L’arrestation du président «IBK» et de son Premier ministre était le scénario que tout le monde redoutait et que personne ne souhaitait envisager. De nombreux Maliens restaient attachés à l’idée que le gouvernement d’union nationale réclamé par les manifestants pourrait faire suite à la démission de l’ensemble de l’Assemblée nationale. Les gens ont été éreintés par le coup d’Etat de 2012 contre Amadou Toumani Touré, qui a entraîné beaucoup d’instabilité dans la région.
Quelles pourront être les conséquences en Afrique de l’Ouest de cette arrestation ?
L’ensemble de la sous-région risque de se retrouver un peu plus en difficulté. Ces derniers jours, le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères vient d’ailleurs élargir les zones rouges (synonyme de «fortement déconseillées») au Mali, mais aussi au Niger et au Burkina Faso, en proie à une multiplication des groupes armés terroristes. Cet événement risque de déstabiliser davantage ces pays en difficulté et illustre l’impuissance de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Cette organisation, qui a tenté de s’imposer en tant que médiatrice dans la crise malienne, n’a jamais vraiment trouvé de solutions. Personne ne semblait satisfait par les propositions mises sur la table par le médiateur Goodluck Jonathan, l’ex-président nigérian, lors de la dernière médiation.
D’autres Etats ouest-africains connaissent également de graves crises politiques qui peinent à être résolues, notamment au Togo, où Faure Gnassingbé a été reconduit en février pour un quatrième mandat, en Côte-d’Ivoire, où Alassane Ouattara a annoncé sa candidature à un troisième mandat, ou encore en Guinée, où Alpha Condé semble lui aussi se diriger vers un troisième mandat.
Dans quel contexte socio-politique intervient cet événement ?
Le Mali est confronté à un ensemble de crises depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Depuis le coup d’Etat de 2012, les Maliens font face à une situation extrêmement difficile qui n’a cessé de se détériorer. Les législatives contestées de mars et avril ne sont que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le pays est confronté à une grave situation économique, le tout sur fond de corruption et de népotisme que ne cessent de dénoncer les manifestants ces derniers temps. Certains voyaient en Karim Keïta, le fils d’IBK, un successeur pour l’élection de 2023.
Que signifie ce revirement de l’armée ?
Il montre qu’IBK a perdu l’ensemble des pouvoirs qu’un chef d’Etat est censé incarner : le politique, le judiciaire, et maintenant le militaire. Si l’armée était jusqu’à présent assez fidèle au chef de l’Etat, elle était aussi en reconstruction et composée de soldats mal formés, sous-payés… Des mères de famille et épouses ont participé aux manifestations car leur fils ou mari se retrouvaient dans des situations extrêmement difficiles pour des soldes très bas.