Dans Appels sur l’actualité, Mounchili, un auditeur de Yaoundé, revient sur l’investiture de Rajaonarimampianina. Après une longue transition, le premier chef de l’Etat démocratiquement élu depuis le coup de force de 2009, a obtenu 53,5 % des voix. Ancien ministre des Finances du régime d’Andry Rajoelina, il a été soutenu par ce dernier et même vu comme son héritier. Mais après avoir prêté serment le 25 janvier au stade d’Antananarivo, il se pose en homme de rupture avec le passé. Il a du pain sur la planche.
De notre correspondante à Madagascar,
Mounchili : Quels sont les grands chantiers politiques du nouveau président ?
Les chantiers sont nombreux. On peut dire que tout est à faire ! Le pays était déjà dans une situation fragile avant 2009… Mais les cinq années de la Transition ont considérablement aggravé la situation, sous tous les aspects, que ce soit politiques économiques ou sociaux… Il va falloir remettre sur pied les services de base : la santé, l’éducation, etc. Pour donner quelques chiffres : plus d’un million d’enfants sont exclus du système scolaire, la majorité pour des raisons économiques. La moitié des enfants de moins de cinq ans souffre de malnutrition chronique. Une cinquantaine de centres de santé publique sont toujours fermés faute de personnel ou d’infrastructures. Il va aussi falloir rétablir un climat propice au retour des investisseurs pour créer de l’emploi. La croissance était en moyenne de 5 % par an avant la crise… Et elle a été quasiment nulle pendant la période de transition. Pour relever tous ces défis, le pays aura besoin de stabilité politique. Et aussi de l’aide de la Communauté internationale… Ce sera d’ailleurs l’un des grands chantiers du nouveau président : renouer avec les bailleurs de fonds. L’aide internationale représentait 50 % du budget de l’Etat avant 2009.
Mounchili : Quelle peut être l’influence de l’ancien président de la Transition, Andry Rajoelina, sur la politique de Hery Rajaonarimampianina?
La question de l’influence d’Andry Rajoelina renvoie à une autre question que tout le monde se pose en ce moment : Andry Rajoelina sera-t-il nommé Premier ministre ? On lui prête en effet le projet de rester au pouvoir et de faire comme le président russe Poutine et son second Medvedev, de quitter le poste de président pour être Premier ministre et de briguer la présidence en 2018. Il n’a jamais rejeté ce plan. Et il pourrait avoir les moyens de le mettre en œuvre… Il a remporté un tiers des sièges aux législatives, et c’est au groupe parlementaire majoritaire de désigner le nom du Premier ministre. Cette configuration limiterait la marge de manœuvre de Hery Rajaonarimampianina… Le nouveau président le sait, et dans son discours d’investiture, il a pris ses distances à mi-mots avec son mentor : il ne s’est pas du tout posé en héritier des événements de 2009 menés par Rajoelina. Il a insisté au contraire sur sa volonté de rupture avec le passé, et il a prôné l’ouverture. Il a tendu la main à l’opposition. On sait aussi qu’en coulisses, la Communauté internationale est réticente à voir Andry Rajoelina au poste de Premier ministre et que des tractations sont en cours pour le convaincre de renoncer à ce projet. Reste que, même si Andry Rajoelina n’est pas Premier ministre, il gardera une influence sur l’Assemblée nationale avec sa cinquantaine de députés – sur 151 au total. Le nouveau président Rajaonarimampianina, qui n’a aucun député, devra composer avec cette force.
rfi