Le déchaînement de la France dans ses anciennes colonies d’Afrique sub-saharienne constitue une mise en accusation des groupes réactionnaires de la pseudo-gauche comme le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).
Ayant applaudi les guerres en Libye et en Syrie et appelé à l’élection du président François Hollande, maintenant détesté par la plus grande partie de l’opinion, qui mène ces guerres, ils portent la responsabilité politique du sang que l’impérialisme français répand en Afrique.
La récente tentative du NPA de se distancer du Parti socialiste (PS) de François Hollande et de ses guerres au Mali et en Centrafrique déborde de mauvaise foi. Alors que la colère de la classe ouvrière monte contre Hollande, le NPA essaie d’effacer ses traces et d’empêcher que ces conflits ne débouchent sur la révélation de son propre rôle d’outil corrompu des intrigues néo-coloniales.
Dans une brève du 5 décembre intitulée « Non à l’intervention de l’armée française en Centrafrique, » le NPA critique les affirmations du PS selon lesquelles la guerre en Centrafrique viserait à mettre fin aux violences entre Chrétiens et Musulmans après que les rebelles de la Seleka, soutenus par la France, ont fait tomber le président François Bozizé en mars.
Il écrit, « Cette intervention obéit aux mêmes objectif que celle au Mali. Dans les deux cas comme dans le reste de l’Afrique il s’agit de maintenir l’ordre des grandes puissances alors que le régime politique qu’elles ont mis en place n’a plus aucun pouvoir. Pour le gouvernement Hollande -Ayrault, il s’agit de préserver les privilèges de la vieille puissance coloniale qu’est la France, ceux des multinationales françaises, les Areva, Bolloré et autres Total. L’intervention militaire ne peut entraîner pour la population que de nouvelles souffrances, de nouveaux drames. Hors d’Afrique les troupes françaises. »
La posture anti-guerre du NPA n’est qu’une rhétorique creuse. Les guerres de la France sont bien des actes de pillage impérialistes, dont les travailleurs français paient également le prix par des augmentations d’impôts et de nouvelles coupes sociales. Ces guerres visent à renforcer la position stratégique de Paris, les profits de ses entreprises pétrolières et de ses banques. Mais c’est également la source des flux d’argent que la bourgeoisie dirige, par son financement de la bureaucratie syndicale, des programmes des médias et de bourses de recherche des universitaires « de gauche », vers les forces de la pseudo-gauche telles que le NPA.
C’est pour cette raison que, après les soulèvements de la classe ouvrière en Égypte et en Tunisie en 2011, le NPA a soutenu les guerres en Libye et en Syrie en proclamant qu’il s’agissait de « révolutions ». Et malgré sa posture hypocrite, c’est également pour cela que le NPA en réalité soutient la guerre au Mali et en Centrafrique.
Le NPA n’écrit pas comme un opposant à l’impérialisme, mais comme le partisan d’une politique différente, plus habile, pour mener des guerres de plus en plus impopulaires. Il défend en particulier l’idée de s’appuyer plus fortement sur les troupes fournies par les régimes appauvris de l’Union africaine (UA) pour aider les troupes françaises au Mali et en Centrafrique. Il se plaint que, « la France ne devait pas intervenir au Mali, mais simplement soutenir les forces africaines […] Les forces françaises devaient céder la place aux Africains… »
Si le NPA cherche à se présenter comme un opposant aux guerres françaises en Afrique devant la classe ouvrière en France, ses affiliés sur place en Afrique n’ont pas de telles prétentions.
Les sympathisants du NPA au Mali, le parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), demandent une intervention plus poussée de la France contre les nationalistes touaregs et les forces islamistes au Nord du Mali. Renforcées par les forces islamistes aidées par l’OTAN en Libye voisine, ces forces étaient sur le point de lancer une offensive sur Bamako, la capitale du Mali située au Sud du pays, l’an dernier. Faisant partie intégrante de l’élite de Bamako, le SADI a ouvertement applaudi la junte militaire qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’Etat et qui sert maintenant de régime fantoche à la France.
