Créé au lendemain de l’indépendance en 1961, l’Ensemble instrumental national du Mali est un groupement de musique traditionnelle et chorale, qui a pour mission de prospecter le répertoire et mettre en valeur l’héritage prodigieux du Mali dans le domaine de la musique. Cet héritage national, qui fait la fierté des Maliens, a tendance à disparaitre peu à peu sans que l’Etat ou d’autres structures artistiques ne lèvent le petit doigt. L’équipe de Bamako hebdo a mené une enquête sur le fonctionnement de ce patrimoine culturel.
L’ensemble instrumental se vide de son charme »
L’ensemble instrumental est une formation nationale qui doit puiser dans le patrimoine folklorique et artistique du Mali. Elle a fait une grande ouverture à tous les talents de la musique, c’est-à-dire à l’époque où l’Ensemble instrumental portait la voix de la musique malienne.
Ainsi, pour intégrer l’Ensemble instrumental, il faut respecter un certain nombre de critères, à savoir avoir un talent artistique et culturel, le savoir-faire et se soumettre au fonctionnement et au règlement intérieur de l’organisation. Avant, l’Ensemble avait plus de quatre-vingt artistes et musiciens de différents horizons réunis. Maintenant il n’est constitué que d’une vingtaine d’éléments.
Le pire c’est qu’il ne n’a pas de studio d’enregistrement et de production en son nom, mais il évolue au Palais de la culture. Ce qui est le plus frustrant, c’est que les artistes qui y entrent par passion et amour pour leur patrie ont la volonté et la qualité requise d’apporter un changement en modernisant l’Ensemble. La preuve en est qu’ils ont des dizaines de chansons pour faire des albums, mais il n’y a personne pour les produire.
N’allons pas loin, il suffit de regarder autour de soi pour se rendre compte des conditions dans lesquelles ces artistes travaillent. Le Palais de la culture, qui représente le socle de la culture malienne, est en état de délabrement avancé. Cela est d’autant plus gênant pour l’Etat qui voit souvent obliger de faire appel à des étrangers pour venir prester.
L’Ensemble instrumental est très demandé sur le marché malien, car il est rare de voir une cérémonie officielle sans lui. De sa création à nos jours, il a fait des tournées au niveau national et international.
A titre d’exemple en 1661, il a été en tournée artistique en URSS, RDA. En 1979, il a effectué une tournée commerciale en France, en Allemagne fédérale, en Suisse et aux Pays-Bas. En 2003, il a participé au Folklife festival à Washington DC et plein d’autres activités similaires. Il utilise comme instruments de base la Kora, le Balafon, la flûte, le N’Goni, le N’Polon, le Kamalen N’Goni, le Dundun, le Soku, et le Diembé. Et, en cas de défaillance de l’un de ces instruments, le Palais a le devoir de le remplacer.
Aujourd’hui, les artistes de l’Ensemble instrumental sont des fonctionnaires de l’Etat qui s’associent aux contractuels et aux employés du Palais de la culture pour former un groupe.
L’Ensemble instrumental se focalise sur le style mandingue parce que le premier président était du Mandé, donc il faisait des éloges sur lui et faisait ainsi bouger toute la communauté. Mais aujourd’hui, on ne sent pas cette coloration mandingue qui a tendance à changer.
Depuis sa création, l’Ensemble instrumental a connu de grands artistes et des musiciens tels que Toumani Diabaté, Balaké, Wade Kouyaté, Fanadaba N’Tini, Fisa Maiga, Baco Dangon, Mah Kouyaté N°1, Djeli Djawoye, Ami Koita et bien d’autres. Car, l’Ensemble instrumental était le plus grand sommet auquel les artistes aspirent dans le milieu de la musique. C’était la crème des crèmes.
Aujourd’hui, l’Ensemble instrumental est confronté à des difficultés pour faire des tournées au niveau national et international. Il a pour ambition de relancer ses activités et revenir au-devant de la scène musicale. Pour cela, il faut aussi créer une structure moderne et équipée pour permettre la formation de ceux qui prendront la relève afin qu’ils puissent préserver et porter encore plus haut le flambeau de notre musique traditionnelle. Dans les années soixante, l’Ensemble flamboyait et faisait des tournées internationales et revenait avec des prix et des trophées.
Moussa Marico dit Rémy, directeur artistique de l’Ensemble instrumental en 2011
» L’Ensemble doit s’ouvrir à toutes les communautés du pays «
Dès mon arrivée qui a coïncidé avec le coup d’Etat de 2012, j’ai apporté de l’innovation au sein de l’Ensemble pour l’adapter à toutes les communautés sociales et non pas à un style mandingue seulement. Car, pour moi, la culture est la meilleure voie pour amener la cohésion et la paix nationales. C’est pour cela que j’ai créé une chanson appelée la »Carte du Mali » avec pour thème la représentation des huit régions et le district de Bamako.
Les répétitions se font chaque jour sauf le week-end et je fais tout pour que les 12 vocalistes puissent travailler leur voix et avoir un meilleur rendement. Là nous sommes en train de préparer une chanson sur la maladie à virus Ebola et il faut reconnaitre que ce n’est pas les mêmes types de chanson.
Binèfou Koita, griot de l’ensemble instrumental
» L’Etat doit prendre des mesures pour pérenniser cette œuvre nationale »
Cela fait vingt ans que je suis dans l’Ensemble instrumental et j’ai acquis beaucoup d’expérience dans le domaine musical. Aujourd’hui, il y a beaucoup de soucis parmi lesquels l’absence de l’ensemble sur la scène nationale.
En effet, il n’y a plus de prestations lors de grandes cérémonies ou de journées internationales. Et, malheureusement, on n’est pas écouté à la radio encore moins à la télé.
Avant, tout le monde appréciait le travail de l’Ensemble, les vieux comme les jeunes. Maintenant, on n’entend même plus parler de nous et je trouve que c’est dommage, car on a tellement de potentialités et de talents.
» Nous demandons aux autorités de prendre des dispositions pour que cette œuvre nationale soit pérennisée et que l’on puisse récolter le fruit de cet arbre qui a été semé depuis l’indépendance du Mali « .
Mariam CAMARA