Devant les agences d’Orange Mali, Moov Africa Malitel et Telecel, des dizaines de clients patientent, souvent des heures durant, dans l’espoir de faire réactiver leur numéro suspendu. Pour la plupart, la mauvaise nouvelle est tombée brutalement : coupure des appels, SMS bloqués, et surtout, comptes Mobile Money inaccessibles.
Fatoumata Doucouré, vendeuse de légumes à Medina-Coura, est l’une des nombreuses victimes de cette suspension. « Mon numéro a été bloqué alors que j’avais de l’argent sur mon compte Orange Money. Je suis allée à l’agence, mais la file était immense. Certains payaient des agents pour passer avant. Moi, je suis restée toute la matinée sans résultat. »
Pour Ibrahim Camara, étudiant à l’Université de Bamako, la situation est incompréhensible. « Je pensais que mon numéro était déjà identifié. Le 15 avril, plus rien ne passait. J’ai perdu deux jours de communication et de l’argent à cause de ça ».
À Missira, Aminata Sangaré, coiffeuse, vit aussi cette frustration. « J’utilise Orange Money tous les jours pour mes clientes. Depuis qu’on a suspendu mon numéro, je perds des clientes. À l’agence, on est mal accueillis et rien n’avance ».
Les usagers reconnaissent leur part de responsabilité
Si la colère est palpable, certains usagers admettent qu’ils ont eux-mêmes tardé à faire le nécessaire. « C’est vrai qu’on nous avait prévenus depuis longtemps. J’ai vu les affiches et les SMS, mais je n’ai pas bougé. Je travaillais tout le temps et je pensais que ça ne poserait pas de problème », reconnaît Aminata Sangaré.
Même son de cloche chez Mahamadou Sidibé, chauffeur de taxi à Bacodjicoroni. « Moi, j’ai attendu le dernier moment pour aller identifier ma puce. J’avoue que c’est ma faute ».
Awa Konaré, mère de famille à Bacodjicoroni, évoque également une négligence. « Depuis 2024, on en parlait à la télé, à la radio… mais je n’y prêtais pas attention. Je pensais que ce serait automatique », a-t-elle déplorée.
Les opérateurs débordés mais engagés
Face à l’afflux massif de clients, les opérateurs tentent de gérer tant bien que mal. Soumoura Dioncounda Keïta, cheffe d’agence à Moov Africa Malitel, explique : « Il faut reconnaître que les clients devaient venir il y a longtemps et ils ne l’ont pas fait. Il ne nous reste que deux jours. Vous voyez, il y a de la masse. Ce n’est pas facile de prendre tout le monde en même temps ».
Chez Telecel, Kouma Mariam Diakité, responsable des relations clientèles, souligne l’organisation mise en place. « Les clients sont bien accueillis à l’agence. Ils doivent juste se munir d’un document d’identité comportant un numéro NINA, comme une carte biométrique ou électorale. Cela ne prend pas de temps, mais avec la forte affluence, cela crée parfois des débordements », rappelle-elle.
Tleido Sow, cheffe de projet identification chez Orange Mali, évoque les efforts entrepris pour répondre à la demande. « Nous avons redimensionné nos agences et renforcé nos équipes pour mieux accueillir les clients. Ils disposent aussi d’outils digitaux pour se faire identifier par un tiers en cas de suspension », déclare-t-elle.
Au-delà de cette opération d’identification, c’est tout le rapport des citoyens au numérique qui est questionné. Entre les informations ignorées, la méfiance envers les services administratifs et le manque d’anticipation, l’épisode met en lumière les défis majeurs auxquels le pays fait face dans la digitalisation de ses services.
Ibrahim Kalifa Djitteye
Source: Le Pays