Au moment où la campagne 2019 de lutte contre la déforestation vient d’être lancée, il est utile de rappeler que l’utilisation dans notre pays du bois de feu et du charbon de bois cause la déforestation d’environ 400 000 hectares par an. Leader de la production et de la diffusion des foyers dits améliorés » Sewa « , Ousmane Sory Samassékou, directeur du GIE Katènè Kadji, vient d’être primé par la Fondation » Energy Globe » basée en Autriche.
En plus du péril terroriste qui ensanglante notre pays depuis déjà des années, il y a une autre menace et non des moindres : la sécheresse et la désertification. En effet, nous faisons face à un véritable péril environnemental, avec son corolaire la déforestation causée principalement par la coupe abusive du bois et son utilisation comme bois de feu et de charbon de bois pour la cuisine et la construction.
Selon des chiffres officiels, au Mali, la demande annuelle du bois énergie est de 6 millions de tonnes. Ce qui constitue une forte pression sur le massif forestier national. Ainsi, entre 1990 et 2010, notre pays a perdu 11,2% de sa couverture forestière, soit 1582 000 hectares.
En 2010, la Direction nationale des Eaux et Forêts a estimé la superficie déboisée à 500 000 hectares par an (exploitation, coupe de bois, feu de brousse, etc.).
Avons-nous d’ailleurs besoin de chiffres pour nous faire une idée du désastre qui guette ce beau pays dans ce domaine ? Que nenni ! Imaginons seulement combien de quantité de bois faudrait-il aux 350 boulangeries en activité dans la capitale pour leur fonctionnement ! Quand l’on sait que 80% de celles-ci utilisent le bois et le reste du gasoil. S’y ajoute également que l’écrasante majorité des foyers au Mali utilise le bois de feu et le charbon de feu.
Le gaz étant utilisé par seulement quelque 8% de la population et cela principalement dans les grandes villes. Là encore, dans ce pays où le désert avance à grands pas, le gaz coûte encore beaucoup plus cher. A titre d’exemple, pour la recharge d’une bouteille de 6 kilos, au Mali il faut débourser 3 500F CFA contre 2 000F CFA au Burkina Faso ou en Côte d’Ivoire et 2 500F CFA au Sénégal.
Autre incohérence : les arbres plantés avec fracas par les autorités lors de cette campagne de reboisement 2019 seront abattus dans 3 ou 4 ans pour servir principalement aux besoins des populations des grandes villes.
De l’urgence d’aller vers les équipements de cuisson propre
En plus de la déforestation, l’utilisation de combustibles solides de manière inappropriée a des effets négatifs sur la santé des femmes et des enfants. Selon les experts que nous avons eu à interroger, les foyers traditionnels émettent des fumées toxiques (CO et CO2) qui causent des maladies chroniques telles que la pneumonie, le cancer du poumon, la bronchite et les maladies oculaires.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), chaque année, le monde perd 1 600 000 femmes et enfants au dos (dont 38 100 au Mali) à cause de la fumée produite par les équipements traditionnels ouverts, des mauvais équipements de cuisson. En effet, le risque de mortalité d’une personne exposée au monoxyde de carbone (CO) commence à partir de 10 mg/m3. Alors que généralement les cuisines maliennes ont une concentration supérieure à 200 mg/m3.
Dans le cadre de la protection de l’environnement et de la lutte contre la déforestation notre pays a, depuis des décennies, opté pour la politique des foyers améliorés.
Car, selon plusieurs études, l’utilisation des foyers améliorés contribuent de manière significative à la réduction de la consommation de bois. Ce qui permet aussi d’influer sur les effets du changement climatique, la bonne gestion des ressources forestières, entre autres. Ce type de foyer reste, pour le moment, la technologie la plus facile d’accès surtout en milieu rural.
Depuis 1996, c’est l’entreprise Katènè Kadji de Ousmane Sory Samassékou qui est leader dans le domaine des équipements dits de cuisson propre avec différentes marques de » foyers améliorés Sewa » dont les prix varient de 2 000F à 7 000F CFA. Cette entreprise produit quelque 50 000 foyers par an vendus au Mali et dans des pays de la sous-région.
Il s’agit là d’une initiative à encourager quand on sait que le besoin en foyers améliorés (ou performants) pour la seule capitale Bamako est de quelque 300 000 unités.
En plus de la préservation de ce qui reste de nos forêts, ces foyers font économiser par an plus de 73 000F CFA par ménage. Ce qui est loin d’être négligeable.
L’ingéniosité et l’effort récompensés
C’est au vu des efforts déployés par son entreprise dans la production et la diffusion notamment d’équipements de cuisson propre qu’Ousmane Sory Samassékou vient d’être primé, le 5 juin dernier, par la Fondation » Energy Globe » basée en Autriche. Ladite fondation décerne, en effet, chaque année les prix internationaux » Energy Globe » aux projets qui » utilisent de manière judicieuse et économique des sources d’énergie alternatives « . Il reste maintenant que les pouvoirs publics fassent auprès des ménages la promotion des équipements précités dans le cadre de la lutte contre la déforestation et pour la préservation de la santé des femmes et des enfants au dos.
Mamadou FOFANA
Source: l’Indépendant