Dans une déclaration publiée le 14 janvier de l’année dernière et portant le titre sans ambiguïté de « Déclaration de soutien aux forces armées et de sécurité du Mali », le SADI a applaudi le rôle de la junte dans la guerre. Alors que les bombes françaises tombaient sur le Mali et que ses troupes marchaient dans Bamako, le SADI écrivait, « Le Parti SADI salue la détermination avec laquelle nos soldats et officiers ont affronté et mis en déroule la horde terroriste sanguinaire qui a envahi notre pays pour nous soumettre et nous dominer. »
Dans sa propre presse, le NPA a publié un entretien avec le représentant du SADI en France, Mohamed Diarra. Quand le NPA a demandé à Diarra la position du SADI sur la guerre française, il a répondu, « Vu la souffrance de nos populations à cause des djihadistes, nous n’avons pas condamné l’intervention. »
Diarra a ajouté que le SADI espérait que Paris accentuerait son soutien à la junte de Bamako : « Notre position est claire, c’est avant tout une solution malienne. On voulait une armée malienne assez forte, qui soit aidée. »
En publiant ce genre de remarques favorables à la guerre, le NPA et le SADI diffusent la même propagande que les médias français à la solde des grands groupes. Ils ne font aucune tentative de réconcilier ces déclarations avec les observations du NPA ailleurs selon lesquelles ces guerres visent à protéger les privilèges des grands groupes français, ou la demande de pure forme du NPA que les troupes françaises soient retirées d’Afrique.
Cela en dit long sur la caractère corrompu des forces qui se rassemblent dans les opérations de politique étrangère du NPA.
En Afrique, les alliés du NPA publient régulièrement des louanges écoeurants, ou parfois une critique inoffensive, des dictatures locales que Paris utilise pour faire la police dans es ex-colonies. En cela, l’avocat de pseudo-gauche ou l’activiste « humanitaire » peut trouver une place qui lui convient aux côtés des lieutenants-colonels africains séditieux, de la légion étrangère, et des barbouzes envoyés par les services secrets qui permettent à Paris de mener sa politique africaine.
En France, les ex-étudiants radicaux petits-bourgeois de 1968 qui dirigent le NPA sont parvenus à exercer une influence considérable sur l’élite politique française, par eux-mêmes et grâce à d’ex-membres qui ont atteint des postes importants au PS et dans les médias. Ils sont liés par leurs intérêts de classe et leur milieu social au PS et à son programme d’austérité sociale et de guerre.
Quand le NPA essaie de se présenter comme un opposant à la guerre malgré le bilan de ses soutiens aux interventions de l’OTAN, ses arguments deviennent orwelliens.
Faisant remarquer avec inquiétude que les alliés du PS soutiennent silencieusement ces guerres alors qu’elles sont de plus en plus impopulaires, le NPA critique la position du Parti communiste français (PCF) sur la guerre au Mali par ce qu’elle « ne rompt pas, ne condamne pas. L’argument du ‘moindre mal’ et du danger de chaos a été invoqué pour soutenir une intervention qui se prétendait (mensongèrement) à l’origine ponctuelle, limitée à des frappes aériennes. »
Ces lignes se lisent en fait comme une accusation du rôle du NPA qui a soutenu la guerre en Libye, ce sur quoi le silence du NPA est assourdissant tandis qu’il écrit sur les affaires sub-sahariennes. Alors qu’il insistait pour que l’OTAN bombarde la Libye en 2011, le NPA utilisait précisément les mêmes arguments qu’il condamne maintenant au Mali. Minimisant les intérêts impérialistes en jeu, il affirmait que l’OTAN lancerait une intervention ciblée limitée à des frappes aériennes qui seraient un moindre mal nécessaire pour éviter une catastrophe humanitaire encore plus grande : la répression des forces de l’opposition pro-occidentale par le régime libyen.
