Le mardi 29 avril 2025 restera sans doute dans les annales politiques du Mali comme le jour où le pays a formellement choisi de rompre avec les dogmes de la démocratie représentative héritée du modèle occidental. Dans une salle archicomble du Centre international de Conférence de Bamako (CICB), les forces vives de la Nation, dans toute leur diversité – représentants communautaires, religieux, acteurs de la société civile, diaspora, et autorités traditionnelles – ont livré leur verdict : dissolution de tous les partis politiques et élévation du Général d’Armée Assimi Goïta au rang de Président de la République pour un mandat renouvelable de cinq ans.
Bamada.net-Ce choix, aussi radical que symbolique, marque un tournant décisif dans l’histoire contemporaine du Mali. Loin d’être un simple rapport de synthèse, les recommandations issues de cette phase nationale de consultation sonnent comme un manifeste populaire en faveur d’un modèle politique alternatif, enraciné dans le réel malien et libéré des pesanteurs partisanes. Ce n’est plus seulement une transition qui s’installe : c’est une refondation assumée.
La fin du multipartisme de façade
La dissolution de tous les partis politiques, en tant que recommandation phare, frappe les esprits. Elle révèle un rejet massif d’un système politique perçu comme obsolète, gangréné par la corruption, le clientélisme, et le marchandage électoral. Le Mali, avec plus de 200 partis enregistrés, s’était transformé en un laboratoire du chaos politique où les égos comptaient plus que les idéaux. En réalité, ces partis n’étaient pour la plupart que des véhicules électoraux sans base, sans idéologie, sans projet.
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À travers cette décision, les forces vives expriment une exaspération profonde face à un multipartisme devenu contre-productif. En exigeant une caution de 100 millions de FCFA pour la création d’un parti, une présence régionale effective et des règles drastiques de fonctionnement, elles posent les jalons d’un assainissement politique qui pourrait réconcilier les Maliens avec la chose publique.
Le Général Assimi Goïta : d’homme de transition à homme d’État ?
L’autre recommandation majeure, qui suscite à la fois espoir et questionnement, est l’élévation du Général d’Armée Assimi Goïta au rang de Président de la République pour un mandat renouvelable de cinq ans. Loin d’être une simple formalisation de son pouvoir, c’est une investiture populaire, une légitimation de facto. Les participants veulent « donner le temps nécessaire » aux autorités actuelles pour reconstruire un État déchiré par des décennies de mauvaise gouvernance et de compromissions.
Ce choix s’inscrit dans une dynamique régionale assumée. À l’instar du Burkina Faso et du Niger, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), le Mali renforce son axe de souveraineté politique et sécuritaire. Cette démarche s’appuie sur un principe : la stabilité d’abord, la démocratie plus tard. Une équation audacieuse, mais compréhensible au regard des défis existentiels qui assaillent le pays : terrorisme résilient, effondrement des services publics, méfiance généralisée envers les institutions, et influence étrangère déstabilisatrice.
Une démocratie repensée, recentrée, réappropriée
Faut-il pour autant conclure à la mort de la démocratie malienne ? Rien n’est moins sûr. Le peuple ne rejette pas les principes démocratiques, mais leur application caricaturale. Il aspire à une démocratie digne, enracinée, pragmatique. La suppression du financement public des partis, la réglementation du parrainage politique, l’instauration du scrutin à un seul tour, ou encore l’interdiction du nomadisme politique sont autant de pistes pour réhabiliter l’intérêt général.
En même temps, les exigences de genre et de représentativité des jeunes dans les futures structures politiques, de même que l’appel à un audit du fichier électoral et des financements passés, montrent que la transparence reste une attente forte. Il ne s’agit pas de faire table rase, mais de repartir sur de nouvelles bases, plus solides, plus crédibles, plus proches du peuple.
Ce que cela dit du Mali de demain
Le choix opéré par les forces vives du Mali n’est pas une simple réponse à une crise conjoncturelle. C’est une orientation stratégique, presque civilisationnelle. Il faut désormais du courage politique pour aller au bout de cette rupture. Le Premier ministre, le Général de Division Abdoulaye Maïga, l’a bien compris en promettant de transmettre fidèlement ces recommandations au Chef de l’État. Mais la vraie question est : seront-elles mises en œuvre dans l’esprit de la refondation, ou récupérées à des fins opportunistes ?
Le Mali est aujourd’hui à la croisée des chemins. Il peut devenir le laboratoire africain d’une gouvernance rénovée, souveraine et responsable. Mais ce pari ne sera gagné que si la promesse de justice, de transparence et de service au peuple est tenue. Autrement, cette page d’espoir pourrait vite se refermer sur une nouvelle désillusion.
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Moussa Keita
Source: Bamada.net