Le nombre de morts civiles et de violations des droits imputables à l’armée malienne soutenue par des militaires étrangers a connu une “hausse exponentielle” au premier trimestre de 2022, a indiqué lundi la mission de l’Onu (Minusma) dans le pays.
Si les groupes armés affiliés à Al-Qaïda ou à l’organisation Etat islamique (EI) sont restés les principaux auteurs des violences contre les civils, la Minusma a dénombré 320 violations imputables aux Forces de défense et de sécurité (FDSM) “appuyées par des éléments militaires étrangers” au cours des trois premiers mois de l’année, dont la mort de 248 civils, indique la Minusma dans une note trimestrielle, sans préciser l’origine de ces éléments étrangers.
La junte au pouvoir à Bamako depuis août 2020 s’est détournée ces derniers mois de la France et de ses partenaires européens, et tournée vers la Russie. Les Européens dénoncent le recours fait selon eux par les colonels aux services de la société de sécurité privée russe Wagner, aux agissements controversés. La junte dément et parle de coopération renforcée d’Etat à Etat avec la Russie.
Le recours à Wagner est l’un des motifs invoqués par la France et ses alliés pour annoncer en février leur retrait militaire du Mali. Ils avaient aussi argué des “multiples obstructions” de la part des autorités maliennes à leur action.
La Minusma avait recensé 31 violations imputables aux forces maliennes au trimestre précédent.
Le nombre de personnes tuées au cours de cette période par toutes les parties au conflit (groupes armés islamistes ou autres, milices et groupes d’autodéfense, forces de défense) a plus que quadruplé d’un trimestre à l’autre, passant de 128 à 543, dit la Minusma.
Guillaume Ngefa, directeur de la division des droits de l’Homme, a précisé lors d’une visioconférence que les décomptes “n’incluent pas les évènements de Moura”.
Cette localité du centre a été le théâtre du 27 au 31 mars de ce que Human Rights Watch décrit comme le massacre de 300 civils par des soldats maliens associés à des combattants étrangers, peut-être russes. L’armée malienne dément et revendique l’élimination de plus de 200 jihadistes.
Guillaume Ngefa a invoqué le fait que l’enquête conduite par la Minusma n’était pas encore terminée, bien que “très avancée”. Les autorités maliennes n’ont toujours pas permis aux experts de l’ONU de se rendre sur place. M. Ngefa a cependant précisé que le déplacement sur le terrain n’était que l’un des moyens d’investigation.
– “Meurtre” de 52 Mauritaniens –
Le document de la Minusma note que les autorités maliennes ont annoncé leur propre enquête sur les évènements de Moura. Elles ont signifié à la Minusma que la demande d’accès au site de cette dernière sera “considérée” une fois leur propre enquête “finalisée”, dit la note.
La Minusma assure que ses conclusions feront l’objet d’un rapport public.
“En plus des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et autres meurtres, ont également été documentés 45 cas de disparition forcée ou involontaire, 26 cas d’atteintes à l’intégrité physique et plusieurs cas d’arrestations arbitraires ainsi que de torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants”, dit le document en évoquant les violations spécifiquement imputables aux forces de sécurité maliennes.
La Minusma rapporte la mort d’au moins 21 civils sommairement exécutés selon elle par les Forces armées maliennes (FAMa) et 18 autres portées disparues le 31 décembre dans la région de Nara et 18 autres portées disparues. Elle mentionne aussi la découverte de 35 corps calcinés, dont ceux de personnes préalablement arrêtées par les FAMa, le 2 mars dans la région de Niono. La Minusma fait état du démenti des autorités maliennes.
La Minusma écrit que “la majorité des victimes de ces violations étaient membres de la communauté peule”. Celle-ci est volontiers considérée par une partie des Maliens comme une source de recrues pour les jihadistes.
La junte revendique régulièrement de pousser les jihadistes à la “débandade”.
Daniela Kroslak, représentante spéciale adjointe du secrétaire général des Nations unies, a cependant déclaré que l’ONU restait “très préoccupée” devant la situation sécuritaire générale du Mali, et de la dégradation observée selon elle dans le centre du Mali et dans la zone dite des trois frontières avec le Burkina Faso et le Niger.
La période a aussi été marquée par une série d’incidents” à la frontière avec la Mauritanie, “y compris le meurtre d’environ 52 civils mauritaniens”, dit un communiqué annexe de la Minusma.
La Minusma montre par ailleurs du doigt un “rétrécissement continu de l’espace civique et du débat démocratique et la restriction dans l’exercice des libertés publiques”.
Source: TV5