Les amarres des élections générales sont à nouveau larguées, après que le processus électoral, enclenché en 2018 avec la présidentielle, a accusé un soudain coup d’arrêt à l’étape des législatives pour cause d’insécurité. Le rebondissement est dû au Dialogue National Inclusif ainsi qu’à ses résolutions contraignantes, dans le sillage desquelles une convocation du collège électoral est intervenue la semaine dernière annonçant le premier tour des législatifs au 29 mars prochain – en dépit des appréhensions sur les conditions sécuritaires que nombre d’observateurs jugent tout au moins aussi défavorables que celles ayant présidé aux reports précédents.
Acteurs et protagonistes du jeu électoral demeurent en définitive majoritairement gagnés par la circonspection et les interrogations sans réponses pour l’heure, quant à la sécurisation des scrutins, du matériel ainsi que du personnel électoral dans plus de 23 000 bureaux de vote. Et il va sans dire d’une couverture sécuritaire adéquate des campagnes électorales. À ces réserves pourraient en outre s’ajouter d’autres préoccupations en rapports avec le dispositif législatif en vigueur, mais peu de composantes de la scène politique ont attendu de tirer au clair ces équations pour entrer de plain-pied dans la logique de compétition. La fièvre électorale se traduit notamment tout autant par des remue-ménages et agitations que par des tractations, à l’intérieur comme en dehors des partis politiques, et au pas de charge qu’impose l’impératif de se mettre en ordre de bataille avant le 14 février, date limite de dépôt des candidatures auprès de l’administration électorale.
La sonnette s’alarme a vraisemblablement plus retenti chez les mastodontes du camp présidentiel pour deux enjeux : l’un lié à la responsabilité partagée de transposer une résolution phare du DNI dont elle est partie-prenante; l’autre au défi de conserver sa suprématie représentative à l’institution parlementaire. C’est cette seconde raison qui cristallise les calculs et stratégies pour l’élaboration de listes gagnantes. Au lieu du lourd processus naguère préconisé dans le cadre du nouveau découpage administratif avorté, c’est le statu quo ante qui prévaut avec des équations et combinaisons n’excédant pas le champ des 54 circonscriptions électorales habituelles, soit 49 cercles à l’intérieur du pays et les 6 communes du District. Pour la conquête desquelles circonscriptions table-rase est manifestement faite des poids parlementaires basés sur les débauchages de députés, au profit notamment des préférences d’alliances motivées par la taille politique réelle des protagonistes sur le terrain.
Avec près d’une cinquantaine de députés sortants – déduction faite des nombreuses défections -, le parti majoritaire se retrouve au centre stratagèmes de potentiels partenaires et polarise tous les espoirs d’engranger des sièges parlementaires. C’est dire qu’en dépit de sa cohésion ébranlée du sommet à la base par les positionnements sur fond d’ambitions personnelles, les différentes formations de la majorité présidentielle misent principalement sur le Rassemblement pour porter leurs objectifs de la 6 ème législature. Les stratégies du parti présidentiel ne reposant guère moins sur les partenaires les mieux implantées et les plus organisés, ses préférences vont à l’Adema-PASJ, deuxième locomotive de l’EPM avec laquelle le RPM est en train de cheminer dans une panoplie de circonscriptions où l’option des listes communes est incontournable. C’est la tendance dominante partout où la complicité Adema-Rpm n’est pas contrariée par une difficulté insurmontable à partager la poire en deux en nombre ou en qualité. C’est le cas à Gao où le duo Abeilles-Tisserands se complète par un autre parti de la majorité présidentielle, l’ASMA, tandis que c’est avec le parti de l’opposition, ADP-Maliba, qu’Abeiles et Tisserands forment un trio à Kayes. À Keniéba, par contre, l’alliance des deux locomotives de l’EPM ne peut faire de la place à un troisième partenaire, mais le tandem est incarné par San à la faveur du départ du député RPM Lamine Théra pour l’ASM. Idem à Koulikoro où Issaka Sidibé fera front commun avec Mme Cissé Zeinab Maïga du PASJ ou encore à Koro où le ticket gagnant Adéma – RPM de 2013 est pressenti au starting-block des législatives 2020.
Le schéma est en revanche faussé à Badiangara avec un très probable trio Adema-Codem-Asma, ainsi que dans nombre d’autres circonscriptions où les formations de la majorité subissent les rudes contraintes des proportions du genre dans le choix des candidats. C’est le cas à Bafoulabé, par exemple, où leur tandem est en passe de voler en éclats à cause du refus de chaque parti de désigner une représentante de la gent pour leur liste commune.
Quoi qu’il en soit, l’allure à laquelle le parti présidentiel est contraint au partage des sièges présage d’un scénario totalement différent de son raz-de-marée de 2013. Elle annonce par conséquent une influence inconfortable sur la 6 ème législature pour que sa majorité relative annoncée ne puisse se prêter à un éventuel choc d’ambitions ainsi qu’aux visées prématurées sur les futures instances parlementaires. Or tout porte à croire que les manœuvres en cours, par-delà la bataille des sièges, s’étendent aussi à leur instrumentalisation comme ascenseur politique.
Quoiqu’il affiche pour l’heure par beaucoup moins d’ardeur et d’intérêt pour le combat électoral en vue, le camp opposé n’en est probablement pas moins agité par des manœuvres et calculs similaires sur fond de convoitises du statut de chef de file de l’opposition. Car, avec tant de bastions pourvoyeurs de sièges parlementaires inopérants pour cause d’insécurité, il n’est point exclu que par des combinazzione et des appétits soudains l’URD soit relégué par d’autres potentiels prétendus à sa suprématie sur l’opposition.
A Keïta
Source: Le Témoin