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Les accords d’Alger violent la constitution

Paraphé le 1er mars à Alger et signé à Bamako en 2015, l’Accord de paix  et intervenu entre le Gouvernement et les groupes armés maliens connaît, de nos jours, d’importantes difficultés dans son application. En effet, sa mise en œuvre est entravée par des considérations juridiques et politiques redoutables. Les dispositions législatives  prises dans le cadre de son application ne sont pas acceptées par l’opposition politique. Laquelle, pour inconstitutionnalité, les a attaquées devant la Cour constitutionnelle. Il y a impasse dans le processus de paix et de réconciliation issu d´Alger. Et devant cette impasse, rappelons-le, seul le Droit est capable de restaurer la paix.

carte mali azawad

La problématique dans l’affaire

Il s’agit de savoir si le Gouvernement du Mali, détenteur de l’initiative des lois (au même titre que les députés d´ailleurs!), peut régulièrement utiliser cette compétence pour modifier la forme constitutionnelle de l’Etat. Le contentieux constitutionnel est gros et existe du fait de la volonté  gouvernementale d’instituer les autorités intérimaires dans les régions du nord-Mali. Cette institution transformera la gestion politique et administrative du pays et concerne, dès lors, tous les citoyens maliens. Car  c’est bien la forme de l’Etat unitaire décentralisé du Mali qui est visée dans cette réforme. Or, en droit, cette perspective politique est du seul ressort du peuple souverain. Réalité juridique évidente dont l’ignorance délibérée par le Gouvernement constitue l´objet de la présente mise au point.

Le recours de l’opposition est fondé

Le droit de participer à la gestion de l’Etat est un droit constitutionnel pour tous les nationaux. Ce droit donne habileté à tous les Maliens de contrôler l’action du Gouvernement. Du moins, à tous les Maliens jouissant de leurs doits civiques et politiques.

Au regard des faits et à la lumière du droit, il ressort que l’action de l’Opposition est bien fondée. De même que  la cause querellée est justifiée. En effet, « la Cour constitutionnelle est juge de la constitutionnalité des lois » (art 85 de la Const de 1992). Dès lors, tous les recours relatifs à la constitutionnalité des lois sont adressés à la seule Cour constitutionnelle. Aux termes de la loi Organique régissant la Cour, le présent contentieux relève de la seule compétence de la Cour saisie par l’opposition. En conséquence, l’action en cause est bien fondée et légitime. L’opposition malienne représentant bien une partie du peuple malien, son recours est recevable en la forme. Dans le fond, les dispositions constitutionnelles visées dans le règlement de ce contentieux sont nombreuses. Enumérons celles  qui sont sans équivoque. Il s´agit de l´article 25 de la Constitution qui stipule: « Le Mali est une République Indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque et sociale » ainsi que du préambule de la même  constitution disposant que le peuple souverain du Mali  réaffirme « sa détermination à maintenir et à consolider l’unité nationale ». Evoquons aussi  la devise du pays: « Un Peuple-Un But-Une Foi » que consacre notre Constitution, loi suprême du pays! Au regard des dispositions constitutionnelles citées ci-dessus, la loi ne peut être régulière en concevant des mesures s’opposant à celles qui sont consacrées dans la Constitution et relatives à  l’Unité nationale. Puisque l’institution d’autorités intérimaires annonce l’érection d’un Etat fédéral au Mali. Le Gouvernement ne peut prendre une telle décision sans l’avis préalable du peuple  par voie référendaire. À ce sujet, la Constitution dispose que « nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement du peuple ». On imagine donc mal comment l´opposition peut être déboutée de ses prétentions au fond. Quant à la pertinence de la cause défendue, l’Opposition trahirait la confiance du peuple si elle s’abstenait de saisir la Cour constitutionnelle à propos d´une telle initiative gouvernementale. D´ailleurs, l’intégrité territoriale, la forme républicaine, démocratique et laïque de l’Etat sont déclarées intangibles dans tous les documents relatifs au processus de Paix et de Réconciliation au Mali. Même le Conseil de sécurité de l’ONU s´inscrit dans cette logique. Ã ce propos, rappelons la 7210ème séance du Conseil de sécurité qui  réaffirme son attachement à l’intégrité territoriale du Mali et à la forme républicaine de l’Etat.Dans le même ordre d´idées, rappelons les  résolutions 2100 (2013) et les déclarations du Président de la séance du Conseil de sécurité en date du 23 janvier 2014 (S/PRST / 2014), sans oublier celles de sa séance du 12 décembre 2013 (S/PRST/2013/20). Et les 23 avril et 20 mai 2014, le Conseil de sécurité réaffirme son attachement à la Souveraineté, à l’Unité et à l’Intégrité territoriale du Mali. Alors, comment comprendre le détournement gouvernemental de cet objectif constitutionnel majeur ?

