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LES POPULATIONS DU CENTRE PRIVÉES DE CHAMPS : Aussi pire que le Supplice de Tantale

En même temps qu’ils sont victimes des pires exactions, massacres, exécutions sommaires etc. ; les populations du Centre se voient aussi empêchées d’accéder à leurs champs. Une situation qui, selon les témoignages, « n’est pas nouvelle » mais prend une tournure systématique car les jihadistes en ont fait une autre arme de guerre.

Elle a beau n’être que le fruit de l’imaginaire, l’écho des rêves les plus débridés et le produit des fantasmes les plus insensés, la Mythologie, chaque fois qu’elle déploie ses grandes ailes de la fiction, nous décrit parfois des épisodes qui, même puisés au plus profond de l’univers de la fantasmagorie, présentent des ressemblances troublantes avec ce que nous vivons actuellement au Mali. Notamment au Centre de notre pays. Plus précisément dans ce que nous avons pris l’habitude (nous tous Maliens) d’appeler si poétiquement et si fièrement le Pays dogon : régions de Bandiagara, Bankass, Koro etc.

Hélas ! par le plus cruel des hasards et le plus dramatique des coïncidences, il se trouve que la Mythologie Grecque raconte une mésaventure qui a eu le malheur de traverser les siècles pour se répéter sous nos cieux maliens, là, maintenant, tout de suite… telle la continuation sans fin du calvaire humain. Voyons la mésaventure. Elle est celle de Tantale, fils de Zeus, qui s’est vu condamner au plus terrible des supplices : souffrir ad vitam æternam de faim et de soif, mais surtout, assister au spectacle déchirant des fruits et sources d’eau qui disparaissaient dès qu’il s’en approchait. Quelle cruauté suprême ! Quel acharnement abominable dans l’art de donner la souffrance !

Le supplice de Tantale, si tragiquement coloré par les récits mythologiques grecs, serait demeuré, pour nous Maliens, une amusante anecdote enrichie par l’imagination des anciens Grecs. Or, nous réalisons, pour notre plus grande douleur, que des dizaines de milliers (peut-être des centaines de milliers) de nos compatriotes du Centre vivent eux aussi le même supplice insoutenable que Tantale. A Bandiagara et ses environs, à Bankass et ses alentours, à Douentza et ses villages connexes etc., etc. ; les exactions et les restrictions imposées par les jihadistes empêchent les populations de se rendre à leurs champs alors même que nous sommes au plus fort de la saison des pluies.

Peut-on imaginer plus épouvantable torture que celle du paysan contraint de renoncer à la semence en plein hivernage ? Peut-on décrire plus extrême dévastation morale et physique que celle du cultivateur condamné à observer de loin ses terres de culture sans pouvoir s’y approcher ? Existe-t-il plus insupportable martyre que celui d’hommes et de femmes à qui on refuse le droit de labourer leurs espaces arables ?

C’est pourtant le tragique spectacle que vit les Maliens du Centre à cause de la pression et de la mainmise des groupes extrémistes sur des dizaines de localités (grandes, moyennes et petites). Et par la volonté insensée des terroristes de fermer hermétiquement l’accès aux surfaces cultivables des populations. « Il est extrêmement dangereux, pour ne pas dire suicidaire, de prendre la route allant à nos champs situés à plus de 6 ou 8 km de Bandiagara. La menace terroriste est omniprésente. Les jihadistes se font un plaisir de kidnapper quiconque ose tenter l’aventure. Or, se faire prendre par ces hordes, c’est aller le plus souvent à une mort certaine », ont témoigné plusieurs ressortissants du Centre. « C’est un déchirement absolu de voir que nous ne pouvons guère accéder à nos champs, sachant que la pluie, elle, nous gratifie d’une abondance que tout cultivateur souhaite. C’est une manœuvre pensée par les jihadistes pour nous affamer et nous tuer lentement », disent d’autres habitants desdits lieux, la mort dans l’âme.

Une stratégie de la mort lente que les terroristes ajoutent aux assassinats barbares qu’ils commettent chaque minute de chaque heure. Un supplice chinois dont se sert les jihadistes comme arme pour briser le moral et le corps des populations victimes du pire des sorts. Un Supplice de Tantale contre lequel nous, auteur de l’article, n’avons malheureusement que notre plume comme arme.

MOHAMED MEBA TEMBELY    

Source: Les Échos- Mali

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