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Léon Niangaly : « Il faut certes être un poète engagé, mais il faudrait que ce que vous donnez aux lecteurs soit lisible »

Dans sa tradition de vous faire découvrir un auteur malien chaque semaine, votre  quotidien Le Pays est allé à la rencontre de Léon Niangaly, écrivain et poète, auteur de plusieurs œuvres littéraires dont le dernier est un recueil de poèmes intitulé ‘’Chant pour chant’’. Réédité chez Innov Editions, ce recueil de poèmes  de par la richesse de ses vers affiche toutes les  dimensions de la littérature  malienne. Lisez l’entretien que l’auteur nous a accordé !

Le Pays : qui est Léon Niangaly ?

Léon Niangaly : Léon Niangaly est mon nom de plume sinon je m’appelle en réalité Doumnoukéné Niangaly. Je suis natif de Koro. J’ai plus de 65 ans et j’ai fait mes études au niveau de ma ville natale à Koro ensuite les lycées de Badalabougou et de Markala pour finir avec les sciences juridiques à l’école nationale d’administration de Bamako. Je suis sorti magistrat. J’ai exercé différentes fonctions dans le corps de la magistrature. J’ai été juge, procureur, procureur général, conseiller à la cour, avocat général  et ma dernière fonction,  a été  avocat général à la Cour suprême du Mali.

Pourquoi le titre ‘’Chant pour chant’’ ?

Quand le livre a paru, des gens se sont  pressés de faire le rapprochement du titre avec l’adage « l’art pour l’art ».  Je ne me suis pas engagé dans cette voie de l’art pour l’art. En fait, il faudrait comprendre par Chant pour  chant, chant réplique de chant, c’est-à-dire, un qui chante et un autre qui répond et bien sûr en chanson. J’étais à l’époque tout enfant et sur la place publique de mon village, j’ai assisté à un concert qui avait été donné par un de nos grands frères. Ce dernier n’était pas très pourvu par la nature, puisqu’il était non seulement borgne, mais aussi parce qu’il avait aussi des blessures aux pieds. Donc c’est quelqu’un qui chantait et qui désapprouvait les filles de sa génération. Il disait : « Les filles de maintenant sont toutes vendues puisqu’elles préfèrent l’argent à l’homme, elles préfèrent l’or à l’homme. » Alors entre temps, il y a une grande sœur qui s’est jetée au milieu de la place pour répliquer à ces termes en disant : « Vous dites que nous sommes comme ceci, nous sommes des filles de ceci, nous sommes des filles de cela, mais ce qui est sûr et certain, c’est que comme femme, c’est nous que vous aurez. » C’est cette atmosphère de chant et de réplique de chanson qui m’est restée quand  quelques années plus tard j’ai eu à composer mes poèmes ; c’est vrai que cette histoire que je viens de raconter n’existe pas dans les livres, mais le titre même est tiré de là.

À travers ce  recueil de poèmes, nous comprenons que l’auteur  s’exprime de façon indépendante. En quoi vous faites fi des idées préconçues pour vous exprimer dans  ce livre ? Pourquoi cette volonté de transcendance  des idées reçues  ou préconçues ?

Cette remarque est celle de mon préfacier Titia Singaré. C’est vrai. Je ne me suis jamais posé la question si le poème que j’écris se situe ou non dans le cadre de la poésie engagée. Au point de vue formel, je me suis inspiré des chansons de variété de mon terroir, les strophes sont très souvent courtes et les mêmes sonorités reviennent très souvent au milieu des vers ou à leur fin sans que cela soit des rimes. J’ai souvent adopté pour le rythme et le souffle. Si au début de ma carrière j’ai imité des poètes, aucune imitation d’écrivain antérieur n’apparait dans ce livre.

Vous avez dédié un poème à Issa Ber, pouvons-nous  savoir ce qu’est Issa Ber ? Pourquoi un poème en son nom ?

Issa ber est le nom du fleuve Niger aux environs de la ville de Niafunké dans la région de Tombouctou. J’ai un moment traversé cette partie du fleuve lors d’un voyage par bateau qui m’a mené de Koulikoro à Tombouctou et j’ai été séduit par la beauté du paysage. Ce poème est presque une hymne au fleuve Djoliba.

Une question sur un aspect plus subjectif, pouvez-vous expliquer aux lecteurs  la raison qui vous a amené à rééditer cet ouvrage chez Innov Éditions ?

J’avoue que la première édition avait été faite au niveau de ‘’Djamana ‘’ il y a 25 ans de cela. On m’avait à l’époque proposé qu’une fois les exemplaires de la première impression écoulée, une seconde impression sera faite. Mais j’ai cru que cela n’était pas possible ou ça n’a pas été permis de le faire. J’ai connu le jeune éditeur Alpha Haidara de Innov Éditions  tout récemment, je l’ai approché et je l’ai proposé de me faire  la réédition de ce livre, il n’a pas tergiversé et je suis vraiment  content de son travail.

Votre dernier mot 

Surtout à la jeune génération, la poésie est un art difficile, il  faudrait lire beaucoup, il faudrait lire ceux qui ont écrit. Je n’ai pas de choix pour la poésie engagée et la poésie non-engagée, mais j’aimerai que celui qui écrit la poésie  l’écrive quand même de manière à intéresser les gens, car, il ne sert à rien de dire que je suis engagé, d’écrire  un poème qui est une sorte de slogan politique, un poème  que personne ne va lire. J’ai effectivement commencé  à écrire et à imiter les poètes engagés : Senghor, Césaire, Paul Éluard et j’avoue qu’il y a beaucoup à apprendre chez ces gens, mais il n’est pas nécessaire de tenir coûte que coûte à l’engagement pour écrire, puisque l’engagement pour moi doit servir la poésie et non pas le contraire. Il faut certes être un poète engagé, mais il faudrait que ce que vous donnez aux lecteurs   soit lisible, voilà ce que j’ai à dire à la jeune génération.

Propos recueillis par ISSA DJIGUIBA

Source: Le Pays

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