À l’époque, le site web International Viewpoint du NPA, écrivait : « Bien sûr nous savons tous que la France, le Royaume-uni et les États-Unis ne sont pas motivés par une quelconque bonté soudaine – mais par des intérêts stratégiques dans cette région riche en pétrole. »
Le NPA écartait ces vérités gênantes cependant en insistant sur le fait que la guerre de l’OTAN en Libye était un moindre mal comparé à un risque d’attaque de l’armée libyenne contre les forces de l’opposition pro-OTAN liées à Al Qaïda qu’il présentait faussement comme des révolutionnaires.
« Aucun de ces points ne sont en eux-mêmes des arguments pour s’opposer à la zone d’interdiction aérienne au-dessus de la Libye. Rejeter l’intervention militaire occidentale en Libye exige une meilleure analyse des risques et des scénarios possibles sur le terrain. Et nous avons besoin de répondre à certaines objections assez difficiles – notamment, le fait que les dirigeants des forces d’opposition demandaient une zone d’interdiction aérienne et que nous devons présenter une autre solution qui soit meilleure que de créer des blogs par solidarité et anti-impérialisme, » ajoutait-il.
Le NPA a donc soutenu une guerre menée par des forces liées à Al Qaïda et la CIA qui a tué des dizaines de milliers de gens, fait bombarder Tripoli et Sirte par l’OTAN, et livré la Libye à une série de milices islamistes d’extrême-droite et de gangs criminels. C’était le prélude à l’alignement du NPA sur la CIA dans un autre conflit encore plus meurtrier : la guerre par procuration des impérialistes en Syrie qui se poursuit toujours.
Les critiques du NPA à l’encontre du PCF sur le Mali sont dénuées de principes et insincères. Il ne s’oppose pas à la position des staliniens en faveur de la guerre, il la partage. Il préférerait simplement que le PCF publie quelques déclarations de pure forme critiquant la guerre impérialiste, « rompant » avec elle en paroles mais pas dans les faits, afin d’obscurcir la question, de prendre une pose « de gauche », et ainsi de désorienter l’opposition de la classe ouvrière.
Le NPA agit comme un défenseur un peu plus habile des intérêts de l’impérialisme français et de l’élite politique. Il va jusqu’à insister pour que ses opérations de politique étrangère semblent « indépendantes » de celles de l’Etat dont il soutient l’intervention.
Il écrit, « Notre tâche actuelle à long terme est de reconstruire une capacité pour une solidarité indépendante, progressiste. Cette solidarité doit non seulement être un acte ”de principe”, mais aussi un engagement concret. Par exemple, dans le cas de l’Afghanistan, il y a un soutien pour l’organisation féministe progressiste RAWA [Revolutionnary Association of Women in Afghanistan] ; ou pour la ville de Tuzla dans le conflit yougoslave, cette ”ville de la solidarité” où sont allés des ”convois ouvriers” ; ou la gauche laïque, partiellement marxiste, de la résistance syrienne. »
Seul un parti aussi profondément intégré à l’Etat impérialiste que le NPA, aurait pu choisir ces opérations comme des modèles d’« indépendance » de l’impérialisme. Elles sont toutes d’une manière ou d’une autre, des initiatives liées à l’impérialisme ou financées par elle pour l’aider à poursuivre des guerres de conquête.
RAWA est une organisation étudiante ex-maoïste fondée en 1977 en Afghanistan qui, après l’invasion soviétique de l’Afghanistan, est rapidement tombé dans l’orbite des puissances de l’OTAN qui utilisaient la guerre soviéto-afghane pour saper l’Union soviétique. D’après son site web, sa fondatrice Meena, s’était rendue au Congrès du PS de 1981 pour représenter les forces moudjahidines anti-soviétiques. Dans le contexte des conflits de plus en plus forts entre RAWA et les fondamentalistes sunnites soutenus par la CIA qui dominaient les moudjahidines, Meena a été assassinée en 1987, un assassinat que RAWA impute aux services de renseignements afghans et aux moudjahidines fondamentalistes.
