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L’ombre de Nelson Mandela planait sur le Sommet Afrique France

À l’heure, où l’humanité pleurait Mandela, symbole de l’Ubuntu, ce précieux vivre-ensemble, à l’heure où nous nous sentions tous soudainement orphelins de Madiba, symbole de la lutte contre la suprématie blanche, à cette heure précise, les flashes crépitaient dans les salles du Sommet de l’Elysée.

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Quelques jours avant d’annoncer, lui-même, la mort de Nelson Mandela, Jacob Zuma, président de l’Afrique du Sud, déclarait qu’il «ne trouvait pas l’intérêt d’aller au Sommet France Afrique, alors que la France n’encourage pas la démocratie que veulent les peuples de ses anciennes colonies. En effet, la France renforce et consolide ses intérêts dans ses anciennes colonies. Dès qu’on veut la rappeler à l’ordre, elle n’hésite pas à déstabiliser les nationalistes qui trouvent gênant qu’après la prétendue indépendance, les richesses du colonisé continuent de nourrir l’économie du colonisateur. Nous voulons une Afrique forte et avec un leadership encourageant, et non une Afrique que la France initie dans un processus de continuité et de renforcement du pillage de ses ressources.»

 

 

Présenté par l’Elysée comme «un événement historique qui témoigne de l’évolution politique des relations de la France avec les pays africains», le Sommet, organisé autour des questions de paix, de sécurité et de développement, a accueilli une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement africains et leurs délégations, l’Union africaine, le Conseil européen, la Commission européenne, et l’ONU. Pour quelles raisons se sont-ils tous réunis à l’Elysée ? Veiller au développement socio-économique de chaque Africain, ou veiller sur leurs propres intérêts ? En amont du Sommet, la journée du mercredi 4 décembre a été consacrée à «un nouveau modèle de partenariat économique entre l’Afrique et la France». Les membres de gouvernements africains, six cents chefs d’entreprise, les représentants d’organisations régionales africaines, les dirigeants d’institutions financières, le FMI et la Banque mondiale, ont noué de nouveaux partenariats entre entreprises africaines et françaises. Etait-ce pour encore augmenter leur capital, ou pour, enfin, sortir les peuples d’Afrique de la pauvreté dans laquelle ils les maintiennent tous ?

 

 

Le jeudi 5, les uns se sont retrouvés pour lutter contre le trafic et le braconnage des espèces menacées, les autres ont privilégié le « Forum Afrique–100 innovations ». Le Sommet proprement dit a été officiellement ouvert le vendredi 6 par  François Hollande, à l’ombre de Nelson Mandela. Tous lui ont rendu un vibrant hommage.  C’est à huis clos que s’est déroulée ensuite la séance sur le thème «Paix et Sécurité en Afrique». Au même moment, Mme Valérie Trierweiler rassemblait les Premières Dames des pays représentés pour une réunion de mobilisation contre les violences sexuelles faites aux femmes dans les conflits. Une séance sur  le Partenariat économique et Développement,  et  une autre sur le Changement climatique ont eu lieu le samedi 7, à huis clos.

 

 

Dans tous les discours, chacun reconnaissait les liens historiques de la France avec l’Afrique, mais tenait à souligner que la «Françafrique» était révolue, et qu’il est temps d’inventer une nouvelle relation économique Afrique-France. Pourtant, les expressions choisies pour ce Sommet, «l’Afrique est un continent d’avenir» et «l’Afrique est une opportunité» ne sont pas sans rappeler les propos du député Jules Ferry, le 28 juillet 1885, lors du débat sur la politique coloniale à la Chambre : «Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux» !!! Le Sommet, dans son aspect économique, a clairement été organisé pour permettre à la France, qui a perdu beaucoup de terrain dans son ancien pré carré ces dernières années, d’y regagner d’autres marchés, en y ajoutant l’Afrique anglophone et lusophone. Tout le monde se pressait d’ajouter que l’Afrique y gagnerait aussi. Les analystes l’ont répété «l’Afrique va se développer», «il y a un potentiel énorme», «la compétitivité se développe». «Près d’un milliard d’Africains constitue un marché des plus prometteurs», a même dit Macky Sall, président du Sénégal.

