En attendant l’émergence programmée pour cette année 2020, les Maliens assistent à la persistance de la corruption dont la lutte était une promesse majeure du candidat Ibrahim Boubacar Kéita, lors de sa campagne électorale de 2013. Malgré tout, le phénomène de corruption bat son plein sous son règne, avec des rapports en cascade qui incriminent certains barons du pouvoir.
Les scandales récurrents de corruption témoignent bien que la bataille contre le phénomène est loin d’être remportée. Certes, le président IBK a hérité d’un pays où la corruption était généralisée dans tous les secteurs, notamment au niveau des marchés publics, des concours administratifs et des postes de sécurité et de contrôle (police, gendarmerie, douanes) et de la justice. Mais, sous son régime, le fléau s’est amplifié et le message envoyé a été la permissivité. En effet, l’absence d’une approche cohérente dans la mise en place d’un mécanisme de lutte efficace contre la corruption demeure un handicap.
Et pourtant, le pays regorge plusieurs structures de lutte contre la corruption (VEGAL, de l’OLCEI, la CASCA, etc.) dont les rapports sont malheureusement, toujours rangés au placard, après leur publication. Aucune poursuite contre les personnes incriminées dans les rapports produits annuellement par ses organes de lutte contre la corruption.
Aussi, la réticence du Président Ibrahim Boubacar Kéita de sanctionner ses proches, soupçonnés de corruption et de les traduire devant la justice, prouve la superficialité de sa lutte contre la corruption. Il aurait fallu un leadership fort engagé contre la corruption à l’instar des Présidents du Botswana et du Rwanda. A ce titre, le Botswana est le pays le moins corrompu en Afrique (note IPC de 61 sur 100 et 34ème rang mondial) après que son président ait décrété la « tolérance zéro » dans sa lutte contre la corruption. Ainsi, il a créé un organisme indépendant et autonome qui enquête sur les allégations de corruption et engage des poursuites si nécessaire ainsi que des unités de lutte contre la corruption dans tous les ministères. Son leadership a permis aux populations d’adhérer à la ligne téléphonique de dénonciation qui a eu un réel succès. La justice botswanaise a permis aux affaires de corruption d’être résolues en urgence et les personnes reconnues coupables ont subies la rigueur de la loi.
Malheureusement, chez nous au Mali, la corruption n’a vraisemblablement pas bougé dans les secteurs qui étaient les plus touchés à son accession au pouvoir.
Absence d’un Etat de droit
À sa prise de fonction, le Président IBK a pris l’engagement de restaurer l’Etat de droit. Mais, hélas, cet engagement demeure encore au stade des promesses. En effet, la séparation des pouvoirs au Mali est un mirage. Le pouvoir exécutif a toujours un moyen de contrôle sur les pouvoirs législatif et judiciaire.
Lors de l’activité parlementaire, ceux qui s’opposent au plan du gouvernement voient s’abattre sur eux sa foudre. Par conséquent, le parlement est devenu la caisse de résonnance du gouvernement puisque les députés (notamment ceux de la Majorité) redoutent la colère du gouvernement, ne contrôlent point l’action gouvernementale et ne jouent donc plus leur rôle de contre-pouvoir.
Le système judiciaire n’échappe pas non plus à cette prédation de l’exécutif. La preuve : IBK a nommé des magistrats qui lui sont proches donc sous sa domination. Ainsi, la justice malienne est aux ordres de l’exécutif. Malgré qu’elle essaye tant bien que mal de se donner une bonne conscience ses mois-ci.
Le contrôle des institutions de la République, notamment de la justice, renforce le favoritisme et l’usage du pouvoir discrétionnaire. L’impunité et l’absence de reddition des comptes qui en résultent fondent malheureusement la négation de l’Etat de droit. Or, sans un Etat de droit, la lutte contre la corruption est vouée à l’échec. Et la corruption au Mali est loin d’être jugulée significativement, due surtout à l’absence d’une volonté politique des plus hautes autorités, traduite en un leadership fort et engagé.
Paul Y. N’GUESSAN
Source: Bamako News