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Loi électorale : Tripatouillage !

Ce ne sont ni par les incantations stériles, ni par les gesticulations verbales, encore moins par des faux-semblants que le gouvernement va convaincre l’opinion nationale et internationale de sa volonté réelle d’aller vers des scrutins transparents et crédibles en cette année 2018. D’autant que chaque jour que Dieu fait, les actes de bricolage et d’improvisation que pose le gouvernement ne font au contraire que confirmer la tendance lourde d’une véritable fuite en avant. Démonstration !

La mascarade d’opération improvisée de révision exceptionnelle des listes électorales de 10 jours qui finit ce 6 mars en est une preuve, la Décision n°2018-0004 du 12 janvier 2018 qui l’a prescrite n’ayant consacré que 2 jours(du 25 au 26 février) à son étape la plus importante des inscriptions, radiations et transfertsd’électeurs.L’atelier sur la relecture de la loi électorale qui vient de se tenir du 2 au 3 mars 2018 constituele dernier acte en date de cette gouvernance de tâtonnement sans fin. C’est avec le Président IBK que pour la toute première fois au Mali, les textes de loi relus et modifiés ne sont même pas encore mis en application que leur processus de relecture est sitôt enclenché.Ce n’est pas le Code des collectivités territorialesqui souffre actuellement de ce tripatouillage juridique qui vous dira le contraire. L’atelier de relecture de la loi électorale qui vient de se tenir du 2 au 3 mars 2018est un véritable cas d’école en la matière. En vérité, la relecture dont il est question n’est pas celle de la loi électorale de 2016, mais plutôt celle d’un autre projet de relecture de ladite loi qui avait déjà été adopté par le gouvernement. C’est le comble de l’improvisation et du tripatouillage des lois de la République !

Où est passé le Projet de loi électorale adopté au Conseil des ministres du 26 novembre 2017 ?

Dans son communiqué officiel, le Conseil des ministres du 26 novembre 2017 déclare : « Sur le rapport du ministre de l’Administration territoriale, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi portant modification de la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale. La Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale, en dépit des améliorations qu’elle apporte à notre système électoral, révèle dans son application un certain nombre d’insuffisances dont les problèmes liés à l’application des dispositions relatives au vote par anticipation des Forces armées et de sécurité; l’absence de commissions de centralisation pour le référendum;la non fixation d’un délai au ministre chargé de l’Administration territoriale pour proclamer les résultats provisoires du référendum.Pour corriger ces insuffisances, le projet de loi adopté apporte à la loi électorale des modifications concernant la suppression du vote par anticipation des Forces armées et de sécurité ;la création de commissions de centralisation au niveau des Régions, du District de Bamako, des cercles, des Ambassades et des Consulats du Mali pour le scrutin référendaire ; la fixation d’un délai au ministre chargé de l’Administration territoriale, pour la proclamation des résultats provisoires du référendum ».

Dans un Etat normal se réclamant de la République, le circuit normal d’un projet de loi adopté en Conseil des ministres transite nécessairement par l’Assemblée nationale.

Le projet de loi modificatif de la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électoralesolennellement adopté au Conseil des ministres du 26 novembre 2017 a tout simplement pris, sans autre forme de procès, un ticket simple pour les tiroirs, pour ne pas dire les poubelles du gouvernement. Sans aucune explication, ledit projet de loi a totalement disparu de la circulation alors qu’il était attendu du côté de Bagadadji à l’Assemblée nationale. Entretemps, comme si la délibération du Conseil des ministres en date du 26 novembre 2017 n’avait aucuneespèce d’importance, on constate que le gouvernement qui n’a décidément que du méprisy compris pour ses propres décisions, s’était engagé dans une nouvelle relecture de la même Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale. En d’autres termes, comme s’il jouait en la manière d’un enfant, avec les principes de fonctionnement de la République et de l’Etat de droit, le projet de loi modificatif de la loi électorale adopté au conseil des ministres du 26 novembre 2017 est sitôt soumis à un autre processus derelecture.L’atelier sur la relecture de la loi électorale constitue en quelque sorte « l’atelier de relecture de la relecture de la loi électorale ». Du pur tripatouillage ! Le soi-disant processus de consultation de tous les acteurs impliqués dans la gestion des élections pourrait bien cacher des intentions inavouées.