 

 

Prometteurs pour qui ?

Pour les financiers et leurs vassaux, ou pour les peuples africains ? L’argument principal de ce Sommet pour la paix et la sécurité en Afrique, «c’est à l’Afrique d’assurer elle-même sa sécurité et prendre en main son destin», a lui aussi été répété par tous. Et pourtant, la veille, François Hollande annonçait une action militaire «immédiate» en Centrafrique. Quasiment toute la classe politique française le soutient. Les chefs d’Etat africains, qui se préoccupent plus de se maintenir au pouvoir que de la sécurité des populations dont ils ont la charge, «ont appelé de leurs vœux le renforcement du dialogue stratégique entre l’Afrique et la France». Le NPA, parti français d’extrême gauche, a déclaré dans un communiqué «qu’en fait, la France intervient en RCA, cette ancienne colonie où elle a une vieille tradition de pillage et de soutien aux dictateurs comme l’ubuesque Bokassa, pour y défendre ses propres intérêts. (…) Cette intervention obéit aux mêmes objectifs que celle au Mali. Dans les deux cas, comme dans le reste de l’Afrique, il s’agit de maintenir l’ordre des grandes puissances alors que le régime politique qu’elles ont mis en place n’a plus aucun pouvoir».

 

 

Pour faire contrepoids au Sommet, des organismes de la société civile avaient préalablement lancé une pétition contre «le Sommet de la Honte». Un rassemblement a eu lieu Place de la République, au cœur de Paris, le jeudi 5, afin de «dénoncer la réception des dictateurs de la Françafrique». Deux autres points forts en marge du Sommet. Le mercredi soir, c’est sur scène, qu’un tribunal citoyen a dressé le bilan de 50 ans de la Françafrique et d’interventions françaises sur le sol africain. Des chercheurs, des militants, des opposants africains sont venus à la barre témoigner de la politique passée et actuelle de la France aux Comores, en Centrafrique, Côte d’Ivoire, à Djibouti, au Gabon, Mali, Niger, Sahara Occidental et au Tchad. Le Pr Issa Ndiaye a expliqué que l’intervention militaire au Mali, initialement applaudie par la majorité des Maliens, est de plus en plus remise en cause. Un fort soupçon plane sur le rôle de la France et de la communauté internationale dans la région de Kidal, et surtout vis-à-vis du MNLA, présenté à l’Etat malien comme interlocuteur unique dans les négociations sur le Nord du Mali, au détriment d’un processus incluant l’ensemble des communautés de la région. Le jeudi, une Journée africaine pour le Développement, co-organisée par la Maison de l’Afrique-IREA, et Africa24, a permis un Dialogue de Haut Niveau. Plus question pour les intervenants de ne parler que du taux de croissance du PIB des Etats africains, plus question de taire le dénuement total dans lequel les décideurs locaux abandonnent leur peuple, plus question de masquer le danger que représente le terrorisme djihadiste-hanbalo-wahhabite pour l’Afrique, plus question de parler du potentiel de l’Afrique sans exiger le développement socio-économique de chaque Africain, seule assurance pour la paix et la sécurité en Afrique.

 

 

Encourager le système néolibéral de la mondialisation sur le continent africain en laissant les populations sur le bord de la route du développement humain individuel, c’est favoriser la déstabilisation du continent où vivent plus d’un milliard d’êtres humains, dont plus de la moitié a moins de 25 ans. Les hommages à Nelson Mandela prononcés par tous ces dirigeants lors du Sommet Afrique France ne suffisent pas. Les décideurs, qu’ils soient politiques ou économiques, qu’ils soient occidentaux ou africains, doivent oublier leurs profits, reprendre son flambeau, et ne penser qu’à une chose, la dignité et le bien-être des peuples africains.  Madiba n’a jamais cessé d’agir. S’ils veulent lui rendre un hommage sincère, ils doivent, eux aussi, agir, pour enfin veiller sur les êtres humains dont ils ont la charge.

Françoise WASSERVOGEL

SOURCE: Le Reporter

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