Il y a 51 ans, jour pour jour, le président de la République du Mali Modibo Keita était en visite officielle de 4 jours au Niger. Arrivé à Niamey, il a été accueilli à l’aéroport par son homologue nigérien Hamani Diori, entouré pour la circonstance de l’ensemble des responsables politiques de son pays. Après les honneurs rendus à l’hôte de marque – salve de 21 coups de canon, salut aux drapeaux, exécution des hymnes nationaux –, les deux chefs d’Etat ont pris place dans une voiture décapotable au milieu d’un long cortège, salués tout le long du parcours par les habitants de Niamey, sortis en masse, criant : « Vive le Mali », « Vive le Niger » et en agitant les drapeaux des deux pays.
Le président du Mali a confié à la presse que le voyage de Niamey était dans l’ordre normal des choses et devrait même intervenir plus tôt car il répondait ainsi à une invitation du président Hamani Dioro, venu en visite officielle à Bamako en 1962. Sur les raisons de sa visite d’amitié, Modibo Keita a expliqué : « La première, c’est que le Niger et le Mali sont tous deux des pays de savane et de l’intérieur du continent africain. La deuxième, Hamani Diori et moi, avons été reçus ensemble à l’Ecole normale William Ponty et tous deux, nous fûmes des enseignants. La troisième, c’est que nous avons tous milité ensemble au sein du Rassemblement démocratique africain ».
Au deuxième jour de sa visite, le président Modibo Keita et son hôte se sont rendus à Zinder. « L’ancienne capitale du Niger est la vieille ville pittoresque de 25.000 âmes environ et est en même temps un centre commercial important. Attachée à ses valeurs, Zinder a encore son sultan », décrivait L’Essor dans son édition du 18 avril 1964. Accueillis par une « interminable haie d’honneur », les deux leaders ont pris place sous une tribune pavoisée aux couleurs des deux pays pour assister à un défilé des organisations de jeunesse, des élèves, des forces armées et de sécurité.
Modibo Keita et Hamani Diori ont ensuite effectué des visites de terrain qui les ont conduits dans les jardins de Muria, de Birni-Zingou. Poursuivant son périple dans le Niger profond, Modibo Keita s’est rendu à Guigmi, une circonscription de 50.000 habitants, située au bord du lac Tchad. Là-bas, il a visité une longue digue construite par les habitants pour prévenir les inondations et assisté à la mise en service d’un puits artésien. Le président Modibo Keita a visité aussi la localité de Diffa, aujourd’hui au cœur de l’actualité dans le cadre de la lutte contre Boko Haram.
Le président malien retiendra de ses contacts avec le monde rural nigérien des enseignements enrichissants. Modibo Keita expliquera en faisant le bilan de sa visite qu’il a constaté que les paysans étaient organisés sous le vocable d’animation rurale. « Des paysans adultes choisis, à travers les diverses circonscriptions, sont rassemblés pendant deux semaines dans des centres ruraux où ils reçoivent une formation accélérée pour la modernisation de l’agriculture, une formation civique et une formation politique. Personnellement, j’ai eu l’occasion de constater à quel point ces paysans réalisaient les avantages de l’organisation mise en place par le parti », a développé le chef de l’Etat de l’époque. Modibo Keita s’est réjoui aussi de constater que les responsables du Parti Progressiste nigérien (PPN), au pouvoir à l’époque au Niger, avait réussi à mobiliser les populations du pays selon les principes du Rassemblement démocratique africain, « dont le premier, le plus essentiel des buts, est de rester soudé au peuple, de comprendre ses problèmes, pour pouvoir le mobiliser pour l’action à entreprendre », précisait-il.
Sur la teneur de ses entretiens avec le président nigérien Hamani Diori, Modibo Keita a expliqué : « nous avons créé l’Organisation de l’unité africaine, il est important que des contacts assez réguliers aient lieu entre les chefs d’Etat, en un moment où l’Afrique entre de plain-pied dans la crise de croissance ». Aujourd’hui encore, les dirigeants maliens et nigériens gardent un contact étroit pour faire face ensemble aux périls de l’irrédentisme et de l’islamisme radical qui menacent la stabilité des deux pays. Qui n’a pas remarqué la constance et la fermeté des responsables nigériens à défendre l’intégrité territoriale de notre pays au plus fort de la crise ? C’était une manière de prendre les devants pour éviter que le Mali ne serve de mauvais exemple mais c’était surtout une preuve d’amitié.
B. TOURE
source : L Essor
