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Macron demande à la junte malienne d’approuver l’occupation française du Mali

S’exprimant dimanche dans le Journal du dimanche (JDD), le président français Emmanuel Macron a exigé avec arrogance que la junte militaire malienne déclare son soutien à l’occupation française du Mali.

La guerre de huit ans menée par la France au Mali et lancée peu après un coup d’État en 2012, s’est appuyée sur une série de dictatures militaires néocoloniales, au Mali et dans tout le Sahel. Macron s’est exprimé moins d’une semaine après que le colonel Assimi Goïta, l’homme fort de la junte du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) ait fait arrêter le président intérimaire Bah Ndaw et le premier ministre Moctar Ouane. Il les força à démissionner après qu’il eut déjà évincé le président Ibrahim Boubakar Keïta par un coup d’État en août dernier.

Pourtant, Macron a déclaré sans complexe au JDD que la France ne resterait pas «aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique». Il a exigé sans vergogne que le gouvernement et le peuple maliens déclarent leur gratitude à ses occupants militaires français.

«Ceux-là mêmes qui nous demandent d’intervenir militairement n’assument pas le discours sur leur besoin de France. Parce qu’ils se sont habitués à dire que leurs problèmes d’aujourd’hui sont dus aux vieux colons d’hier. Certes, la colonisation a laissé une forte empreinte. Mais j’ai dit aussi aux jeunes de Ouagadougou que leurs problèmes d’aujourd’hui ne sont pas liés au colonialisme, ils sont davantage causés par la mauvaise gouvernance des uns et la corruption des autres», s’est plaint Macron.

Il s’est adressé au JDD alors que la colère et la désillusion montent dans tout le Sahel, ainsi qu’en France, à l’égard de la guerre, et peu après que la bureaucratie de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) ait annulé une grève nationale contre la baisse du niveau de vie dans ce pays déjà pauvre. Il s’agissait d’une action de limitation politique des dégâts après qu’un énième coup d’État ait démasqué l’affirmation frauduleuse de Macron que la France intervenait au Mali pour protéger la démocratie de l’islamisme.

La semaine dernière, Washington et les puissances européennes ont fait les déclarations de routine, condamnant le récent coup d’État et menaçant de sanctions économiques. La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Africaine ont toutes deux suspendu le Mali. «La France partage la priorité absolue accordée par la Cédéao à l’organisation de l’élection présidentielle au 27 février 2022», a déclaré lundi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.

La prise de ce genre de poses sur les valeurs démocratiques est une répugnante fraude politique. La France et toutes les puissances de l’OTAN entretiennent des liens étroits avec la sanguinaire junte militaire égyptienne dirigée par Abdel Fattah al-Sisi. Celle-ci a noyé dans le sang les manifestations de masse de la classe ouvrière et soutenu les milices islamistes dans les guerres de Libye et de Syrie. Quant à Le Drian, il est tristement célèbre non seulement pour ses liens étroits avec al-Sisi et d’autres dictateurs africains sanglants, mais aussi pour avoir aidé les présidents français à sélectionner des cibles pour le programme français d’assassinats extrajudiciaires.

Goïta a clairement calculé, lorsqu’il a lancé son dernier coup d’État le mois dernier, que Paris soutiendrait sa junte s’il créait les conditions pour que la guerre de la France au Mali se poursuive. En effet, Macron a soutenu le coup d’État de Goïta l’année dernière comme le seul moyen de poursuivre la guerre dans un contexte de protestations croissantes et d’opposition populaire à la présence militaire française dans son ancienne colonie.

Tout en indiquant clairement qu’il allait travailler avec la junte malienne, Macron a fait au JDD une dénonciation bizarre de l’islamisme politique au Mali. «L’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place? Jamais de la vie! Il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. Mais si cela va dans ce sens, je me retirerai», a-t-il déclaré.

