Depuis la fin du mois d’août, les partis politiques maliens réorientent leurs actions vers les élections présidentielles de l’année prochaine. Dans ce travail de positionnement, les deux principales formations de l’opposition, l’ADP-Maliba (9 députés) et l’URD (14 Députés), sont dans des stratégies différentes mais avec le même objectif : faire basculer le pouvoir du côté de l’opposition lors des présidentielles de 2018. Regards croisés sur l’offensive pour le pouvoir de ces deux formations politiques maliennes.
Depuis quelques semaines, l’ADP-Maliba est engagée dans une vaste action de communication portée par le Secrétaire Politique dudit parti, Cheick Oumar Diallo. A travers plusieurs sorties médiatiques, le parti de l’homme d’affaires malien Aliou Boubacar Diallo, géant des mines et milliardaire, pose les bases de son agenda pour les onze prochains mois : assurer le suivi du processus électoral et baliser le terrain pour une candidature issue de ses rangs. Interrogé par nos confrères d’Africable Télévision, Cheick Oumar Diallo donne plus de précision. L’ADP-Maliba estime que l’alternance politique est devenue une nécessité qui s’explique par l’échec de la Majorité actuelle à répondre aux attentes des maliens. « Nos populations sont plus que jamais déterminées à obtenir un changement mais cela doit nécessairement passer par la création des conditions d’une élection transparente, crédible et libre sur tout le territoire », affirme-t-il.
Dans la logique du parti ADP-Maliba, il faut faire en sorte que le plus grand nombre de jeunes maliens, naturellement favorables à une rupture et au changement, soient inscrits sur les listes électorales. Pas faux si l’on sait que près d’un million de jeunes supplémentaires ont atteint l’âge de voter depuis la présidentielle de 2013. A l’issue du processus d’inscription sur les listes, l’ADP-Maliba demandera un audit du fichier électoral malien. « L’opposition malienne, qui n’est pas au pouvoir, a le droit d’avoir une vue d’ensemble du fichier électoral pour en connaitre la réalité et la sincérité. Nous sommes, d’ailleurs, prêts à chercher les financements pour mener cet audit indépendant », précise Cheick Oumar Diallo.
Du côté de l’URD, le débat n’est pas encore totalement ouvert et les interventions des responsables de ce parti restent timides. Avec son statut de Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, député de Niafunké (Nord du Mali) sort rarement de son silence depuis la fin de la période de contestation de la révision constitutionnelle. C’est surtout le Président des Jeunes du Parti, Abdrahamane Diarra qui tente, par des tribunes, de donner de la voix à l’URD. « Nous devons tous œuvrer à l’organisation d’une élection présidentielle crédible, transparente et apaisée », affirme-t-il sur les réseaux sociaux. Ce parti croit en ses chances et se base sur le résultat de la dernière élection présidentielle qui plaçait Soumaïla Cissé en position de challenger direct du Président Ibrahim Boubacar Keita.
Mais l’URD se garde bien d’avancer la carte de sa candidature pour ne pas heurter le fragile équilibre du Cabinet de l’opposition. « Avant de nous diviser sur la question du successeur d’Ibk, unissons-nous sur l’impératif qu’il y a à assurer l’alternance pour la survie du Mali », précise Abdrahamane Diarra. Des mots qui ne semblent pas être prononcés au hasard. En effet, depuis la création du Cabinet de l’opposition, les tensions se sont multipliées entre certains alliés de l’opposition. Certains ne digèrent toujours pas l’attitude du « Chef de file ». « Il a la mauvaise habitude de croire qu’il est le leader naturel de toute l’opposition, or c’est loin d’être le cas », peste un responsable du parti FARE de l’ancien Premier Ministre Modibo Sidibé.
A cela il faut ajouter beaucoup de nouveaux facteurs qui sont entrés en ligne de compte. Tout le monde a pu constater comment celui qui se positionne comme chef de l’opposition a été relégué au second plan au sein de la plateforme opposée à la révision constitutionnelle (« Antè A Bana »). Les photos et les vidéos plaçant Soumaïla Cissé au centre des images ne changent pas l’image rétrograde que véhicule ce cacique de la scène politique dans l’imaginaire malien. C’est certainement ce qui le pousse à garder ses distances avec les médias. Trop d’exposition risque de lui nuire mais le silence peut aussi détruire son image. Au sein de la Plateforme « Antè A Bana », à la place Soumaïla Cissé, les jeunes ont d’ailleurs préféré le Président de l’ADP-Maliba, le Député Amadou Thiam. Un choix qui, selon les confidences, n’a pas plu au député de Niafunké. « Il a pensé qu’il était le leader naturel de ce mouvement mais les jeunes ont vite fait de le recadrer dès le départ », explique un responsable politique membre de « Antè A Bana ».
