Dans le cadre de la promotion de la lecture comme facteur de développement au Mali, nous nous sommes intéressés aux œuvres du magistrat Léon Niangaly, conseiller à la Cour d’Appel de Bamako. Ce natif de Koro (cercle de Bandiagara) a commencé à tremper la plume dans l’encre dès sa tendre enfance. Très passionné de lecture et imprégné des us et coutumes de son terroir, il finit par accoucher ses premiers vers pour ensuite s’adonner à l’écriture des contes de son milieu d’origine. Inspiré par le Togouna (Lieu de rencontre chez les dogons), il est parvenu à faire quatre publications. Parmi ses publications, il y a le recueil de poèmes « Chant pour chant », « Peu importe le chant », « Les contes du Togouna », « Les divinations du renard ».
Dans notre critique de ses œuvres, nous allons d’abord éplucher « Chant pour chant » Ce recueil de poèmes de 74 pages, édité aux éditions Jamana en 1994, marque ses premiers pas dans l’univers des écrivains. Dans ce recueil, Léon Niangaly trouve son inspiration chez la femme qui donne la vie et la lumière.
La préface faite par Titia Singaré, homme de lettres permet de camper le décors. Celui-ci dira à la page 6 ceci : « Cela dit, un mot, un seul mot caractérise le recueil « Chant pour chant » : originalité. En effet, le texte de Niangaly se démarque nettement de ce à quoi les livraisons poétiques des jeunes poètes négro-africains nous ont habitué : l’engagement qui finit par étouffer l’art, le message qui l’emporte sur l’impression. Ici, rien de cela. Certes, Niangaly ne fait pas de « l’art pour l’art ». Il sait que l’une des fonctions du poème est d’exprimer les aspirations du poète comme le donnent à constater ces vers qui terminent le poème Chant d’extase :
Je veux un passage de greniers
Traversé de paroles arborées
Rire de ma flore à toute faune repue.
Mais, par-delà l’engagement, c’est l’art qu’il privilégie sachant que l’engagement ne peut convaincre que sous-tendu par la puissance suggestive et la musique des mots. Le poème tire sa pertinence et sa pérennité, moins de ce qui est dit que de la manière de la dire ; d’où le vœu du poète, à la fin de la pièce :
Chant mémorable
Que ma ritournelle
Ne soit une cavatine
Mais chant de délire de foule
Clamé par l’aurore.
En définitive, l’originalité de « Chant pour chant » résulte de trois facteurs : la spontanéité, la simplicité et la sincérité. Niangaly ne commence pas par se fixer un objectif à atteindre se situant hors de poésie. Il ne s’impose pas de corset, ne privilégie pas tel thème au détriment de tel autre. Modeste, il ne se veut ni « prophète », ni « mage », ni « démiurge » encore moins « rêveur sacré ». En définitive, par-delà les thèmes, Léon Niangaly apporte un souffle nouveau à la poésie malienne. Les préoccupations de la cité ne lui sont pas étrangères, mais, dès son premier recueil, il a compris un chose : « l’art n’est d’aucun parti », il se suffit à lui-même… ». Ensuite, l’étude de l’ouvrage nous révèle qu’il est composé de 65 poèmes traitant les gloires et les déboires de l’homme, la femme et ses vertus, le ciel et la terre et bien d’autres réalités du Seno (terroir dogon). La remarque pertinente qui se dégage aussi dans « Chant pour chant », est cet attachement de l’auteur à son milieu d’origine qui l’a tant émerveillé. « Chant pour chant » est non seulement une source d’inspiration mais aussi le retour à la source pour ne pas s’égarer. Du coup, l’auteur nous rappelle la fameuse citation du philosophe grec Socrate : « Connais-toi toi-même, tu sauras la vérité ». De ce fait, nous invitons les uns et les autres à lire « Chant pour chant » pour satisfaire leur curiosité intellectuelle. Il est à noter que l’auteur, Léon Niangaly est né en 1952 à Koro au pays dogon. Il a fait des études fondamentales à l’école de sa ville natale. Après les lycées de Badalabougou et de Markala pour les études secondaires de philosophie et de langues, il poursuit des études de sciences juridiques à l’École Nationale d’Administration de Bamako. Magistrat, il a servi comme juge ou procureur de la République dans diverses juridictions de son pays. Actuellement, il est conseiller à la Cour d’Appel de Bamako.
