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Mahou : un village qui entend s’inscrire dans le futur

Situé au sud-est du cercle de Yorosso, dans le centre du Mali, Mahou, gros village de cultivateurs, est dépendant de Sikasso, la 3ème région administrative. Le village est frontalier avec le Burkina Faso dont les premières cases sont visibles à environ sept kilomètres. Le fondateur de Mahou serait un chasseur dénommé Koné qui aurait choisi ce site du fait de la richesse de sa faune et de sa flore, et que le gibier n’y manquait pas.

 

village dogon femme dogonne mali

 

 

 

Conformément à l’hospitalité légendaire de l’habitant de Mahou, dans la perspective de la fête, bœufs, moutons, cabris, porcs et poulets passent à la casserole. Tous les invités dégustent le traditionnel plat de Tô à base de maïs. La céréale est produite en quantité par l’habitant qui offre toujours du «Tchapalo» ou bière à base de maïs aux visiteurs, aux parents et amis. Le village étant essentiellement à vocation agro-pastorale, les produits de ses activités sont disponibles une à deux fois par semaine. L’ancien marché se tenant tous les cinq jours, ce qui convient à la fin de semaine conformément à un calendrier traditionnel.

 

Apparition du masque annonciateur de la fête

Très tôt l’enfant Bwa est initié aux valeurs socio-culturelles du terroir : il est emmené à sa première initiation dans le bois sacré, à sept ou huit ans. Il prête serment et entre ainsi dans un processus d’éducation et de socialisation. Ceux qui l’ont vécu ensemble constituent le même groupe d’âge appelé «konu». Les membres de la même classe d’âge auront d’autres épreuves à surmonter (pendant les battues ou des travaux d’intérêt public). Pour intégrer la communauté, l’adhésion à la classe d’âge est l’affirmation de l’appartenance à une communauté. Le groupe d’âge est sous l’autorité d’un parrain ou de son membre le plus âgé. Et les groupes d’âge donnent naissance à une génération qui est constituée par une suite de vingt à trente groupes.

 

Comme dans le Mandé, en pays Bwa, on est griot de père en fils. Ces griots sont des gardiens de la tradition, des émissaires ou des médiateurs dont la mission est de cultiver l’entente et la cohésion sociale entre les différentes familles et les classes d’âge. On peut les considérer comme les cousins des forgerons. Ces derniers sont habilités à fabriquer le matériel de travail de la terre, et par le passé, des flèches et autres armes blanches. L’organisation sociale du village est conforme à une répartition des fonctions entre Koné, fondateur et détenteur du pouvoir ; Sanou, cultivateur ou griot ; Samaké, forgeron et Berthé,  tradithérapeute.

 

Un village populeux

L’apparition du masque est antérieure à l’ère chrétienne. Dans son ouvrage «Les Arts de l’Afrique noire», l’historien et ethnologue Jean Laude (1922-1984) note que le masque est un être qui protège celui qui le porte. La représentation est destinée à capter la force vitale qui s’échappe d’un être humain ou d’un animal au moment de sa mort. Dans bien de communautés, le masque se positionne comme un élément de régulation de la vie sociale et spirituelle.

 

Vendredi, les processions, qui sillonnent le village, sont marquées par la longueur des files : les hommes qui brandissent une branche, ont chacun une épouse ; ceux qui en présentent deux ont plusieurs épouses. Il faut savoir qu’en général à Mahou, les épouses et les enfants habitent autour du hameau de culture du chef de famille. La plupart d’entre eux entretiennent un champ à quelques kilomètres du village.

 

La «zoumbra» se tient chaque année avant l’hivernage. En avril 2014, deux jours avant la fête de générations qui a lieu tous les quarante ans, un soir des êtres apparaissent un peu après minuit. Avec un accoutrement spécifique, ils sont surmontés d’une espèce de crête combinée à leur justaucorps au blanc dominant. Certains de ces masques ne sont visibles que la nuit. 14 minutes après 2 heures du matin, les dames étendent des étoffes : l’être qui vient se coucher dessus le visage face à la terre, c’est le masque des femmes «younouhalo», du nom d’une défunte d’un âge avancé.

 

Pour organiser la fête, le groupe doit sculpter trois masques ou  «kèrè». Et la fête des «kèrèla» est le couronnement d’une série d’initiations que subit le garçon qui entre ainsi dans le cercle des hommes plus aguerris. C’est KèBè Koné, doyen et chef coutumier qui passe le relais. Labari TIENOU explique que la «Gnylenou» fête de générations constitue le passage de témoin entre anciens et cadets. C’est une partie du couronnement de l’initiation des jeunes avec à leur bénéfice un début de transmission de pouvoir. Dans trois ans, ils auront la plénitude de la charge. Le monticule «donfiki» fut l’emplacement d’une giboyeuse zone où s’était installé un chasseur ; ce site est désormais la place centrale du village et reçoit le cérémonial de passation. Sont sur un petit toit, les «oyora». Ceux qui sont montés et qui descendent les nouveaux détenteurs du pouvoir sont les «yeromboura».

 

En pays Bwa, hommage est régulièrement rendu aux défunts qui ont apporté quelque chose à la communauté (leurs tombes sont habituellement à domicile). Les groupes d’âge et leurs masques vont de famille en famille se surpasser en pas de danse et en prouesse acrobatique.

 

Mahou est caractérisé par l’enchevêtrement des habitations. Non loin du mausolée, mosquée du fondateur du village, fonctionnent encore des forges traditionnelles. Mensuellement, il y sort des milliers de pièces et matériels pour le travail de la terre. L’agriculture est la principale activité des seize mille habitants de la commune rurale.

 

Le village de Farabana du Burkina Faso est à sept kilomètres de Mahou. Depuis plusieurs siècles, les populations voisines entretiennent des relations socio-culturelles et des échanges économiques. Toute personne qui le souhaite, peut venir formuler des vœux et faire le sacrifice convenable à Deinbreinssouara. Sur le site marécageux et poissonneux à moins de sept kilomètres du village, des caïmans veillent sur Mahou. Sous un bois, la vingtaine de grands reptiles disposent de quatre cavités pour descendre dans une galerie souterraine. Ces animaux sont inoffensifs : les après-midi, ils acceptent docilement que les enfants s’amusent sur leur dos. Pour les adultes qui demandent l’accomplissement de leurs vœux, il est généralement demandé le sacrifice d’un poulet ou d’un mouton.

 

Avec la construction entamée de sa route, Mahou est plus que jamais déterminé -à s’inscrire dans le futur- tout en perpétuant la quarantenaire fête de générations. Repère pour l’avenir.

Moïse TRAORE

SOURCE: Le Reporter

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