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Libye : dix choses à savoir pour comprendre

Enfoncée dans une profonde crise sécuritaire et économique, la Libye apparaît comme marquée au fer rouge par les 42 ans du régime de Kadhafi. Décryptage.

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« Chaos », « bourbier » et autres qualificatifs apocalyptiques sont les mots systématiquement accolés à la Libye depuis plusieurs années. Dans la foulée des révolutions tunisiennes et égyptiennes, la Libye a succombé au virus du Printemps arabe  le 17 février 2011. Cinq ans plus tard, la Libye apparaît désormais comme une zone de djihad, un lieu où Daech décapite vingt et un Coptes sur la rive méditerranéenne en toute impunité, un pays qui ressemble à une litanie d’attentats commis par des fractions indéterminées, toutes plus islamistes les unes que les autres. Pour ses voisins immédiats, six pays frontaliers, elle est un danger permanent. Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, estime dès 2014 que « le sud de la Libye est devenu un hub terroriste »*. Pour comprendre la Libye de 2016, une plongée dans son histoire récente s’impose. Quand Kadhafi prend le pouvoir en 1969, via un coup d’État, il a 27 ans. Ce révolutionnaire, qui se définira comme « socialiste » et « athée » dans son Livre vert, n’utilisera jamais ses pouvoirs pour développer son pays. « Pour que tout change, il faut que rien ne change », faisait dire Tomasi di Lampedusa au « Guépard ». Clanique la Libye était, clanique elle le demeurera. On dénombre plus de 140 clans, une trentaine de tribus. Les plus importantes sont les Warfallah, les Megariha, les Zouaya… Et les Touareg (un demi-million) sont une clé de voûte. Une structuration de la Libye qui explique, pour partie, sa déstructuration actuelle. Kadhafi n’a jamais bâti une nation avec une armée nationale, des institutions viables, une Constitution – le pays n’en a toujours pas dans l’attente des travaux de l’Assemblée constituante élue en février 2014. Un territoire trois fois plus vaste que la France, dix fois moins peuplé, riche de son pétrole. La majorité des Libyens vivent sur la côte méditerranéenne.

Quid de l’héritage de Kadhafi ?

Ce militaire devenu milliardaire mégalomane – il se voyait en président de l’Afrique – régnera quatre décennies. Il sera généreux avec les tribus, distribuant les dollars du pétrole pour conforter son pouvoir. En 1977, il transforme la Libye en « république des masses » (« Jamahiriya ») et se proclame « Guide de la révolution ». Il se refuse à bâtir une nation, préférant jouer avec les clans, divisant ou récompensant selon ses intérêts du moment. Sans armée nationale, l’ordre ne règne que par la garde prétorienne du Guide. Conséquences : la Libye est un pays faible en termes d’infrastructures, d’administrations, d’institutions… De nombreux Libyens viennent se soigner en Tunisie faute d’un système de santé opérationnel dans leur pays. Les opérations terroristes sponsorisées par le Guide ont isolé le pays, soumis à de drastiques embargos. Le fabuleux pactole de l’or noir a permis d’acheter des armes. Abdelhakim Belhadj, leader islamiste et homme fort de Tripoli, estime que vingt millions d’armes ont été dispersées par Kadhafi. Ce butin militaire a depuis été disséminé en Libye et dans le Sahel. Pour pacifier le pays, Belhaj estime qu’il « faudrait les récupérer ». Une mission impossible.

Deux parlements se disputent la Libye

La révolution du 17 février 2011 s’achèvera dix jours après la mort de Kadhafi le 30 octobre. Elle accouchera de deux gouvernements, deux parlements, chacun revendiquant la légitimité. Celui de Tobrouk (est), celui de Tripoli (ouest). Le premier a été adoubé par la communauté internationale car étant issu des urnes. Le second a contesté le résultat du scrutin et fait sécession. Le 17 décembre dernier, un accord est signé à Skhirat, au Maroc, sous la houlette de l’ONU, désignant l’homme d’affaires Fayez el-Sarraj Premier ministre d’un gouvernement d’union nationale. Il compterait dix-sept maroquins. Problème : les parlements de Tripoli et Tobrouk rejettent cet accord.

L’ONU s’active faute d’une mobilisation internationale

Après plus de deux ans de pourparlers, le haut représentant de l’ONU Bernadino Leon a quitté son poste pour rejoindre une fonction privée aux Émirats arabes unis. L’Allemand Martin Kobler lui a succédé. Nommé le 4 novembre par Ban Ki-moon, l’homme a pris ses fonctions à la tête de la Manul (Mission d’appui des Nations unies à la Libye) le 17. Il a annoncé, dans une interview accordée à l’hebdomadaireBild le 3 janvier, son intention de s’installer dans le pays avec une petite équipe. « Il faut savoir prendre des risques, mais sans jouer les Rambo », dit-il. Un signe de bonne volonté pour un homme de bonne volonté. Dans un pays historiquement divisé, Kobler ne peut agir que par petites touches, ce que ce diplomate qui a exercé en Afghanistan et en Irak a parfaitement compris. Le nouveau Premier ministre adoubé par l’ONU, Fayez el-Sarraj, aura besoin de l’appui inconditionnel des Nations unies pour réussir à s’imposer.