 De la manipulation pour se soustraire du Protocole de la CEDEAO ?

Si l’objectif de participation des acteurs impliqués dans le processus électoral actuellement affiché n’était pas que de la démagogie, voire de la manipulation, pourquoi donc le gouvernement avait-il rédigé en catimini et à la sauvette, son projet de loi modificatif de la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale qu’il a fait adopter au Conseil des ministres du 26 novembre 2017 ?Faute d’explication objectivement recevable face à cette interrogation, il ne peut que régner comme une atmosphère de manipulation autour de l’atelier tenu les 2 et 3 mars 2018.

Dans le fond, l’atelier dégage une forte odeur de subterfuge de la part du gouvernement pour se soustraire du Protocole de la CEDEAOà cause de sa léthargie quinquennale qui a contribué à mettre en danger le scrutin présidentiel du 29 juillet 2018. Ce danger qui n’est le résultat d’une négligence irresponsable, découle de la tension créée entre la relecture de la loi électorale et le Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance. Mise en rapport avec les scrutins de 2018 dont celui de la présidentielle qui pointe en premier à l’horizon d’ici 5 mois, la relecture de la loi électorale met une fois de plus le Mali en porte-à faux avec ses obligations internationales au regard du Protocole de la CEDEAO.

A cinq (05) mois à compter de ce mois de mars, de l’élection présidentielle prévue pour le 29 juillet 2018, le gouvernement est actuellement exposé au délai d’exclusion communautaire(CEDEAO) de toute relecture de la loi électorale, au regard de son Protocole dont l’article 2.1 dispose : « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques… ».

Conformément au Protocole, le gouvernement se devra de vaincre deux écueils fondamentauxliés à la « substantialité » des modifications proposées à la loi électorale, mais surtout au« consentement d’une large majorité des acteurs politiques ». Une double conditionnalité qui est loin d’être remplie d’avance. S’agissant en particulier de la deuxième liée au consentement d’une large majorité des acteurs politiques, IBK et son gouvernement paraissent à priori mis au pilori, étant donné le climat délétère au sein de la classe politique que le Président IBK lui-même, par ses invectives inutiles, s’amuse personnellement à entretenir à travers le mur de mépris érigé entre ce qui reste de sa majorité en état de décomposition avancé et l’opposition politique. Dans un tel climat de quasi rupture du dialogue politique, leconsentement d’une large majorité des acteurs politiquesautour du projet de loi électorale est un défi que le gouvernement devra relever.Du coup, le risque de violation de ses obligations internationales liées à l’article 2.1 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance devient très sérieux. Est-ce parce que le gouvernement à conscience de ce défi qu’il se prépare à fabriquer de toute pièce un semblant de consensus autour de la relecture de la loi électorale pour éventuellement se disculper dans l’hypothèse d’une invocation du Protocole de la CEDEAO ?

Il est vrai aussi qu’en tout état de cause, comme pour la loi n°16-49/AN-RM du 23 septembre 2016 portant loi électoraleadoptée en violation du Protocole de la CEDEAO, la Cour constitutionnelle toujours aussi servile, sera très probablement présente à l’appel pour préserver du péril juridique le Président IBK et son gouvernement. Qui ne se souvient du farfelu Arrêt n°2016-12/CC du 13 octobre 2016 de la Cour constitutionnelle de Manassa DANIOKO? Un Arrêt dont la jurisprudence scandaleuse avait accouché d’une interprétation fantaisiste si grotesque du Protocole de la CEDEAO qu’elle ne pouvait logiquement participer que de la politisation évidente de la Cour constitutionnelle. Rien ne garantit que la Présidente Manassa et sa « cour » ne vont pas récidiver. Et voler ainsi, une fois de plus, au secours d’un régime empêtré dans un cycle infernal de tripatouillage des textes de la République.

Dr Brahima FOMBA

Université des Sciences Juridiques

et Politiques de Bamako(USJP)

Source: L’ Aube

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