Près d’un an plus tard, le scénario se répète. Jeudi soir, comme quand, en janvier 2013, il avait déclenché l’opération “Serval”, au Mali, François Hollande a décidé d’accélérer le tempo, de prendre tout le monde de court, et de lancer sans attendre “Sangaris” : l’intervention militaire française en Centrafrique. Dans l’Hexagone comme dans d’autres pays, endosser l’uniforme de chef des armées n’est jamais mauvais, pour la popularité d’un chef de l’Etat.
Mais le réflexe d’unité nationale que suscite l’envoi de soldats à l’étranger ne dure pas forcément. “Serval” permit à François Hollande de redresser sa cote, dans les sondages, mais ce regain de popularité fut éphémère. A l’époque, sa réactivité lui permit aussi de priver la droite de son argument préféré : la mollesse et l’indécision présumées de l’intéressé. Mais, là encore, cela ne dura pas. Et quand, en septembre, le même Hollande menaça d’envoyer la troupe en Syrie, ce fut moins pris pour de la vitesse de réaction que pour de la précipitation, et pour une gifle à l’Onu.
Deux critiques qui, dans les sondages, rendirent peu populaire cette éventuelle intervention française en Syrie. François Hollande s’en est souvenu. Cette fois, avant de se lancer en Centrafrique, il a pris soin d’attendre le feu vert onusien.
Des mots et une com’ très choisis
Jeudi soir, il a aussi veillé à lancer “Sangaris” en utilisant des mots susceptibles de parler à l’affect des Français : quand il a insisté sur le “devoir d’assistance et de solidarité” envers “un petit pays, le plus pauvre du monde, qui appelle au secours”. En outre, l’armée a organisé la communication afin que l’annonce du chef de l’Etat ponctue une journée pendant laquelle tous les médias ont, en boucle, répercuté les atrocités commises dans ce pays, jeudi. Cela n’a pu que servir l’Elysée.
Vendredi, d’ailleurs, les oppositions à l’intervention française en Centrafrique restaient contenues. Hormis quelques vieilles gloires gaullistes ne représentant plus qu’elles-mêmes (Michèle Alliot-Marie, ou Dominique de Villepin), la droite a fait bloc derrière le Président – même si elle a posé des questions sur l’isolement de la France et sur ses moyens militaires. Seule l’extrême gauche, comme habituellement, a vu en “Sangaris” une opération “impérialiste”. Et quelques ONG lui ont trouvé des relents “néocolonialistes”.
A nouveau, les risques de l’enlisement
Ce relatif consensus, cela dit, pourrait ne pas durer. S’ils disent vrai, les experts militaires français qui, dès jeudi soir, ont averti que l‘opération en Centrafrique pourrait être “autrement plus compliquée, et plus floue dans ses résultats”, que celle au Mali. Selon eux, le soldat Hollande a mis là les pieds en terrain miné, la pacification de ce pays relevant d’“une tâche de très longue haleine”, pouvant même prendre plusieurs années. Un délai qui, pour sûr, serait jugé trop long par l’opinion française, dont les priorités ont toujours été plus hexagonales qu’internationales.