(AFP) – Les négociations entre les autorités maliennes et les groupes armés touareg occupant la ville de Kidal (nord-est), qui devaient s’ouvrir vendredi à Ouagadougou, ont été reportées à samedi en raison d’une exigence de dernière minute de Bamako.
Ce coup de théâtre illustre la tension observée ces derniers jours, après de violents combats sur la route de Kidal.
Prévue vendredi après-midi sous l’égide du président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur pour l’Afrique de l’Ouest dans la crise malienne, l’ouverture des discussions a été reportée à samedi, a déclaré à l’AFP une source proche de la médiation.
M. Compaoré reçoit à 10H00 (locales et GMT) des représentants de la communauté internationale (ONU, Union africaine, France, Suisse, etc.) qui assistent la médiation puis « à 11H00 il ouvre les négociations avec les parties maliennes », a-t-elle précisé.
La délégation commune du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), les mouvements touareg, avait pris place dans la grande salle du palais présidentiel censée abriter les discussions, de même que de nombreux diplomates.
Mais la cérémonie d’ouverture a été ajournée: arrivé très en retard à Ouagadougou, l’ancien ministre Tiébilé Dramé, émissaire de Bamako pour le nord du Mali, a aussitôt demandé à être reçu par le médiateur.
Selon des sources concordantes, il a demandé à M. Compaoré que prennent part aux négociations le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) et la milice d’autodéfense Ganda Koy. Des membres de cette milice loyaliste l’ont accompagné au Burkina.
Le chef de l’Etat burkinabè a refusé leur participation aux discussions au titre de « groupes armés du Nord » – ce qui aurait été un casus belli pour les mouvements touareg – mais il recevra le MAA et Ganda Koy, a indiqué une source diplomatique.
Pour la médiation et la communauté internationale, l’enjeu est de trouver un accord pour permettre la tenue à Kidal, occupée par les groupes touareg, de l’élection présidentielle prévue dans tout le Mali le 28 juillet, une élection réclamée avec insistance par les partenaires du Mali, France en tête.
Avant cette confusion qui a duré vendredi plusieurs heures, Bert Koenders, chef de la Minusma, la force de l’ONU qui doit prendre à partir de juillet le relais de la mission panafricaine déployée au Mali (Misma), avait exprimé son « grand espoir » que les négociations aboutiraient à « des résultats positifs ».
Le MNLA et les autres groupements touareg ont refusé jusqu’à présent à l’armée et à l’administration maliennes d’entrer dans Kidal, exigeant la sécurisation du scrutin par la Minusma.
Les mouvements touareg armés occupent cette ville, berceau de cette minorité ethnique, depuis fin janvier, après qu’une intervention militaire française a mis en fuite les groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda qui occupaient tout le Nord malien depuis 2012. Environ 200 soldats français sont stationnés à l’aéroport de la ville.
Exactions
Alghabass Ag Intalla, leader de la délégation Ansar Dine, le 7 juin 2013 à Ouagadougou
Les groupes touareg, qui furent un temps alliés aux jihadistes, ont opposé une fin de non-recevoir à la France en faisant savoir qu’ils ne déposeraient pas les armes « avant le règlement définitif du statut de l’Azawad », nom donné par ces autonomistes à la région septentrionale du Mali.
L’armée malienne a fait monter la tension cette semaine en repartant en direction de Kidal et en délogeant mercredi, après de violents affrontements, le MNLA de la localité d’Anefis, à une centaine de kilomètres au sud.
Des arrestations et expulsions de Kidal de membres des communautés noires par le MNLA, qualifiées « d’épuration raciale » par le régime de Bamako, ont précipité la décision de l’armée de reprendre l’offensive.
Cependant, malgré des déclarations guerrières, elle s’est gardée de continuer sur Kidal: sous la pression de ses alliés extérieurs, le pouvoir malien a laissé sa chance au dialogue.
Il faut un « délai » avant le retour de l’armée à Kidal pour ne pas compromettre une solution « très près » d’être trouvée, a estimé le président sénégalais Macky Sall dans un entretien publié sur le site internet du Figaro.
Si un accord intérimaire est trouvé sur Kidal, il restera ensuite à résoudre le problème de fond des relations entre l’Etat malien et sa région nord, irrédentiste depuis des décennies.
Une fois des autorités légitimes installées à l’issue de la présidentielle, devra se renouer un dialogue entre Bamako, qui ne veut pas entendre parler d’autonomie mais de décentralisation, et les mouvements touareg emmenés par le MNLA, qui estime avoir fait beaucoup en renonçant à sa revendication d’indépendance.