Daech se renforce grâce à la lutte entre Tripoli et Tobrouk

Depuis la ville de Syrte, la ville natale de Kadhafi, l’État islamique tente d’ouvrir de nouveaux fronts. Depuis le 3 janvier 2016, le groupe djihadiste tente de faire main basse sur une partie des champs pétroliers. Impossible de comptabiliser de façon précise le nombre de combattants agissant sous la bannière noire. Les fourchettes oscillent entre mille et trois mille recrues. Les frappes aériennes massives qui s’abattent sur les territoires contrôlés en Syrie par l’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi vont-elles faire de la Libye un refuge ? Une seule certitude : Daech prospère grâce à la lutte que se mènent Tripoli et Tobrouk. L’organisation terroriste se nourrit des divisions meurtrières de ses adversaires. En Irak, l’État islamique bénéficie du soutien d’anciens hiérarques de Saddam Hussein. Idem en Libye, où des cadres de l’ancien régime l’épaulent. Mais Daech agit pour son propre compte. À Zliten, une voiture piégée a explosé devant le centre de formation de la police le 7 janvier, faisant cinquante-cinq morts et une centaine de blessés. Daech ne règne pour l’instant que sur une petite partie de la côte au nord. Le phénomène djihadiste n’est pas nouveau en Libye. De nombreux Libyens ont rejoint, depuis les années 1990, les rangs des conflits en Afghanistan, en Syrie, en Irak… L’homme d’influence de Tripoli, Abdelhakim Belhadj, fut l’émir du GICL (Groupe islamique qui combat en Libye) fondé au début des années 1990.

Et l’industrie pétrolière, où en est-elle ?

Le sous-sol libyen gorgé de pétrole et de gaz permettait à Kadhafi de mener grand train, tout en maintenant une unité à coups de redistribution massive. La production standard tournait autour du million cinq cent mille barils par jour. Un tiers de ce potentiel est aujourd’hui exploité. L’économie a sombré, l’inflation explose, l’insécurité empêche les investissements hors pétrole. Le géant italien ENI a découvert un important gisement offshore en mars 2015. Les menaces d’enlèvements des ressortissants étrangers plombent tout espoir de reprise économique.

L’intervention de l’Otan en 2011 est-elle responsable du chaos actuel ?

Le 19 mars 2011, la résolution 1973 des Nations unies instaure une zone d’exclusion aérienne. Les premières frappes sont lancées. Lorsque la coalition internationale est intervenue pour sauver Benghazi, l’opération fut à l’époque saluée. Ce n’est plus le cas. Si les opérations aériennes ont évité un carnage dans la seconde ville la plus importante du pays que Kadhafi s’apprêtait à écraser sans retenue, le chaos qui s’est installé progressivement est-il la résultante de cette action ? Difficile de trancher. La mise en place d’une assemblée provisoire, le CNT (Conseil national de transition), en 2011 a abouti aux élections de 2012. La réelle division suivra les élections du 25 juin 2014. Les islamistes perdent puis refusent le résultat. Le parlement de Tobrouk, légitime, s’installe alors que le CGN refuse de reconnaître les résultats. À l’automne, Tripoli se dote d’un parlement. Le pays est désormais politiquement coupé en deux.

Une intervention militaire occidentale est-elle nécessaire ?

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, évoque cette hypothèse depuis 2014. La France opère au Mali depuis 2013 pour éviter que ce pays ne se mue en fief djihadiste. Le Drian a qualifié le sud de la Libye de « hub terroriste ». Matteo Renzi, le Premier ministre italien, répond systématiquement « Libye » quand on lui parle « Syrie ». Pour cause : les côtes italiennes font géographiquement face à leurs homologues libyennes. Un quatuor de nations (USA, France, Italie, Grande-Bretagne) pourrait intervenir dans la région de Syrte afin de bombarder les forces de Daech. Plus facile à écrire qu’à théoriser tant la situation diffère d’une ville à l’autre. Frappes chirurgicales ou intervention terrestre ? Aucune solution n’existe sans risques importants pour les pays voisins. Tout dépend des buts de guerre, des objectifs à court, moyen et long terme. Un haut gradé de l’armée française jugeait que l’intervention au Mali n’avait de sens que si l’on frappait le terrorisme dans tous les pays voisins. Les migrants transitent par la Libye pour se rendre en Europe et sont une source de revenus importante pour les trafiquants.

Six pays directement impactés

L’Égypte, la Tunisie, le Tchad, l’Algérie, le Niger et le Soudan sont frontalement impactés par le chaos libyen. Pour Tunis, les conséquences sont désastreuses. Le commerce est quasiment à l’arrêt entre les deux pays (des camions passent via Ras Jedir), la frontière a été fermée après l’attentat revendiqué par Daech à Tunis le 24 novembre dernier. L’Algérie et l’Égypte ont cadenassé leurs frontières.

La Tunisie est-elle menacée ?

Pendant la révolution libyenne, plus d’un million de Libyens se sont réfugiés en Tunisie. Un exploit pour un pays de dix millions d’habitants que d’accueillir un surcroît de 10 % de sa population. Depuis 2015, les milices de Tripoli ont fait preuve d’une hostilité croissante en kidnappant à plusieurs reprises des ressortissants tunisiens afin de demander la libération de Libyens condamnés par la justice tunisienne. Après l’élection de Béji Caïd Essebsi, un consulat a été rouvert à Tripoli. Puis fermé après le rapt d’une dizaine d’agents consulaires. Le président Béji Caïd Essebsi a toujours été très pragmatique avec cet encombrant voisin. Tant qu’un État de droit ne sera pas mis en place, la Tunisie doit dialoguer avec tous. Un mur de sable a été édifié à la frontière en juillet 2015. L’infiltration de groupes terroristes est le premier danger pour Tunis.

 

Source: lepoint.fr

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