« À la date d’aujourd’hui, nous comptons 87 patients infectés au Mali. Ce chiffre, malheureusement, irait crescendo dans les jours à venir si le mal déroulait chez nous son impitoyable mécanique, comme il l’a fait ailleurs, répandant le deuil sur son passage, suscitant partout peur et angoisse, et malmenant les économies les plus solides… » Ainsi a parlé Ibrahim Boubacar Keïta, chef de l’État, le lundi 13 avril, dans sa troisième adresse à la nation.
À cet instant de son discours, le peuple avait retenu son souffle et croisé les doigts en espérant qu’il annoncerait, conséquemment et immédiatement, le report tant souhaité du deuxième tour des législatives. Mais non! Allègrement, comme s’il n’a aucun enseignement à tirer du constat qu’il a dressé, il a continué à lire son discours pour finalement annoncer plus loin le maintien de ce second tour des législatives, tant redouté, et pour causes.
Plusieurs raisons humaines militaient pour le report souhaité. D’abord, le premier tour de cette fameuse consultation électorale a été un fiasco sanitaire doublé d’un désastre politique. Fiasco sanitaire parce que tout ce que l’État avait promis de mettre en place pour protéger les citoyens, juste par la voix d’IBK, ne l’a pas été du tout. Il a manqué devant et dans les bureaux de vote non seulement les indispensables masques, mais aussi les gants, les gels hydroalcooliques, jusqu’au savon pour le lavage des mains. En plus, les rares doigts d’électeurs ont trempé dans le même encrier. Il s’y ajoute que c’est exactement quatre avant ce tour, le jour même de la première adresse officielle d’IBK à la nation, le 25 mars, que le dangereux virus a montré sa tête au Mali par deux cas testés positifs. Depuis, il gagne du terrain à un rythme de plus en plus effrayant. En effet, face à la cadence dramatique de son évolution, le communiqué du ministère de la Santé et des Affaires sociales, même en renouvelant son engagement chaque jour d’informer l’opinion nationale et internationale, a quand même arrêté d’énoncer le nombre de personnes-contacts à rechercher le jour où celui-ci a atteint 994. Il est d’ailleurs symptomatique de relever que ce sont 87 cas qui étaient avérés le jour de la troisième adresse à la nation du chef de l’État. Mais ce qu’il s’est peut-être abstenu de mentionner, c’est que le relevé journalier était parfois à deux chiffres. En effet, deux jours avant ce 10 avril, le mercredi 08 avril, il y eut 15 cas et le surlendemain, c’est-à-dire quand IBK s’adressait à la nation, il a eu 13 cas avérés dans la journée. Pas étonnant que trois jours après, le 13 avril, lundi de Pâques, l’on en soit à 123 cas mis en exergue au Mali. L’évolution va en dents de scie. Si le mardi 14 avril, il y a eu 21 cas avérés, le lendemain mercredi, les services sanitaires ont signalé 4 cas, donnant un total national de 148 à la date du 15 avril.
Désastre politique, au premier tour des législatives, le 29 mars, plus de 90% des électeurs se sont abstenus à Bamako, principal centre politique du pays. Les deux candidats de la Commune II de la capitale ont même dû se réunir pour tenir une conférence de presse au siège du parti du ministre des Affaires étrangères pour dénoncer des fraudes massives, dont un nouveau phénomène baptisé transfert des voix. Des bourrages d’urnes, notamment à Bamako et à Mopti, ont montré sur les réseaux sociaux avec une clarté qui ferait honte à tout démocrate digne de ce nom. Qu’à cela ne tienne, le scrutin a été émaillé par l’insécurité grandissante. Le summum a été le rapt du principal opposant. Et, ces derniers jours, des terroristes ont tenu en haleine les populations impuissantes dans le centre, semant le deuil comme sait le faire Coronavirus.
Face à cette situation qui s’annonce de plus en plus apocalyptique, à quoi servira la promesse faite par IBK de sécuriser le deuxième tour des législatives ? Certainement par insouciance et par inconséquence d’État à préparer les esprits à recevoir un score préfabriqué comme les 37% du premier tour. Choguel K. Maïga a en tout cas mis en garde contre un agenda caché d’IBK qui ne vise rien d’autre que la partition programmée du Mali.
Ahmad Ould Bilé
LE COMBAT