Deux ans après la chute du régime de Mouammar Kadhafi, le spectre de la guerre civile plane sur la Libye où les milices armées font la loi empêchant l’édification d’un Etat stable.
Quand la rébellion a annoncé la “libération” du pays du régime de Mouammar Kadhafi le 23 octobre 2011, trois jours après la mort du dictateur déchu, les Libyens voyaient déjà leur riche pays pétrolier devenir un nouveau Dubaï. Aujourd’hui, ils sont hantés par les scénarios somalien ou irakien.
En effet, les ex-rebelles qui ont combattu l’ancien régime durant huit mois de conflit, et qui étaient porteurs de tous les espoirs, sont devenus après quelques mois la source de tous les maux du pays et de l’anarchie qui y règne.
“Nous avons volontairement contribué au chaos qui règne dans le pays en prenant les armes”, regrette Muftah al-Bedri, la cinquantaine, dénonçant l’insécurité dans le pays.
Chargés par les autorités de transition de sécuriser les installations stratégiques du pays et ses frontières, après l’effondrement de toutes les institutions en 2011, ces ex-rebelles qui ont puisé dans l’arsenal militaire de l’ancien régime, se sont formés en milices et assurent les fonctions de l’armée et de la police.
Une partie de ces groupes armés ont été formés sur des bases idéologiques comme c’est le cas pour les salafistes d’Ansar al-Chariaa. Mais d’autres sont autonomes, enracinées dans leur région voire leur tribu, comme les milices de Zenten et Misrata (ouest).
La plupart de ces groupes lourdement armés sont officiellement rattachés au ministère de l?Intérieur ou de la Défense mais n?obéissent dans les faits qu?à leurs chefs et à leurs intérêts et sont régulièrement accusés de violations des droits de l’Homme.
En fait, les troupes rebelles ont mis la main sur tous les trafics comme celui de drogue ou d’immigration clandestine et font capoter les efforts des autorités à former une armée et une police professionnelles.
“Nous nageons à contre le courant”, a reconnu dimanche le Premier ministre Ali Zeidan, faisant état de “plusieurs forces qui entravent la construction de l’organe sécuritaire de l’Etat”.
“Un avenir radieux”
L’enlèvement du Premier ministre le 10 octobre par une milice “officieuse”, a mis en évidence la fragilité du pouvoir central, dans un paysage politique fragmenté et complexe où les allégeances et les rivalités locales, tribales et idéologiques, l?emportent souvent sur le clivage entre “islamistes” et “libéraux”.
Ainsi, des affrontements réguliers opposent des milices ou des tribus, notamment dans le cadre d’une lutte pour le contrôle des trafics aux frontières.
“La situation risque de dégénérer durant les prochains mois”, a averti un diplomate en poste à Benghazi sous couvert de l’anonymat, ajoutant que les violences pourraient gagner toutes les régions du pays.
Pour acheter la paix, les autorités de transition ont distribué à tour de bras des millions de dollars à des dizaines de milices, ouvrant la porte à des dérives mafieuses.
Dès que le gouvernement ferme le robinet des “primes” ou tente de dissoudre des milices, ces dernières n’hésitent pas à s’attaquer aux institutions de l’Etat, enlever des responsables ou bloquer des sites pétroliers.
Dans ce contexte, des milices qui étaient chargées de garder des installations pétrolières bloquent depuis plusieurs semaines des terminaux pétroliers dans l’est du pays, provoquant une perte estimée jusqu’ici à 6 milliards de dollars.
Les autorités semblent aussi désarmées face à une montée en puissance des groupes extrémistes, en particulier dans l’est du pays, théâtre d’assassinats de membres des forces de sécurité et d’attentats contre les intérêts et représentations diplomatiques occidentales.
L’attaque la plus spectaculaire a été perpétrée le 11 septembre 2012 contre le consulat américain à Benghazi (est), provoquant la mort de l’ambassadeur et de trois autres Américains.
La flambée des violences a fait fuir la plupart des diplomates et des compagnies étrangères, retardant la reconstruction de ce pays après huit mois de conflit en 2011 et une quarantaine d’années de dictature sous Mouammar Kadhafi.
Les rivalités politiques et l’absence d’une feuille de route claire, envenime par ailleurs la situation.
Mais le Premier ministre semble garder un brin d’optimisme, prédisant “un avenir radieux” et estimant que la situation en Libye était bien meilleure que dans d’autres pays, qu’il s’est gardé de nommer.
Source : jeuneafrique