Manquements à la Constitution

Les manquements à la loi fondamentale dans cette réforme législative justifient  l’action de l’Opposition devant la Cour constitutionnelle. C´est à la Cour que revient la mission de dire le droit en n´ayant à l’esprit que l´intérêt du Mali. Au cas où les Accords devaient être pris pour des accords internationaux, il appartient également à la  Cour constitutionnelle de vérifier s’ils ne comportent pas une clause contraire à la Constitution  (article 90 de la Constitution). Or, ces accords relèvent plutôt du droit interne. Sinon, en vertu des articles 90 et 115 de notre Constitution, la Cour constitutionnelle aurait dû être saisie bien avant la ratification parlementaire, donc avant la modification législative, objet du contentieux en cours!  C´est là des procédures constitutionnelles impératives que le Gouvernement  a  occultées, démontrant ainsi  sa volonté de s’extirper des injonctions constitutionnelles dans le règlement du conflit. Puisqu´il  n’ignorait pas l’existence de nombreuses contrariétés entre l´Accord de Paix et de Réconciliation au Mali issu du Processus d´Alger et la  Constitution du Mali. Telle qu’envisagée, la solution adoptée par le Gouvernement assure la victoire de la minorité nationale armée sur la majorité pacifique du peuple. En outre, les violations constitutionnelles observées assurent l’éviction du peuple malien du processus de paix et de réconciliation. Inutile d´ajouter que la démarche gouvernementale est inefficiente tant à court qu’à long termes. Aussi, cette démarche de la majorité politique au pouvoir conduit à s’interroger, avec  l’´éminent constitutionnaliste, le Professeur Francis DELPEREE:  « Est-ce à dire que les constitutions ne pourraient pas, en plus de leurs fonctions traditionnelles, fournir une assise et une explication à l’Etat; ou remplir une fonction emblématique? » (Cf le Professeur Francis DELPEREE, Droit constitutionnel: les données constitutionnelles, Maison. F. LARCIER.sa, Bruxelles, tome I, 1987, P.31).

Le Gouvernement a-t-il souvenance que la loi fondamentale est la seule à pouvoir restaurer la paix?  L´institution républicaine sait-elle encore que tout manquement à la loi fondamentale provoquerait le désordre dans le pays? Le Gouvernement commet bien d´erreurs d’appréciation en la matière ! Et le peuple n´a que la Cour constitutionnelle pour les rectifier.  Cela, en vue d´assurer aux Maliens une paix raisonnable et durable! Dans tous les cas, la Cour constitutionnelle sait bien que son prochain Arrêt au sujet de cette affaire pendante est fort attendu. L´institution si  essentielle à la démocratie va-t-elle rendre justice au peuple malien? Ou va-t-elle prendre un Arrêt qui fera fâcheuse jurisprudence? Le peuple, en particulier, les universitaires attendent ! Que Dieu bénisse le Mali et les maliens! Amen!

Me Alfousseyni KANTE Huissier de justice, Conseiller municipal, Militant du parti  FARE (section IV)

 

Source: proces-verbal

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