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Les shebabs somaliens: sept questions sur un mouvement terroriste

Les jihadistes somaliens ont de nouveau fait régner la terreur dans la sous-région de la Corne de l’Afrique. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Que veulent-ils ? Quelle est leur stratégie ? Une foultitude de questions qui se posent au lendemain de l’attaque de Garissa.

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Les islamistes somaliens, les shebabs, ont revendiqué le massacre commis le jeudi 2 avril sur le campus de l’université Garissa, dans l’est du Kenya, qui a coûté la vie à cent quarante-huit personnes. C’était déjà eux responsables de l’assaut spectaculaire contre le centre commercial Westgate à Nairobi en septembre 2013, qui avait fait 67 morts en quatre jours de siège. Outre ces deux tueries, le groupe islamiste a revendiqué une série d’attaques perpétrées dans le territoire somalien et dans les autres pays de l’Afrique de l’Est frontaliers avec la Somalie. Pour mieux comprendre l’identité de ces agresseurs, leur évolution et leurs motivations, voici un décryptage en 7 points.

1 – Qui sont les shebabs ?

Les « shebabs » qui signifie « les jeunes » en arabe, sont des combattants islamistes qui sont à la tête de l’insurrection armée en Somalie, plongée dans le chaos depuis 1991. Le mouvement est né dans la première moitié des années 2000, de la fusion de plusieurs groupes islamistes somaliens. Il se caractérise par sa vision rigoriste de l’islam, qui inclut la lapidation à mort des femmes accusées d’adultère et l’amputation des mains des personnes accusées de vol, à l’instar de l’Arabie saoudite. Les militants veulent mettre en place un Etat islamique fondé sur la charia, et le jihad global.

Les shebabs se sont fait connaître comme la branche jeunesse de l’Union des Tribunaux islamiques (UTI). Celle-ci a contrôlé pendant six mois en 2006 le centre et le sud du pays, dont la capitale Mogadiscio, avant d’en être délogée par les troupes éthiopiennes. Les jeunes islamistes, eux, tiennent tête aux Ethiopiens, obligeant ces derniers à se retirer du pays à la fin de l’année 2008. C’est aussi l’époque où le groupe se lie avec al-Qaïda à travers ses cellules en Afrique orientale et attire des combattants étrangers qui rejoignent leurs rangs. Les shebab seront finalement chassés de Mogadiscio par la force de paix de l’Union africaine (Amisom) déployée en Somalie depuis 2007. A partir d’août 2011, ils accumulent des revers militaires, perdant la totalité de leurs bastions en Somalie (Mogadiscio, Baïdoa, le port de Kismaayo), mais continuent toutefois de contrôler de larges zones rurales, notamment dans le sud, où ils ont imposé la charia.

2 – Combien sont-ils ?

Leurs effectifs sont estimés entre 5 000 et 9 000 hommes qui se répartissent entre recrutés locaux et combattants islamistes étrangers, venus notamment de pays arabes et du sous-continent indo-pakistanais. Les Somaliens de la diaspora reviennent aussi grossir les rangs du mouvement. Enfin, les shebabs recrutent leurs forces vives par le biais d’al-Qaïda, organisation à laquelle les islamistes somaliens ont proclamé leur allégéance en 2010.

3 – Qui sont leurs dirigeants ?

L’homme qui dirige les shebabs depuis septembre 2014 s’appelle Ahmed Umar Abou Oubaïda. Il a succédé à Ahmed Abdi Godane, qui a été tué par un drone américain. Sa tête avait été mise à prix par les Américains pour 7 millions de dollars. Proche de la nébuleuse fondée par Oussama ben Laden, le nouveau chef Oubaïda est en conflit ouvert avec des figures clés du mouvement qui militent pour un rapprochement avec le groupe Etat islamique (EI). Le leadership des shebabs est aussi divisé entre des factions à la sensibilité nationaliste et des groupes à l’agenda jihadiste mondial.

4 – De quel soutien disposent-ils en Somalie ?

Le soutien est d’ordre financier. L’irruption au milieu des années 2000 de l’Union des Tribunaux islamiques dont les shebabs faisaient à l’époque partie, avait permis de rétablir l’ordre dans les grandes villes de la Somalie et de désarmer les innombrables milices qui y faisaient la loi en l’absence de l’Etat somalien en faillite depuis 1991. Les milieux d’affaires avaient particulièrement apprécié le rétablissement de l’ordre qui avait ouvert la voie à la reprise des flux commerciaux. En contrepartie de leur protection, les shebabs prélèvent dans les régions qu’ils contrôlent des dîmes auprès des milieux d’affaires. Selon un rapport publié par l’ONU, les revenus du groupe étaient estimés entre 70 et 100 millions de dollars US en 2011, essentiellement des taxes portuaires.

