Une tache blanche dans l’œil d’un enfant n’est pas à négliger, car il peut s’agir d’un rétinoblastome. Cette maladie qui évolue rapidement tue l’enfant. Dans les 100% des cas, le décès peut survenir au bout de 6 mois si l’enfant n’est pas pris en charge. L’ophtalomo-pédiatre Pr Fatoumata Sylla de l’Institut d’ophtamologique tropicale de l’Afrique (IOTA) affirme que toute tache blanche dans l’œil d’un enfant doit alerter. Elle souligne que parmi toutes les maladies qui donnent des taches blanches dans l’œil, le rétinoblastome est la plus grave avant d’ajouter qu’elle est la seule qui tue. Pr Sylla précise que c’est la première cause du cancer de l’œil de l’enfant, la troisième cause de cancer de l’enfant au Mali.
Selon la praticienne, le rétinoblastome est, en effet, un cancer de la rétine qui est constaté uniquement chez les enfants. La maladie est fréquente chez les enfants qui viennent de naître jusque vers l’âge de 5 ans. La pédiatre indique qu’elle apparait exceptionnellement au-delà de 6 ans. Le rétinoblastome peut toucher un seul œil ou les deux yeux et 99% des cas surviennent avant l’âge de 6 ans. C’est un cancer 100% génétique.
Comme beaucoup de cancers, la première cause de la maladie est le facteur génétique. Lorsque les gènes (dont on est doté naturellement) protégeant contre le cancer, manquent chez une personne, elle développera certains types de cancers comme le rétinoblastome. Elle explique que ce gène qui protège est donné par le père et la mère. Alors, si ces deux ont dans leur corps une partie du gène qui manque, leur enfant sera systématiquement exposé. En effet, cet enfant ne disposant d’aucun système de protection peut développer la maladie.
D’après la spécialiste, le facteur génétique n’explique pas tout parce que dans certains cas, le sujet peut développer le cancer de façon accidentelle sans que ses parents ne le lui transmettent. Ce qui revient à dire que le rétinoblastome a deux formes : héréditaire et sporadique.
Le cancer de la petite enfance appelé rétinoblastome se manifeste de deux manières. Il peut être uniquement unilatéral, c’est-à-dire qu’il ne pousse que sur un seul œil. Mais il peut également pousser sur les deux yeux. Ce type, qui est le plus grave, est généralement causé par la forme héréditaire. Comme symptômes, l’ophtalmologiste des enfants souligne que la maladie se manifeste très précocement par les signes, mais qui passent malheureusement inaperçus. « D’abord, parce que c’est chez l’enfant, ensuite parce que ces signes ne sont pas accompagnés d’autres maladies graves », souligne-t-elle.
Le premier signe est lorsque l’œil louche soit en dehors, soit en dedans. Dans certains cas, on remarque que les deux yeux de l’enfant se mettent à loucher, c’est le signe le plus précoce appelé strabisme unilatéral. Lorsque le diagnostic n’est pas fait, le 2è signe le plus attirant peut apparaître. C’est la présence d’une tâche blanche sur la partie noire de l’œil appelée la leucocorie. Quand l’enfant regarde, on a l’impression qu’il y a une lumière ou un reflet bleu dans son œil. « En ophtalmo, à chaque fois qu’il y a une tache blanche dans l’œil d’un enfant, quelle que soit la cause, c’est grave », déclare le médecin. Et selon elle, l’idéal est de faire diagnostiquer le plus rapidement possible.
Si rien n’est fait, l’œil commence à grossir petit à petit et puis la tumeur va le pousser de l’orbite. Ainsi, l’œil estropié prend une forme plus grosse que la tête de l’enfant. Elle précise qu’à ce stade, on peut plus rien. On ne peut sauver ni l’œil, ni l’enfant, il est condamné et va mourir.
Cependant, Pr Fatoumata Sylla s’inquiète du fait que les parents et le corps médical ont tendance à le comparer à une cataracte. Pour elle, ils n’ont pas la conscience de la gravité de cette maladie, alors que c’est une maladie qui évolue très rapidement. Seul un médecin peut diagnostiquer le rétinoblastome en se fondant sur les symptômes et les examens diagnostiques.
Pour la maladie, la pédiatre dit qu’il n’y a pas de prévention possible. La seule façon de l’éviter est d’éviter les mariages de consanguinité. En négligeant le rétinoblastome, il peut engendrer de lourdes complications. La principale est la mise en jeu de la vie de l’enfant. La tumeur évolue dans le cerveau à travers les nerfs de l’œil et provoque la métastase comme les autres cancers. La maladie va donc se localiser un peu partout dans le corps.
Selon le Pr Fatoumata Sylla, dans les pays développés un enfant ne meurt plus du rétinoblastome. La mortalité au Mali est encore très élevée. Le taux de mortalité à l’IOTA tourne autour de 50%. Dans les cas les plus avancés, tout ce qu’on peut faire c’est d’accompagner le malade en lui donnant des calmants avant le décès. Actuellement, à l’IOTA, le rétinoblastome peut être guéri dans les cas où la maladie a été diagnostiquée tôt.
Au Mali, avant 2008, tous les enfants mourraient, mais grâce aux contacts avec les hôpitaux anticancéreux de France, la collaboration avec l’unité d’oncologie-pédiatrie de l’hôpital Gabriel Touré ainsi qu’à l’aide des partenaires, le taux de mortalité a baissé de 50%.
Deux types de traitement sont opérés : le traitement par énucléation et le traitement conservateur. Le premier consiste à enlever complètement l’œil. C’est lorsque la tumeur est dans l’œil. Le professeur révèle qu’il vaut mieux enlever l’œil plutôt que de laisser le risque de mort et le deuxième permet de détruire la tumeur dans l’œil. Ces traitements utilisent soit des rayons lasers ou rayon du froid appelé la cryothérapie. Par ailleurs, les deux traitements sont souvent associés à la chimiothérapie. Elle déclare que la chimiothérapie seule ne guérit pas.
La praticienne assure qu’il n’y a pas de subvention pour le traitement de la maladie alors que les médicaments coûtent très chers. Une seule chimiothérapie coûte 350.000 Fcfa alors qu’il en faut au moins 6. C’est pour cela que l’ophtalmologiste lance un cri du cœur aux autorités pour qu’elles prennent en charge ces enfants. Elle invite, par ailleurs, la population à signaler toutes anomalies sur les yeux d’un enfant au personnel sanitaire. Elle recommande au personnel sanitaire de ne pas hésiter à référer les cas graves quand il n’est pas sûr de disposer de toutes les compétences professionnelles et matérielles pour les traiter.
Fatoumata NAPHO
Source: Journal l’Essor-Mali