécution et des éventuelles pénalités.
Un principe fondamental violé : l’incompatibilité entre ordonnateur et comptable
La vérification révèle aussi que le Directeur des Finances et du Matériel a apposé sa signature sur des chèques conjointement avec le Régisseur spécial d’avances, contrevenant ainsi au principe de séparation des fonctions d’ordonnateur et de comptable. Cette confusion de rôles crée un risque réel de conflits d’intérêts et affaiblit les garde-fous institutionnels contre les abus.
Plus grave encore, le Régisseur spécial d’avances gérait deux comptes bancaires, dont l’un ouvert pour la CAN 2013 et resté actif malgré l’absence de base légale actuelle. Ce compte a continué d’être utilisé, en dehors des règles établies.
Irrégularités financières : 46,3 millions de FCFA en cause
Le rapport quantifie les irrégularités financières à 46 317 128 FCFA, dont 25,58 millions non régularisés. Ces montants concernent notamment :
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Des dépenses inéligibles payées par la régie spéciale d’avances, incluant des frais de maintenance, de plomberie ou encore des achats pharmaceutiques non autorisés par l’arrêté encadrant cette régie ;
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La non-reversement des retenues de TVA sur les factures fournisseurs, alors même qu’un taux de retenue de 40 % est imposé par la législation. Les Régisseurs auraient appliqué un taux de 100 %… sans reverser un centime au Trésor public ;
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Des faux enregistrements de marchés publics par certains titulaires de contrats, avec des cachets contrefaits pour éviter les droits fiscaux.
Des recommandations fermes et des suites judiciaires
Face à la gravité des faits, le BVG recommande notamment :
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La cessation immédiate de la fonction de comptable public exercée illégalement par la Secrétaire Particulière ;
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La fermeture du compte bancaire ad hoc de 2013 ;
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Le respect des procédures contractuelles et de justification des dépenses de mission ;
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L’exigence systématique de la carte d’embarquement pour tout déplacement à l’étranger.
Le Vérificateur Général a transmis les faits au Pôle national économique et financier et au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême, ouvrant ainsi la voie à des poursuites judiciaires éventuelles.
Conclusion : un appel à l’exemplarité dans la gestion publique
Cette nouvelle révélation sur la gestion financière d’un département ministériel central pour la jeunesse et le sport souligne une fois de plus l’urgence de restaurer la discipline budgétaire et la culture de la redevabilité au sein de l’administration publique malienne. Dans un pays où chaque franc public compte, de telles dérives sont non seulement préjudiciables au bon fonctionnement de l’État, mais aussi à la confiance des citoyens.
Les Maliens attendent de leurs institutions une gouvernance intègre et transparente. Le BVG, par ce rapport courageux, rappelle que nul n’est au-dessus des règles, et que la responsabilité administrative comme pénale doit être la norme dans une République qui se veut exemplaire.
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MLS
Source: Bamada.net