Mamadou Macalou
Extraits : « Chant pour chant »
Femme, terre, amour, mère
Femme
J’ai humé ta sueur chaude
Senti la saveur de tes seins de termitières
dans un lit d’hivernage
drapée d’herbes hautes et d’épis de gloire
femme désirée par-delà les tabous des
saisons
Femme, rêver un jour et te dévoiler mes
instincts
inceste, amour ou désir maternel
au point de mon extase
Terre, j’ai joui à ton chevet
éjaculant mes mots dans ta vulve
de prairie
tes lèvres gonflées d’eaux douces
dans tous tes fantasmes
ton murmure, tes cris et tes soupirs
au bout de ma virilité
Femme, un soleil d’inceste
m’étreint les reins
Quel philtre utiliserai-je
pour mes désirs nus
J’ai besoin ce jour de partager ton alcôve
Dans quel lit le ferai-je
pour combler une saison ?
Le Chant des chameliers
Un chant des chameliers
M’élit une oasis
Où germent des palmiers
Germeront des sourires
Des visages ensablés
Comme plate-bandes au soleil
Lustres de nos mémoires
Un chant des caravaniers
Me hisse sur un méhari
De Tombouctou à Araouane
J’irai à Sidjilmassa
Par la Route des Chars
Comme un chemin de Damas
Sur la Route des Chars
De Tombouctou à Araouane
J’ai lu un parchemin
Tous les risques du désert
Les sévices des chansons
Quelle bataille ?
(A Abdrahamane Dama)
Je mors la terre vierge
pulpe de mangue verte
mais je crains encore
la colique des champs
des fruits non mûrs
de mes vertes années
Mes pouls battent
au rythme des saisons
les chutes de Gouina
Quelles idées vagues
me surplombent en pentes abruptes
Collines de Sangha
ne pouvant m’abriter
Mon cœur lance des flèches
fatales pour Soumangourou
Quelle bataille de Kirina
Laquelle de Tondibi
font ruer vers moi
des buffles de milles saisons !
Poèmes
« Peu importe le chant » suivi de « Poèmes pour Ina »
L’ancien premier ministre du Mali, Modibo Keïta a dit que la lecture est un investissement pour l’équilibre futur. Il ne faut jamais laisser le cerveau se rouiller ». Cette pensée se situe en droite ligne des idéaux du magistrat Léon Niangaly. Ce juriste chevronné, amoureux des belles lettres, continue d’émerveiller ses lecteurs. A chaque fois qu’il se retranche, il ressort requinqué avec des manuscrits de hautes factures. Dans son recueil de poèmes, « Peu importe le chant » suivi de « Poème pour Ina », un ouvrage de 57 pages, publié aux éditions Edilivres.com en France, Mr Niangaly nous gratifie d’un long chant fait d’espoir et d’inquiétude. Il chante à la manière des aèdes de son terroir, ses amours, ses angoisses, ses inquiétudes, son devenir, ainsi que celui de ses proches. Il évoque certains évènements douloureux qui se sont déroulés dans son pays et dont il a été un témoin oculaire, tant en espérant un avenir radieux. Quand aux « Poèmes pour Ina », ils sont destinés à l’une de ses filles. Cette dernière porte le prénom de sa grand-mère.
