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L’inculpation de Mahamadou Camara a « fortement déplu au haut sommet de L’État » : Les magistrats refusent « toute velléité d’immixtion de l’Exécutif dans le domaine du Judiciaire »

Au Mali, l’affaire dite de l’avion présidentiel et des équipements militaires dans laquelle l’ancien chef de cabinet de la présidence et ancien ministre de la communication, Mahamadou Camara, a été mis sous mandat de dépôt, le vendredi 27 mars 2020, n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Le Procureur du Pôle économique et financier de Bamako, selon plusieurs sources, serait soumis à des pressions pour faire libérer l’inculpé. Les magistrats, à travers les deux syndicats de la magistrature du pays (SAM-SYLIMA), ne l’entendent pas de cette oreille et refusent «  toute velléité d’immixtion de l’Exécutif dans le domaine du Judiciaire » dans cette affaire. Le jeudi dernier, une demande de remise en liberté de l’ancien baron du régime pour « irrégularités » dans la procédure, a été rejetée par le parquet.

 

Les magistrats du Mali semblent tenir à leur indépendance vis-à-vis du pouvoir en place. Ils l’ont dit et réitéré, le mercredi 1er avril dernier, au cours de leur rencontre avec le Procureur de République du Pôle Économique et Financier de Bamako, sur la gestion de l’affaire dite de l’avion présidentiel et des équipements militaires dans laquelle l’ancien ministre de la communication, Mahamadou Camara, a été placé en détention.

Selon une note du compte rendu de la dite rencontre signée par la secrétaire adjointe à la communication du SYLIMA, Nana Kadidia Singaré, le Procureur de la République aurait expliqué à ses interlocuteurs que la détention de l’ancien chef de cabinet de la présidence a « fortement déplu au haut sommet de l’État. » «  L’Exécutif est en train de faire une interprétation biaisée des dispositions de l’article 616 du code de procédure pénale qui n’accordent le privilège de juridiction qu’aux seules personnalités ayant RANG ET PREROGATIVES de ministre. », aurait déclaré, lors de cette rencontre, le Procureur du Pôle Économique. Mamoudou Kassogue, qui estime qu’il n’a fait qu’une judicieuse application de la loi dans ladite procédure, campe sur sa position. « L’inculpé n’avait simplement que rang de ministre comme l’atteste d’ailleurs son acte de nomination», selon lui.

Même si le procureur de la République reconnaît que dans cette affaire, le Parquet et le Juge d’instruction n’ont subi directement aucune pression jusqu’ici dans la procédure, les magistrats maliens sont cependant sur le qui-vive. Lors de la rencontre, le Parquet du Pôle et le juge d’instruction en charge de cette affaire qui dérange au sommet de l’État, ont reçu le « soutien inconditionnel » des deux syndicats de la magistrature  du pays afin de faire échouer « toute velléité d’immixtion » de l’Exécutif dans le domaine du Judiciaire.

La demande de liberté rejetée

Depuis son arrestation, les avocats de l’ancien ministre de la communication font tout pour obtenir sa libération. Dans une requêteles conseils de Mahamadou Camara ont demandé l’annulation pure et simple de la procédure judiciaire parce ce qu’elle serait « entachée d’irrégularités qui transgressent certaines dispositions règlementaires et législatives du Mali. » Pour les avocats, leur client Mahamadou Camara a été nommé directeur de cabinet du président de la République avec rang de ministre par décret N°2013-724/P-RM du 9 septembre 2013 portant nomination du directeur de Cabinet du président de la République.

Pour les avocats, aux termes de l’article 616 de la loi N°01-80 du 20 aout 2001 portant Code de procédure pénale au Mali, modifiée par la loi N°2013-016 du 21 mai 2013 : « Lorsqu’une personnalité ayant rang et prérogatives de ministre, un membre de la Cour suprême ou de la Cour constitutionnelle, un Haut-Commissaire, un magistrat de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif ou un juge consulaire est susceptible d’être inculpé d’un crime ou d’un délit dans l’exercice de ses fonctions, le procureur de la République compétent ou le magistrat qui le remplace réunit les éléments d’enquête et transmet sans délai le dossier au procureur général près la Cour suprême qui apprécie la suite à donner. S’il estime qu’il y a lieu à poursuivre, le procureur général requiert l’ouverture d’une information. A cet effet, il saisit le bureau de la Cour suprême aux fins de désignation d’une chambre civile pour connaitre l’affaire ».

