Convaincus de l’incurie de nos autorités, face aux problèmes brûlants de l’heure, les Maliens se mobilisent. Leaders religieux, partis politiques, associations de jeunes et de femmes, commerçants, société civile, syndicats…sont, partout, sur le pied de guerre.
A l’origine de cette levée de boucliers générale et généralisée, d’abord le projet de redécoupage territorial qui a fuité sur les réseaux sociaux ; mais aussi, dans la presse. Il fait la part belle aux rebelles touareg, en transformant la minorité démographique en majorité démocratique.
Les réactions des populations ne se sont pas fait attendre. Marches de protestations, conférences de presse, lettres ouvertes au président de la République…
Du Nord au Sud, d’Est en Ouest, la colère le dispute à l’indignation. Convaincues que les autorités actuelles œuvrent pour la partition du pays, les populations menacent de s’y opposer, au péril de leur vie.
Et les explications du porte-parole du gouvernement, lors de son traditionnel point de presse, n’ont guère convaincu. Bien au contraire. Elles ont conforté les populations dans leur conviction, selon laquelle le gouvernement concède tout aux rebelles touareg. Et rien à ceux qui refusent de prendre les armes.
Cette politique de deux poids, deux mesures est jugée « inacceptable » par nos populations. Qui n’entendent plus « laisser faire » les autorités maliennes à la solde de puissances extérieures.
Ensuite, viennent les revendications des syndicats pour de meilleures conditions de vie des travailleurs. Du coup, les grèves se succèdent. Certaines, à l’instar de celle des magistrats, se poursuit depuis, bientôt, trois mois. Motif : la sécurisation des juridictions et la revalorisation de leur indice salarial.
Recevant les élèves du public, les écoles privées sont fermées. Du moins, jusqu’à ce que l’Etat leur paie leur dû : 11,5 milliards CFA.
Le Groupement des Professionnels du gaz domestique, eux aussi, ne décolèrent pas. Ils ont mis fin à la distribution du gaz butane sur le marché. Du moins, jusqu’à ce que leurs arriérés leur soient versées. Elles sont estimées à 3,5 milliards CFA.
Selon nos informations, 17 préavis de grève ont été déposés sur la table du ministre de la Fonction Publique et des Relations avec les Institutions.
Seule réponse du Premier ministre à ces revendications corporatistes : « Il n’y a pas d’argent dans les caisses de l’Etat ».
Mais ni le chef de l’Etat, ni son Premier ministre, encore moins le ministre de l’Economie et des Finances n’ont daigné expliquer à l’opinion publique pourquoi « Il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’Etat ».
Enfin, dernière raison de la grogne sociale : la crise politique. Au lendemain de la confirmation de la victoire d’IBK, par la Cour constitutionnelle, les partis politiques de l’opposition rejettent, en bloc, les résultats de l’élection présidentielle du 29 juillet dernier. Mieux, ils refusent de « reconnaître IBK comme président élu ». Car, arguent-ils, il a été élu sur « la base de la fraude et du bourrage des urnes ».
Deux nouveaux Fronts politiques viennent d’être mis sur les fonts baptismaux. Baptisé « Front pour la Sauvegarde de la Démocratie », le premier, avec à sa tête, Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition, entend « combattre le mépris arrogant affiché par une oligarchie prédatrice, face aux revendications légitimes des travailleurs de toutes catégories, rétablir la vérité des urnes, restaurer la confiance en nos institutions » ; tandis que le second, appelé « Convergence des Forces patriotiques » est piloté par Housseïni Amion Guindo, ex-ministres des Sports et de l’Education Nationale d’IBK, et non moins président du parti CODEM. Son objectif : « Ramener les maliens aux vrais problèmes de ce pays et toucher du doigt l’incapacité du régime IBK à gouverner ».
Et comme si tout cela ne suffisait pas, dimanche dernier, commerçants, magistrats, leaders politiques et religieux, société civile… se sont retrouvés au Palais de la Culture de Bamako.
Il s’agissait pour eux, désormais, de conjuguer leurs efforts, en vue de sortir le Mali de cette situation. Qui n’a que trop duré.
Bref, le Mali est à un tournant de son histoire. Un tournant, jugé « décisif » par les analystes politiques.
Oumar Babi
Le Canard Déchaîné