La campagne pour l’élection présidentielle ne fait guère recette à Tombouctou, ville historique du nord-ouest du Mali martyrisée pendant l’occupation islamiste de 2012 où la sécurité a été renforcée dans la perspective du premier tour de dimanche.
“Je reconnais qu?il n?y a pas de monde aux différents meetings des candidats. Et ce n’est pas seulement à cause du mois de ramadan”, le mois de jeune musulman, déclare Oumar Baba Haïdara, militant de l’Union pour la République et la démocratie (URD) de Soumaïla Cissé, un des grands favoris du scrutin, originaire de la région de Tombouctou.
Assis entouré de partisans d’Ibrahim Boubacar Keïta, autre grand favori, Mamadou Niang, justifie ainsi le peu d?engouement pour la campagne: “Nous sortons à peine de la guerre. Le coeur n’est pas à la joie, à la fête. Mais je crois que les gens vont aller voter”.
Des grandes villes du nord du Mali occupées pendant neuf mois en 2012 par des groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda avant d’être libérées par une intervention armée menée par la France, Tombouctou, cité-phare depuis des siècles de l’islam et de la culture en Afrique subsaharienne, est sans doute celle qui a payé le plus lourd tribut.
Des femmes y ont été violées, des hommes assassinés, d’autres lapidés et fouettés en public pour ne pas avoir respecté la charia (loi islamique) telle que voulue par les jihadistes, sans aucune concession.
Des milliers de manuscrits anciens, témoins de l’essor intellectuel et spirituel de la ville classée au patrimoine mondial par l’Unesco, y ont été détruits.
Des mausolées de saints musulmans vénérés par la population y ont aussi été démolis à coups de pioches et de barres de fer par “les barbus” qui voyaient dans cette vénération de “l’idolâtrie”.
Les affiches d?une dizaine de candidats, sur les 27 en lice, sont visibles dans la ville, les plus nombreuses étant celles des favoris, Soumaïla Cissé, Ibrahim Boubacar Keïta, Modibo Sidibé, Dramane Dembélé.
Près de la Place de l’Indépendance, au centre-ville, trois pièces d’un bâtiment public font office de siège régional pour la Commission électorale nationale indépendante (Céni), un des trois organismes chargés de la préparation du scrutin avec le ministère de l’Administration territoriale et la Délégation générale aux élections (DGE).
“On ne sait jamais”
“Le taux de retrait des cartes d’électeurs est satisfaisant pour le moment”, déclare à l’AFP Ibrahim Sissoko, président régional de la Céni. Près de 25. 000 électeurs sont inscrits à Tombouctou. A peine M. Sissoko a-t-il fini de parler que des cris retentissent dans les couloirs. “C’est de la magouille!”, hurlent des jeunes qui n’ont pas trouvé leurs noms sur la liste des délégués de la Céni devant observer le scrutin.
“Je comprends leur déception, les délégués désignés sont rémunérés. Voilà pourquoi ces jeunes sont déçus”, affirme Aly Diarra, membre de la Céni locale.
Mais, selon Ousmane Coulibaly, représentant du ministère de l’Administration territoriale, “tout le matériel électoral est sur place, nous sommes confiants”.
A côté du siège de la Céni, des militaires maliens portent nonchalamment des armes. “A cause des élections, nous avons renforcé la sécurité, ce qui est normal, on ne sait jamais. . . “, indique l’un d’eux.
A l?entrée sud de la ville, les soldats du Burkina Faso de la force de l’ONU au Mali, la Minusma, ont également renforcé leur dispositif. Des tonneaux peints aux couleurs de l’ONU sont installés sur la route bitumée et obligent les piétons, motocyclistes et automobilistes à ralentir et à se présenter.
Un soldat burkinabè précise que “les troupes sont très vigilantes pour que les terroristes ne viennent pas perturber les élections”.
Une des grandes peurs au Mali est que des éléments jihadistes dits “résiduels”, puisque leurs structures dans le Nord ont été démantelées par l’intervention armée franco-africaine, ne commettent des attentats-suicides le jour du vote.
Les habitants de la ville, écrasés par la chaleur dans la journée, s’habituent tant bien que mal au renforcement du dispositif de sécurité.
Mamadou Maïga, fonctionnaire des impôts l’affirme: “Nous nous adaptons à la situation, tout est à reconstruire ici et nous n’arriverons à rien sans sécurité”.
Source: Jeune Afrique