L’annonce de l’envoi d’un contingent tchadien avait déjà été faite à plusieurs reprises, sans jamais avoir été suivie d’effet, en raison notamment de « questions financières ».
Alors que cinq pays du Sahel, réunis lundi 15 février en sommet avec la France à N’Djamena, ont réclamé des efforts financiers supplémentaires pour combattre les djihadistes, le président tchadien, Idriss Déby, a pris les devants. Il a annoncé, dans la soirée, l’envoi de 1 200 soldats dans la zone dite des « trois frontières », entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, pour lutter contre les djihadistes, selon un tweet de la présidence.
Les ministres de la défense du G5 Sahel (Tchad, Niger, Mauritanie, Niger, Burkina Faso) se sont rendus lundi à Nguigmi, au Niger, près de la frontière avec le Tchad, où sont actuellement stationnés les soldats qui seront ensuite déployés dans la région des « trois frontières », selon la télévision d’Etat tchadienne.
L’envoi de soldats tchadiens avait été annoncé il y a un an lors du précédent sommet de Pau. Mais plusieurs facteurs avaient empêché leur déploiement : une menace djihadiste grandissante sur les bords du lac Tchad, mais également un désaccord constant entre N’Djamena et ses partenaires sur les modalités de ce déploiement.
Des « questions financières » ont notamment conditionné cette opération, le président tchadien réclamant entre autres qu’une partie des primes des soldats déployés soit prise en charge par les partenaires, selon plusieurs sources diplomatiques concordantes au Sahel. « Des questions financières (…) ont été réglées », a reconnu l’Elysée quelques jours avant le sommet de N’Djamena.
Paris veut réduire sa présence militaire dans la région
L’envoi de soldats était réclamé depuis plusieurs années par la France, partenaire du G5 Sahel, qui souhaite réduire sa présence militaire dans la région, alors que 5 100 soldats français sont actuellement présents dans la zone des « trois frontières ».
L’armée française revendique d’avoir sérieusement affaibli l’organisation Etat islamique et tué plusieurs chefs d’Al-Qaida au Maghreb islamique. Le nombre d’attaques de camps militaires a baissé en 2020.
La France ne cache pas sa volonté de réduire la voilure de son armée. Paris compte notamment sur la « sahélisation », c’est-à-dire le passage du témoin aux armées nationales que la France forme avec l’Union européenne. Celles-ci, sous-entraînées et sous-équipées, restent vulnérables.
Plus de huit ans après le début, dans le nord du Mali, d’une crise sécuritaire qui continue à s’étendre à la sous-région, quasiment pas un jour ne passe, dans les trois principaux pays affectés, sans une attaque contre ce qui reste de représentation de l’Etat, une explosion de mine artisanale ou des exactions contre les civils. Plus de deux millions de personnes ont été déplacées.
Assurer le retour de l’Etat
La France convient que le remède ne peut être seulement militaire. Paris juge que trop peu a encore été fait par ses partenaires sahéliens sur le front politique, par exemple au Mali, pour appliquer un accord de paix signé avec l’ex-rébellion du Nord, ou pour faire revenir les instituteurs et les médecins dans les localités qu’ils ont désertées. Le sommet de N’Djamena pourrait « acter l’effort ciblé sur la haute hiérarchie » du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans, une alliance djihadiste affiliée à Al-Qaida, explique l’Elysée.
M. Déby a lui-même reconnu lundi ces faiblesses et « invité tous les Etats membres à s’atteler à une autonomisation complète de la force conjointe du G5 Sahel en la dotant de moyens financiers et logistiques propres ». En outre, politiquement, Paris martèle qu’il est temps de consolider les réussites militaires des derniers mois en réinstallant l’Etat là où il est absent.
« Beaucoup d’efforts sont consentis par nos gouvernements pour (…) assurer le retour de l’Etat et des administrations sur les territoires », a plaidé M. Déby. Mais « la situation socio-économique de nos pays n’est pas très reluisante (…), c’est pourquoi nous lançons un appel pressant à tous nos partenaires afin de nous apporter les ressources additionnelles qu’ils ont promises pour nous permettre de réaliser nos programmes de développement », a conclu le maréchal, en invoquant notamment la « piste de l’annulation de la dette ».