Au moment des faits, selon eux, Mahamadou Camara occupait le poste de directeur de Cabinet du président de la République avec rang de ministre, ainsi que le consacre le décret de nomination visé plus haut. A ce titre, expliquent les avocats, l’inculpation de Mahamadou Camara devrait bénéficier d’une application bienveillante des dispositions de l’article 616 du Code de procédure pénale au Mali. En ignorant superbement sa qualité de ministre au moment des faits, précisent les avocats, les poursuites initiées par le parquet d’instance de la commune III et les inculpations qui en ont découlé au niveau du juge du 9ème cabinet d’instruction spécialisé du Pôle économique et financier de Bamako procèdent d’une violation flagrante des dispositions de l’article 616 du   Code de procédure pénale au Mali. Les avocats dénoncent la violation du principe d’une procédure juste et équitable pour leur client qui est affirmé par l’alinéa1 du premier article du Code de procédure pénale au Mali  qui dispose : « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties. Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l’action publique et des autorités de jugement. Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles ». A cet égard, les avocats expliquent qu’à partir du moment où des personnes mises en causes dans la même affaire bénéficient d’un privilège de juridiction, alors toutes les autres personnes incriminées doivent être poursuivies et/ou jugées devant la même juridiction.

Cette requête des avocats de Mahamadou Camara pour le soustraire des griffes de la justice a été rejetée le jeudi dernier.

Une malversation de plus de 29 milliards de FCFA

Pour rappel, l’ancien directeur de cabinet de la présidence de la République, Mahamadou Camara, a été mis sous mandat de dépôt et écroué, le vendredi 27 mars 2020, à la Maison centrale d’arrêt de Bamako par le procureur du pôle économique, dans l’affaire de l’avion présidentiel et des équipements militaires.

Le Procureur de la République, chargé du Pôle Économique et Financier de Bamako, Mamoudou Kassogué a, dans un communiqué, le 27 mars 2020, pour informer l’opinion de la réouverture depuis décembre 2019 des enquêtes dans l’affaire relative à l’acquisition d’un nouvel aéronef (avion présidentiel) et à la fourniture aux Forces Armées Maliennes d’un important lot de matériels d’Habillement, de Couchage, de Campement et d’Alimentation (HCCA), ainsi que des véhicules et pièces de rechange ; laquelle affaire avait préalablement fait l’objet d’un classement sans suite. Le communiqué du procureur indique que les investigations ont permis de déceler des faits de détournements de deniers publics sur fond d’opérations frauduleuses pour un montant de 9 350 120 750F CFA et de surfacturation par faux et usage de faux pour un montant de 29 311 069 068F CFA. A en croire le communiqué du procureur, plusieurs personnalités sont citées dans ladite affaire dont l’ancien ministre, Mahamadou Camara.

«En décembre 2019, instructions suivantes écrites du Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, le Parquet a décidé de la réouverture des enquêtes dans l’affaire relative à l’obtention d’un nouvel aéronef (avion présidentiel) et à la fourniture aux Forces Armées Maliennes d’un lot important de matériels d’Habillement, de Couchage, de Campement et d’Alimentation (HCCA), ainsi que des véhicules et pièces de rechange; quelle affaire avait déjà fait l’objet d’un classement sans suite », précise, dans son communiqué, le Procureur de la République. Aux dires de Mamoudou Kassogué , les enquêtes complémentaires menées par la Brigade économique et financière du Pôle économique et financier de Bamako ont permis de conforter les graves manquements à l’orthodoxie financière et comptable, relevés par le Bureau du vérificateur général, avec des faits de détournements de deniers publics sur fond d’opérations frauduleuses pour un montant de 9 350 120 750F CFA et de surfacturation par faux et usage de faux pour un montant de 29 311 069 068F CFA. Après exploitation des différents documents, le Parquet a requis l’ouverture d’une information judiciaire et un Cabinet d’instruction spécialisé du Pôle Economique et Financier de Bamako a été désigné pour instruire sur les faits de faux en écriture, usage de faux et complicité de ces faits, de complicité d’atteinte aux biens publics par usage de faux et autres malversations et de complicité de favoritisme contre les nommés Sidi Mohamed KAGNASSY, Amadou KOUMA, Nouhoum KOUMA, Soumaïla DIABY, Mahamadou CAMARA et Marc GAFFAJOLI », indique le communiqué du cabinet du procureur du pôle économique et financier.

Par ailleurs, ajoute le communiqué, en raison des graves présomptions de faits de faux en écriture, usage de faux, atteinte aux biens publics, corruption et délit de favoritisme, qui ont pu être relevées à l’encontre des nommés : Soumeylou Boubèye MAIGA, Mme BOUARE Fily SISSOKO et Moustapha BEN BARKA, qui étaient tous les ministres au moment des faits, le parquet a procédé à la transmission des éléments d’enquête au procureur général de la Cour suprême pour la saisine de l’Assemblée nationale, conformément aux dispositions spécifiques des articles 613 du code de procédure pénale et 15 de la Loi portant composition, organisation et fonctionnement de la Haute Cour de Justice.

Madiassa Kaba Diakité

Le républicain

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