Depuis le départ d’IBK (on hésite désormais à parler de sa chute), les Maliens guettent en vain le moindre signe de rupture. Ils ne le trouvent ni dans les mots ni dans les faits. Ce flou sur les intentions est mis à profit par de vieux chevaux pour signer leur retour sur la scène, en orchestrant le silence sur leur part monumentale dans l’exercice et le maintien du pouvoir IBK.
Fort de ce constat, et dans l’ambiance des propositions sur les missions de la Transition, je vois une tâche urgentissime qui est la mise en place d’un pôle économique spécial d’audit et de poursuites chargé d’élucider l’exécution de la Loi d’orientation et de programmation militaire (Lopm). Il ne s’agit guère de créer une juridiction d’exception, pas compatible avec la démocratie, mais de décharger le juge Kassogué de tout autre dossier que cette matière et de lui mettre à disposition une équipe étoffée pour faire toute la lumière sur ce que chacun de nous pressente comme la plus vaste corruption planifiée de l’histoire du Mali. Ce dossier est si emblématique qu’il est un souci commun aux contribuables dont les impôts ont été massivement détournés et aux militaires qui n’ont jamais reçu au bout de la chaîne les moyens opérationnels et de motivation qui sont les objectifs assignés à la LOPM. L’honneur et la sincérité de la transition se mesureront à la diligence qui sera mise au traitement de ce dossier.
Ce méga scandale qui a commencé avec l’achat de l’avion présidentiel et le marché Kagnassy avant les épaves d’hélicoptères, les Tucano sans viseurs et les blindés de contrefaçon, renvoie à une liste de personnages, en tête desquels Karim Keïta, dans le rôle de l’ordonnateur politique, Moussa Diawara et une suite de généraux, la caution militaire des magouilles, Soumeylou Boubèye Maïga qui a signé en toute connaissance de cause un bon nombre de ces marchés douteux, voire fictifs, Mme Bouaré Fily Sissoko et plus tard, Boubou Cissé, qui doivent prouver leur désintérêt dans la violation des règles de dépense de l’argent public dans les différentes acquisitions.
Dans cette phalange de députés, généraux et ministres hautement soupçonnés de malversations, Soumeylou Boubèye Maïga tente d’échapper à son sort dans une frénésie médiatique qui combine les avis de l’expert en Transition en direction de la junte et les appels du pied à tous les pays à qui l’homme a, un jour ou l’autre, offert ses services. La CEDEAO demande-t-elle à l’Union africaine et à la MINUSMA de se joindre à elle pour assurer le suivi de la transition à venir, SBM allonge la liste en y incluant la France, l’Algérie, le Maroc, tous pays auxquels il est redevable. Spécialiste de la diversion, il y ajoute la Mauritanie, le Tchad, les USA, la Russie et la Chine. On savait que le Mali, notre pays, est le nombril de la Terre. Mais de là à appeler la planète entière pour cogérer sa Transition, il ne faut pas déconner !
Comme toujours, lorsque Soumeylou Boubèye Maïga est à la manœuvre, les observateurs pistent très vite les traces de son mentor français. Il n’est pas inutile de rappeler que Soumeylou est la seule personnalité publique malienne à avoir été retenu quarante-huit heures en garde-à-vue à la Brigade financière de Paris, devenant ainsi un obligé de la France qui en connaît plus qu’un rayon sur lui. Les réseaux français qui le cornaquent avaient chauffé nos oreilles sur les risques de son départ de la Primature. Qui peut contester qu’il y a eu moins de morts au Centre après la démission de Soumeylou Boubèye Maïga? Cet homme n’est indispensable que pour les pays qui s’attachent ses services. Et son interview dans le journal L’Essor prouve de façon éclatante qu’au-delà des formules creuses, il n’a aucune vision des diligences de la Transition.
Pas un mot sur l’exigence d’une nouvelle constitution. Rien sur la nécessité de refonder la gouvernance sur des principes vertueux. Pas davantage sur la recomposition des liens. Pas un mot sur l’exigence d’une nouvelle constitution. Rien sur la nécessité de refonder la gouvernance sur des principes vertueux. Pas davantage sur la recomposition des liens sociaux en lieu et place des politiques de division. Il est dans la politique politicienne, la querelle sur les instruments et non la réflexion sur les fins et le sécuritaire, dans l’ordre des moyens. Une misère!
Bakary Diarra
Source: le democratre Mali