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Les raisins de l’humiliation : Une moto remplace une plus ancienne

L’attitude de l’employé de rembourser le prix d’achat de la moto a semblé déplaisante et humiliante, de même que 25.000 FCFA proposés en sus. Sidéré, le chef de chantier a fait le geste inattendu.

Alou n’a jamais révélé à son patron la nature de ses véritables intentions. Il a fallu une opportunité salivante pour que ses absences se prolongeassent. Ladji a eu une grosse commande de cuves, sachant la force de travail de ce constructeur métallique, il a sollicité ses services. Alou a jugé ce contrat quoique éphémère comme une planche de salut. Mais ne trouvant point élégant de papillonner de l’atelier où il a entamé la carrosserie d’un gros porteur et le chantier de dépôt de carburant où une batterie de cuves est en cours de fabrication. La grande difficulté pour lui a été de faire comprendre à son patron sa nouvelle situation, mais il était plutôt enclin à se demander comment un technicien de son envergure avait pu se rabaisser au point de se contenter de maigre salaire. Son patron Adama, qu’il a estimé manquer de cœur, a connu toutes les roueries du métier de soudeur.

On a pu se demander comment Alou s’est laissé prendre aussi facilement au piège. Derrière les mensonges répétés au téléphone on a pu déduire son obstination à ne pas prendre pied à l’atelier et à garder la moto Djakarta achetée à sa demande dans le dessein de dénicher de mirobolants contrats de prestations de service afin de booster le chiffre d’affaires de l’entreprise. Des semaines durant, ses conversations téléphoniques n’ont été que mensonges du début à la fin. Alou a menti quand d’une voix cassante il a laissé entendre qu’il est au chevet de sa mère hospitalisée au CHU Gabriel Touré. Adama s’y est rendu accompagné d’une mauvaise langue. Il a été à nouveau trompé odieusement, lorsqu’ arrivé à l’hôpital il a joint par téléphone Alou qui lui a signifié que suite à une panne de moteur survenue en partance vers Yirimadio, la moto est en réparation à la gare routière de Sogoniko. Une fois encore, Adama a constaté qu’il est abonné absent.

La voix de son accompagnateur n’a pas manqué de conviction. Parmi les nouvelles relations d’Adama, il en est une qu’il a cultivée pour les renseignements qu’il a pu obtenir. Depuis au moins une dizaine de jours, Djolokoro s’est mis à exploiter les confidences faites par Alou. De la voix compatissante qu’il a adoptée et qui siérait en la circonstance, Djolokoro s’est plaint que le patron n’a pas dû s’apercevoir de la supercherie. « Que je tombe raide mort si je vous dis autre chose que la vérité pure » a-t-il lâché.

« Petit soudeur de vélo »

Il faut bien l’avouer, celui-ci a pensé plus à une récompense pour service rendu qu’aux liens d’amitié avec Alou. Soudain, avec un manque d’à-propos, il a pointé un doigt vers celui qui a fait l’objet de cette longue et ennuyeuse course. Alou qui fumait sans discontinuer sous les yeux admiratifs de ses collègues qui l’ont gratifié du sobriquet « gros âne », en faisant allusion à son entêtement au travail.

Adama a été le premier à enfoncer le clou, s’est plaint d’être mal récompensé de tous ses efforts accomplis depuis longtemps pour l’arracher à la médiocrité de sa misérable existence de « petit soudeur de vélo » cassé. Une ruée indescriptible de gens évoluant sur le chantier et des vendeuses de friandises a pris d’assaut l’aire de production des cuves. La horde de curieux s’est délectée des échanges durs, discourtois, finalement écourtés suite à une intervention du chef de chantier. Adama a dit avec ostentation, à haute voix, comme s’il a désiré que tout le monde l’entendît qu’il ne repartirait pas sans sa moto. Alou, piqué au vif, a extrait de sa poche une somme de 125.000 F CFA- représentant le prix d’achat de la moto – qu’il lui a tendue. Cette attitude a semblé déplaisante et humiliante à Adama. La moto ne valait plus son prix d’achat, trois mois après. Adama a craché ensuite sur le montant de 25.000 F CFA que le chef de chantier a voulu verser en sus. Pour avoir des paroles aussi cinglantes, il a fallu qu’il ait méprisé beaucoup son employé. Sidéré, le chef de chantier a finalement déboursé50.000 F CFA remis à Alou en complément de ses 125.000 F CFA et lui a donné deux heures de permission, un temps qu’il a estimé suffisant pour l’achat d’une moto.

Adama, tête baissée, aidé de son accompagnateur, a rangé la moto dans le coffre de sa voiture garée juste à côté et est reparti en trombe.

Le lendemain, au guidon de sa nouvelle moto, les yeux d’Alou ont lancé des éclairs de gaité, de fierté à son désormais ex-patron dont le ton passionné de la veille est remplacé par des excuses et une invitation pressante à reprendre le travail repoussée par Alou.

Georges François Traoré

    Source: Journal L’Informateur- Mali

 

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