Cependant, dans « Peu importe le chant », l’auteur a écrit un long poème de la page 9 à la page 39. Écrit dans une aisance totale avec les tournures de la langue de Molière, « Peu importe le chant », est l’envolée lyrique vers d’autres destinations. Sitôt un vers finit, l’auteur nous épate avec d’autres vers. Tan disque que « Poèmes pour Ina », il rend hommage à sa mère. De ce fait, l’étude de« Poèmes pour Ina » nous révèle que c’est une compilation de 19 poèmes commençant à partir de la page 39 jusqu’à la page 57. Ces poèmes sont entre autres : Oiseaux de chant, Voleur de poule, Margouillat, Pour Ina, Temps du Seno, Chat et Souris, Nuit noire, Au premier chant du coq, Agneau et pigeon, Ronde des mots, Pauvreté, Rêve d’enfant, Hyène Bergère, Ministres et Ministrables, Fille aux yeux verts, Fille de sept saisons, Lopin de terre, Meilleure saison, Épervier et écureuil. A ce niveau, l’auteur très pétri des us et coutumes de son Seno natal (terroir dogon), peint certaines réalités et pans culturels du milieu dogon. Sur ce, le moins qu’on puisse dire, c’est que l’auteur Léon Niangaly n’est pas aller puiser ailleurs. Il a seulement puisé dans les eaux dormantes de son Seno natal (terroir dogon) pour ensuite jeter l’eau puisée à la face du monde. Souhaitons que ces poèmes servent de source d’inspiration pour beaucoup de personnes.
Il est à noter que l’auteur, Léon Niangaly est né en 1952 à Koro au pays dogon. Il a fait des études fondamentales à l’école de sa ville natale. Après les lycées de Badalabougou et de Markala pour les études secondaires de philosophie et de langues, il poursuit des études de sciences juridiques à l’École Nationale d’Administration de Bamako. Magistrat, il a servi comme juge ou procureur de la République dans diverses juridictions de son pays. Actuellement, il est conseiller à la Cour d’Appel de Bamako.
Mamadou Macalou
Extraits : « Peu importe le chant »
Les signes du chant,
comment entonner
la chanson,
quand la nuit est noire
de mots rares,
et nos Dieux Lares,
éclatent en sanglots,
devant nos jours
sans fards ?
Les signes du chant,
jamais le temps,
ne fut plus austère,
jamais le vent,
ne fut plus violent,
la parole en flambeaux,
les mots en lambeaux,
le sang en ruisseau,
au seuil de ce voyage
qui mène aux bourgoutières.
Temps,
je suis sourd à ton chant,
vent,
je rumine tes rumeurs,
qui préludent à un voyage,
mon viatique, mon chemin de parcours
me viendront-ils de l’amante,
la fille de Inakounder
à la peau couleur de sable ?
Extraits: « Poèmes pour INa »
Pour Ina
Sais-tu le temps qu’il fait
Maman de tous mes chants ?
Veux-tu l’orage de mes mots
Ou leur beau temps de mensonges ?
Le soleil luit
Quand viendra la lune
Je compterais pour toi
Les étoiles du firmament
Maman de tous mes mots !
Temps du Seno
Il y a les vents du Seno
Il y a les temps du Gondo
Nous ballottons au gré du vent
Et grelottons du temps qu’il fait
Il n’y pas que nous-mêmes
Il n’ y a pas que les nôtres
Qui à l’instar des jours qui passent
Doutent du parcours des ans
Ministres et Ministrables
Ministres et Ministrables
Vont vers les prébendes
A Koulouba Abidjan Cotonou
Irons-nous vers d’autres cieux
Nous les laissés pour compte ?
Nous irons sur leur plate-bandes
Semer les rancœurs de nos ans
Nous irons crier sur tous les toits
Notre trop plein d’espérance
Pour la survivance des saisons
Lopin de terre
Pour un lopin de terre
Qui se dessèche au vent
Ils se pourfendent aux champs
Tous les chefs de terre
Les seigneurs de la guerre
Nous laissant sans abri
Et au gré du mauvais temps.