Les commentaires de Macron sont étonnamment incohérents, car le prétexte donné par Paris pour envahir le Mali en 2013 était d’écraser les milices islamistes qui y arrivaient depuis la Libye. Après la guerre de l’OTAN en Libye en 2011, des milices d’ethnie touareg et d’autres milices étaient revenues dans le nord du Mali avec des armes lourdes, provoquant une crise à Bamako. Un coup d’État qui a renversé le président Amadou Toumani Touré en mars 2012 et une intervention militaire française en Côte d’Ivoire avaient préparé militairement l’intervention française au Mali en 2013 et le déploiement de troupes au Burkina Faso, au Tchad, en Mauritanie et au Niger.

Il semble que le commentaire de Macron ne visait pas à suggérer sérieusement que les troupes françaises partiraient si l’on détectait une quelconque présence islamiste au Mali, mais était un signal à la junte malienne et aussi une tentative de limitation politique des dégâts à l’adresse d’un public français et européen. Alors que les liens de l’impérialisme français avec les réseaux terroristes islamistes sont un secret de polichinelle pour l’élite dirigeante, Paris entend garder le contrôle des relations du régime malien avec les groupes islamistes afin de maintenir le mensonge politique qu’il est présent au Mali pour mener une «guerre contre le terrorisme».

La junte n’a pas exclu de négocier avec des groupes djihadistes armés, et elle a également des liens avec des prédicateurs islamiques au Mali. Goïta a clairement indiqué qu’il travaillerait avec les partis, y compris le Mouvement-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) du 5 juin 2020, pour former un gouvernement. Il a exigé que «le poste de premier ministre revienne au M5-RFP». Plusieurs membres du M5-RFP ont manifesté leur accord ; Choguel Kokalli Maiga, membre du M5-RFP et ancien ministre, a déclaré: «Cela nous est allé droit au cœur.»

Le M5-RFP était la principale organisation politique soutenant le coup d’État du CNSP en août dernier. Il a poussé les protestations des jeunes de Bamako dans l’impasse du soutien au CNSP. Paris a soutenu à la fois le M5-RFP et le CNSP afin de bloquer un mouvement plus large des masses opprimées et de la jeunesse malienne exigeant un départ des troupes françaises. De manière significative, le parti petit-bourgeois français Nouveau Parti anticapitaliste, a également soutenu le M5-RFF lors du coup d’État militaire de l’année dernière.

Au sein du M5-RFP, l’imam Mahmoud Dicko, ancien président du Haut Commissariat islamique du Mali (HCIM), a joué un rôle important. Il a fait office de médiateur entre le gouvernement malien et les groupes djihadistes dans le nord du Mali. Après avoir soutenu Keïta lors des élections de 2013, Dicko a soutenu les manifestations contre Keïta en 2019 et 2020. En 2019, il a lancé la CMAS (Coordination des Mouvements, Associations et Sympathisants). En juin 2020, la CMAS a rejoint le M5-RFP.

Dicko fonctionne, malgré la tenue de manifestations servant de soupape de sécurité à la colère contre l’occupation française, comme un outil de l’impérialisme français. En 2013, il a déclaré que l’intervention française au Mali contre les groupes djihadistes n’était pas une agression contre l’Islam, et que la France était venue en aide à un peuple en détresse.

En France, Macron mène une campagne antimusulmane. Il impose une charte de principes à l’islam de France et promeut une «loi anti-séparatiste» visant à lutter contre le «séparatisme islamiste», c’est-à-dire à empêcher toute critique musulmane des guerres prédatrices de l’impérialisme français – des mesures destinées à consolider un gouvernement d’État policier fascisant contre la classe ouvrière. On constate également un mécontentement croissant parmi les troupes françaises au Mali suite à la multiplication des attaques des forces djihadistes contre elles. Jusque là, la France a perdu environ 50 soldats au Mali.

Dans ce contexte, Macron craint les conséquences si Goïta rend les liens de Bamako avec les forces islamistes trop évidents, l’exposant aux critiques sur sa droite des forces néofascistes anti-islamiques alors qu’il tente de se représenter en 2022 malgré son impopularité massive.

Ces tractations corrompues et réactionnaires soulignent la nécessité de construire un mouvement dans la classe ouvrière, dans tout le Sahel et toute l’Afrique, ainsi qu’en France, contre la guerre et pour le retrait des troupes françaises d’Afrique.

 

Source: wsws

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