Dans un arrêt rendu public le 23 juin 2025 au Journal officiel de la République du Mali, la Cour constitutionnelle a statué sur une affaire délicate concernant une requête en destitution visant le président de la Transition, le Général d’Armée Assimi Goïta. L’arrêt n°2025-02/CC, daté du 18 juin 2025, rejette purement et simplement la demande introduite par un citoyen malien au motif fondamental de l’absence d’un Parlement élu, condition indispensable à l’ouverture d’une telle procédure selon la Constitution.
Bamada.net-La requête avait été introduite le 16 mai 2025 par Monsieur Saïdou dit Cheickna DIALLO, et enregistrée le 19 mai sous le numéro 022 au greffe de la Cour constitutionnelle. L’auteur de la saisine sollicitait ni plus ni moins que la destitution du président de la Transition, l’accusant de haute trahison au sens de l’article 73 de la Constitution du 22 juillet 2023. Selon le requérant, le Général Goïta aurait manqué à ses obligations constitutionnelles et violé son serment présidentiel.
Un fondement juridique fragile
L’article 73 invoqué précise qu’« il y a haute trahison lorsque le Président de la République viole son serment », et prévoit que seule une majorité qualifiée des trois quarts des membres du Parlement réunis en Congrès peut initier une telle procédure. Or, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en 2020, aucune élection législative n’a été organisée. L’actuel Conseil national de Transition (CNT), mis en place par les autorités de fait, ne possède pas la légitimité ni les prérogatives constitutionnelles d’un Parlement élu.
À Lire Aussi : Mali : la Cour constitutionnelle déclare Assimi Goïta président de la transition
Dans ses motivations, la Cour constitutionnelle rappelle que « la procédure de mise en accusation du Président de la République pour haute trahison (…) suppose nécessairement l’existence d’un Parlement élu ». L’absence de cette institution rend donc irrecevable toute procédure de destitution, peu importe la gravité des accusations formulées.
Une décision juridique à portée politique
Au-delà de la technicité juridique, cette décision révèle l’impasse institutionnelle dans laquelle le Mali demeure plongé depuis la transition militaire. L’arrêt souligne, en filigrane, le vide démocratique qui perdure dans le pays, où aucune instance élue au suffrage universel ne siège depuis plusieurs années. Le CNT, composé essentiellement de membres désignés par les autorités militaires, reste un organe transitoire sans fondement constitutionnel pour exercer les fonctions dévolues à un véritable Parlement.
Cette situation prive les citoyens maliens de nombreux leviers de contrôle démocratique, dont celui de la mise en cause du chef de l’État en cas de manquement grave. En se déclarant incompétente, la Cour n’a fait qu’appliquer rigoureusement le droit. Mais son arrêt résonne également comme un signal d’alarme sur l’état de la gouvernance démocratique et la nécessité d’un retour à l’ordre constitutionnel normal.
Un appel implicite à la normalisation institutionnelle
Il est à noter que la Cour n’a pas tranché sur le fond des accusations de haute trahison. Elle a uniquement statué sur la recevabilité juridique de la requête. En d’autres termes, même si des motifs sérieux existaient, aucun mécanisme légal ne permet aujourd’hui de traduire ces griefs dans une procédure régulière.
Ce vide constitutionnel renforce l’argument de ceux qui appellent à la tenue rapide d’élections pour doter le Mali d’institutions représentatives légitimes. Car sans Parlement, non seulement le peuple est privé de représentation, mais les principes fondamentaux de reddition de comptes et de séparation des pouvoirs sont mis en veille.
À Lire Aussi : Mali : la Cour constitutionnelle confirme Assimi Goïta en qualité de président de la Transition
L’arrêt du 18 juin 2025 illustre une fois de plus les limites du cadre transitoire qui régit le Mali depuis le coup d’État d’août 2020. En refusant d’entrer en matière sur la requête de Monsieur DIALLO, la Cour constitutionnelle ne ferme pas totalement la porte à de futures procédures similaires, mais elle rappelle que celles-ci ne pourront se faire qu’une fois les institutions légitimes en place.
Le retour à un ordre constitutionnel normal, avec un Parlement élu, apparaît donc plus que jamais comme une condition sine qua non pour garantir l’effectivité des mécanismes de contrôle du pouvoir exécutif et la protection de l’État de droit.
NB : Toute reproduction, intégrale ou partielle, sans une autorisation explicite de notre part est strictement interdite. Cette action constitue une violation de nos droits d’auteur, et nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour faire respecter ces droits.
MLS
Source: Bamada.net