Mais le soutien des Somaliens aux jihadistes n’est pas seulement financier. Dans une interview accordée au quotidien français Libération, Roland Marchal, chercheur au CNRS et auteur en 2011 d’une étude sur les shebabs, a expliqué que « si des mouvements violents et radicaux comme les shebabs continuent d’exister, c’est parce qu’ils ont une base sociale qui va au-delà de l’acceptation du terrorisme ». Les spécialistes s’accordent pour dire que les islamistes continuent à jouir d’une certaine popularité dans plusieurs endroits du pays. Selon Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste des conflits armés en Afrique, les shebabs « surfent sur le nationalisme somali ». «Ce sentiment national existe bel et bien », explique le spécialiste, et cela malgré l’effondrement de l’Etat national en Somalie.

5 – Pourquoi les Shebabs sont-ils considérés comme la principale menace à la paix en Somalie ?

Un référendum constitutionnel est prévu en 2015 en Somalie, suivi l’année d’après par des élections multipartites. L’objectif est de doter le pays d’une véritable autorité centrale dont la Somalie est dépourvue depuis près de vingt-cinq ans.

Or les islamistes somaliens ont juré de ne pas laisser les politiciens classiques soutenus par la communauté internationale prendre le pouvoir et établir un gouvernement démocratique à l’occidentale. Pour marquer leur opposition, ils mènent depuis 2011 d’innombrables opérations de guérilla et des attentats-suicides à travers le pays. Leur dernière attaque en date est celle qu’ils ont perpétrée le 12 mars 2015, dans Baïdoa, grande ville du Sud somalien. Cette attaque visait une enceinte fortifiée abritant le siège du gouvernement local, l’aéroport, le QG de la force de l’Union africaine et des bureaux de l’ONU. Les shebabs ont mené parallèlement des actions meurtrières dans les pays voisins : au Kenya, en Ouganda et à Djibouti.

6 – Pourquoi le Kenya est-il devenu leur cible privilégiée ?

Avec 148 morts, l’attaque de Garissa est l’action terroriste la plus meurtrière perpétrée sur le sol kényan depuis l’attentat contre l’ambassade des Etats-Unis à Nairobi (213 morts) en 1998, alors revendiquée par le réseau al-Qaïda, auquel les shebabs sont affiliés depuis 2012.

Depuis l’intervention des troupes kényanes fin 2011 en Somalie, à la poursuite des shebabs accusés d’attaques et d’enlèvements d’étrangers sur son sol, les islamistes somaliens sont obsédés par l’idée de vengeance et ont multiplié les raids sur les régions frontalières et dans la capitale Nairobi. En septembre 2013, ils ont pris d’assaut le centre commercial Westgate dans la capitale kényane, faisant 67 morts en quatre jours de sièges. Les attaques meurtrières se sont poursuivies tout au long de l’année 2014, faisant environ 160 morts. Ces attaques ont visé particulièrement la région côtière du Kenya, cotée pour son potentiel touristique qui est la deuxième source de devises du pays.

Les shebabs qui ont revendiqué l’attentat de Garissa, ont déclaré sanctionner la présence militaire kényane en Somalie. Le Kenya combat en Somalie dans le cadre de l’Amisom et a engagé environ 4 000 hommes sur le terrain. Dans leur communiqué, les agresseurs dénoncent l’occupation des terres musulmanes par Nairobi, mais aussi « l’oppression », « les politiques répressives » et « la persécution systématique des musulmans » à l’intérieur même du Kenya qui compte une minorité musulmane. Par ailleurs, Oumar Abou Oubaïda qui dirige le mouvement shebab depuis septembre 2014, est issu du Jubaland, région de la Somalie et frontalière avec le Kenya. Animé par l’idéal jihadiste de la nébuleuse al-Qaïda dont il est proche, il rêve d’étendre son mouvement sur le territoire kényan où une minorité musulmane jeune et délaissée par le pouvoir central constitue un terreau pour l’islamisme radical. Le Kenya paie aujourd’hui le prix d’avoir laissé les islamistes radicaux infiltrer la société.

7- Les shebabs, sont-ils en perte de vitesse ?

Selon les spécialistes, malgré la véhémence de leur attentat du 2 avril, les islamistes somaliens sont en perte de vitesse chez eux. Depuis 2011, ils ont été chassés de leurs principaux bastions par les troupes bien équipées et déterminées de l’Amisom. Par conséquent, ils ne peuvent plus prélever les taxes dans les régions qu’ils contrôlaient jadis.

Défaits militairement et menacés de banqueroute, les shebabs sont aujourd’hui moins nombreux qu’en 2007. Par ailleurs, le mouvement est profondément divisé en factions rivales qui se détestent. En 2013, ils ont tué deux de leurs chefs historiques. Les contestations internes se sont accentuées à mesure de la montée en puissance du groupe Etat islamique qui exerce un ascendant croissant, notamment sur les jihadistes somaliens de la diaspora. Ceux-ci vont désormais combattre et parfois mourir en Iraq et en Syrie plutôt que dans la Corne de l’Afrique.

L’attaque de l’université de Garissa, serait-elle alors le chant de cygne des shebabs ? C’est ce que les autorités kényanes aimeraient croire, mais les spécialistes mettent en garde contre la capacité de nuisance et de rebond dont le groupe islamiste a déjà su faire preuve dans le passé.

 

Source: RFI

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