Pour ne pas perdre en visibilité, Soumaïla Cissé a dû se résoudre à mettre en mission l’avocat Demba Traoré et le Président des Jeunes, Abdrahamane Diarra, avec un certain succès. Mais en définitive, la contestation du projet de révision du Président malien a surtout donné une belle exposition médiatique et politique à l’ADP-Maliba. Le Député Amadou Thiam et son Secrétaire Politique Cheick Oumar Diallo ont très largement occupé le devant de la scène. Et c’est bien ce qui risque de rebattre les cartes de la présidentielle de 2018. Si l’on s’en tient à l’architecture globale de la scène politique malienne, le seul véritable challenger de l’URD et du Président IBK reste l’ADP-Maliba.
En effet, ce parti commence à plaire à l’une des franges les plus importantes de la population malienne : la jeunesse. Et pour cause. Lors de la contestation du projet de révision constitutionnelle, c’est le jeune Amadou Thiam qui a piloté la Plateforme « Antè A Bana » dans les moments les plus décisifs de la lutte : l’ultimatum et la marche du 15 Juillet 2017. Mais d’autres faits ont retenu l’attention des malien. Lors des dernières législative, l’ADP-Maliba a réussi le pari de faire élire les deux plus jeunes députés de l’Histoire du pays. Des cartes qui séduisent les maliens.
Résultat : la masse afflue pour intégrer ce parti. « Beaucoup de sang neuf est en train rejoindre le parti », explique l’un de ses membres influents. A la question du candidat de l’ADP-Maliba pour 2018, tous les responsables du parti prononcent unanimement le même nom : Aliou Boubacar Diallo. « Il peut valablement incarner le changement car il n’a jamais été trempé dans la politique politicienne », renchérit Awa Traoré, militante du parti. L’homme d’affaires est d’ailleurs le Président d’honneur du Parti.
En plus de cette affinité naturelle, depuis près d’un an, Aliou Boubacar Diallo assume des positions courageuses, notamment sur la question de la révision de la Constitution. « Ce qui nous a le plus marqué c’est qu’en 2015, il nous a cédé la Présidence du Parti : c’est du jamais vu », exulte d’ailleurs un membre du Bureau des Jeunes. Une manière pour « ABDOR » de responsabiliser la jeunesse de son pays ? « Aliou a cédé la Présidence pour que le parti affirme une identité jeune et surtout pour éviter que l’ADP-Maliba ne tombe dans le culte de sa personne », confirme un membre de sa famille. Il faut rappeler que la plupart des partis maliens sont dirigés par les mêmes responsables politiques depuis près de vingt ans. Faire ce choix de l’alternance à l’interne était donc une forme de signal envoyé aux jeunes.
Homme d’affaires malien évoluant dans plusieurs secteurs de l’économie, Aliou Boubacar Diallo est surtout connu pour être le premier malien à détenir une mine d’or industrielle au Mali. Depuis près d’un an, sans donner de détails précis sur ses ambitions politiques, l’homme a créé une équipe spéciale chargée de gérer sa communication et ses relations publiques. Il est de plus en plus présent sur les réseaux sociaux et sur le terrain de l’action humanitaire à travers la Fondation qu’il a lancée, « Maliba ». Avec cette structure caritative, sur la seule année 2017, il a initié une vingtaine de projets d’appui à la jeunesse et aux femmes. Le dernier en date est un partenariat avec la Jeune Chambre Internationale, une organisation de jeunes cadres maliens bien implantée sur le territoire.
Pour beaucoup de maliens, Aliou Boubacar Diallo incarne le renouveau que les maliens attendent. « C’est le futur Patrice Talon du Mali », se réjouit un autre militant au quartier du fleuve, siège de l’ADP-Maliba. Relativement jeune (58 ans), « ABDOR » n’a jamais occupé de position politique, jamais obtenu de marché d’état et surtout, il a créé plusieurs milliers d’emplois. Des atouts majeurs dans un pays où l’électorat est déçu des politiques. Economiste de formation, il dispose d’une fortune colossale estimée par certains médias étrangers à près de 200 millions d’euros (140 milliards de FCFA). De quoi largement financer une campagne électorale. Au siège de l’ADP-Maliba, on est catégorique : « Si jamais il se décide et nous ferons tout pour cela, nous serons très heureux de soutenir sa candidature », affirme un vice-président du parti.
Le Scénario de 2018 se dessine donc progressivement avec comme principaux acteurs le Président IBK, l’URD de Soumaila Cissé et l’ADP-Maliba d’Aliou Boubacar Diallo. Considérant tous que des alliances seront indispensables, plusieurs projets de coalitions élargies sont également en négociations discrètes par des émissaires de chacun des partis concernés.
Pour Sahel Emergent
Jean Paul Castolin