RAWA reçoit de plus en plus de financements et de louanges officielles depuis que l’OTAN a commencé à exploiter les inquiétudes sur la condition des femmes afghanes pour justifier l’invasion et l’occupation de leur pays. Entre autres récompenses, RAWA a reçu un Prix officiel des droits de l’homme en France en 2000, le prix du journalisme SAIS-Novartis en 2001, un doctorat honoraire en 2002 de l’Université d’Anvers, et une Reconnaissance spéciale du Congrès américain en 2004. L’organisation travaille avec diverses fondations et groupes maoïstes à l’Ouest pour financer ses activités.
Dans une opération de 1994, quand l’OTAN divisait la Yougoslavie, une variété de groupes petit-bourgeois « de gauche » avait envoyé des convois d’aide vers Tuzla au cours d’une opération politique conçue pour promouvoir le régime bosniaque nouvellement indépendant et soutenu par l’OTAN du président Alija Izetbegovic. Cela faisait partie d’une campagne plus large qui allait culminer dans la guerre du Kosovo en 1999, au cours de laquelle l’OTAN avait bombardé la capitale yougoslave, Belgrade.
Au cours de l’opération de Tuzla, la Ligue communiste révolutionnaire française (LCR, prédécesseur du NPA) travailla aux côtés du Workers Revolutionnary Party (WRP) dirigé par Cliff Slaughter, qui avait rompu avec le Comité international de la Quatrième Internationale en 1986. Ils organisèrent des convois dits Workers Aid vers la Bosnie, lancés avec le soutien du politicien travailliste Michael Foot (lire : Le Marxisme, l’opportunisme et la crise des Balkans).
Le dernier exemple d’une opération « indépendante » que le NPA reprend à son compte est la sanglante guerre par procuration des États-Unis en Syrie, dans laquelle le NPA a présenté les milices islamistes sunnites liées à Al Qaïda et soutenues par la CIA et ses alliés comme des « révolutionnaires. » Ces « révolutionnaires » ont ensuite organisé des escadrons de la mort pour terroriser les parties du pays qu’elles avaient envahies. L’affirmation absurde du NPA qu’il y aurait une « gauche partiellement marxiste » au sein de l’opposition syrienne fait apparemment référence au rôle de certaines fractions du Parti communiste syrien stalinien qui faisait la promotion de la guerre de la CIA.
Le choix par le NPA d’une guerre par procuration de la CIA comme exemple du genre d’opérations « indépendantes, progressistes » qu’il peut soutenir, montre que ses prétentions à s’opposer à l’impérialisme sont des mensonges politiques.
Le NPA parle au nom de forces petites-bourgeoises alliées à l’impérialisme au moment où celui-ci se lance dans une offensive militaire débridée pour imposer sa domination néo-coloniale dans tout le Moyen-Orient et l’Afrique. Ils voient la colère montante de la classe ouvrière en France et dans les masses populaires de ses ex-colonies non comme la base d’une révolution socialiste à venir, que le NPA craint et à laquelle il s’oppose, mais comme une menace pour les privilèges des couches sociales pour lesquelles il parle.
Avant le début de la guerre française en Centrafrique, dans un article du 7 octobre intitulé « Face à l’intervention française en Afrique : Combattre notre propre impérialisme, » le NPA écrivait : « La politique militaire et africaine de l’Etat français est celle d’une puissance impérialiste qui a perdu beaucoup d’envergure, qui a dû abandonner bien des positions, et qui est aujourd’hui menacée dans la principale zone d’influence qui lui reste. Une menace qui provient de l’instabilité nourrie dans le cadre de son règne : crises de nombreux Etats clients, décompositions sociales accélérées par les politiques néolibérales, montée des radicalismes religieux. »
Le NPA a réagi à cet état des choses, nonobstant son appel de pure forme au départ des troupes françaises d’Afrique, en se mettant au service des tentatives de l’impérialisme français de reconquérir son vieil empire colonial.
Source: Mondialisation.ca