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Le Rapport annuel 2012 du Bureau du Vérificateur Général (BVG) épingle : Le PMU Mali pour 34 milliards FCFA de perte, l’AUREP près de 4 milliards de FCFA, le CNAOM plus de 662 millions, le gouvernorat du district plus de 500 millions…

Ahmadou Ousmane Touré Vérificateur général

Au moment où le pays entier avait les yeux rivés sur le nord du Mali que les groupes terroristes et djihadistes occupaient en infligeant toutes sortes de sévices aux populations et principalement aux femmes, au sud, des ministres, hauts cadres des services financiers et autres directeurs des finances et du matériel s’adonnaient à leurs vieilles pratiques de détournements des ressources de l’Etat. Une traite qui a commencé sous ATT pour se poursuivre de plus belle sous la transition des Premiers ministres Dr Cheick Modibo Diarra et Django Cissoko. L’un et l’autre étant, d’ailleurs, suspectés d’avoir trempé dans la grande soupe des deniers publics. Le tout sous le regard indifférent du président de la République par intérim Dioncounda Traoré qui, certainement, comme ATT, ne souhaite pas lui-aussi  » humilier un chef de famille « . Alors c’est le Mali tout entier qu’on humilie maintenant avec ce rapport annuel du Vérificateur Général, Amadou Ousmane Tour qui affirme que : « certains ministres, mais pas tous,…se situent en bonne place au cœur de la mafia financière  » responsable de cette gabegie, de ces détournements de fonds…portant sur quelque 50 milliards FCFA. Quand on sait que ces vérifications financières, selon le Vérificateur Général, n’ont concerné que moins de 2% des services publics, il y a de quoi avoir le vertige et  désespérer de ce pays si rien n’est fait. Ici et maintenant.

 

 

Depuis son installation au palais de Koulouba, le président de la République ne cesse de marteler, chaque fois qu’il en a l’occasion, que  » nul n’est et ne saurait être au-dessus de la loi « . En recevant récemment, au palais de Koulouba, les Bulletins 2011 et 2012 de la Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’Administration (CASCA)  et le Rapport annuel 2012 du BVG, IBK est allé jusqu’à promettre devant une assistance incrédule que lesdits  » rapports ne connaîtront pas le même sort qui leur  a été réservé il y a si peu « . Avant d’ajouter qu’il allait  » transmettre tous ces dossiers à qui de droit « . Un discours auquel les Maliens sont habitués car c’était les mêmes engagements et les mêmes professions de foi qu’on entendait à chaque cérémonie solennelle de remise de ces rapports.

Si cela doit changer avec IBK, on verra. Mais pour le moment, on n’a pas encore franchi le stade des discours même si, à la faveur de la tournée qu’il vient d’effectuer en Europe, le président de la République a révélé qu’il a  » remis cent dossiers à la justice  » émanant des rapports des différentes structures de contrôle et, principalement, de la CASCA.

Une structure qui a pour missions, entre autres, d’étudier et d’exploiter les rapports de contrôle et d’inspection transmis au président de la République ; de suivre et d’évaluer pour le compte du président de la République la mise en œuvre des recommandations issues desdits rapports.

En épluchant les différents rapports émanant du BVG, de la CASCA, du Contrôle Général des Services Publics et des inspections ministérielles, l’on peut aisément se faire une idée sur l’étendue de la fraude, les détournements de deniers publics et la mauvaise gestion qui caractérisent notre économie.

Si, au cours de la seule année 2012, le BVG a décelé des «  irrégularités financières  » portant sur près de 50 milliards FCFA avec moins de 2% des services inspectés, à combien pourrait-t-on évaluer les pertes occasionnées par la fraude, les détournements de fonds, la mauvaise gestion si l’on devait porter cette vérification financière à au moins 50% des services concernés par ce fléau ? Certainement que l’on approcherait des 1000 milliards FCFA sur une période de trois ans.

 C’est dire le degré de saignée de notre économie à cause de ces pratiques connues de tous mais jamais sanctionnées. Et pour cause. En effet, selon le Vérificateur Général, dans son discours prononcé devant le président IBK en novembre dernier,  » de manière inquiétante et alarmante, ont été aussi relevés de nombreux cas d’acquisitions fictives sur les deniers publics dans des secteurs aussi sensibles que coûteux comme l’Education et la Santé. En somme, derrière ces rideaux de la gestion, se passe, s’entretient et se momifie une véritable mafia financière» . Pour le Vérificateur Général, au cœur de cette mafia…  » se situent en bonne place les gestionnaires, les directeurs des finances et du matériel, le secteur privé contractuel de l’Etat dans le cadre des marchés publics, mais aussi et c’est regrettable de le dire, certains ministres, pas tous « . Encore que les vérifications de l’année 2012 n’ont porté que sur des services situés dans le district de Bamako.

Les structures incriminées par le BVG et le montant des pertes occasionnées

 

PMU Mali-34 milliards FCFA  de perte pour l’Etat qui se décomposent comme suit : 3 392 531 682 FCFA au titre de la fraude et 30 709 840 670 FCFA au compte de la mauvaise gestion.  Parmi les faits reprochés : 47 105 252 FCFA  sortis en espèces sans pièces justificatives ; 62 809 380 FCFA sortis sans pièces justificatives de paiement d’impôts et taxes ; 82 513 287 FCFA de dépenses effectuées au titre de missions sans pièces justificatives ; 295 500 000 FCFA indûment versés à l’Agent de la Sécurité d’Etat en plus des charges de sécurité ; 771 721 149 FCFA accordés par le PDG du PMU Mali à diverses personnes sans autorisation ; 200 000 000 FCFA d’avance faite au ministère de la Défense non encore remboursée. Depuis quand le PMU Mali est-elle devenue une banque ? Du rapport du BVG, il ressort également que le PMU Mali a irrégulièrement décaissé 5,1 milliards FCFA au titre des dividendes de l’Etat.

Le gouvernement a directement utilisé ces fonds à partir des comptes bancaires de la Société sans reversement préalable au Trésor Public. Par conséquent, pour le BVG, il n’est pas garanti que l’emploi de cette ressource ait bénéficié à l’intérêt général. La liste des manquements et des détournements présumés au PMU Mali est loin d’être exhaustive.

 Le BVG a recommandé de remettre à la justice le dossier de cette vache laitière. Son PDG aurait, selon nos informations, été plusieurs fois entendu par le juge du Pôle économique et financier sur ces dossiers sulfureux qui dénotent l’existence présumée d’une mafia qui croque autant qu’elle veut les deniers publics.

Les administrateurs du PMU Mali ont indûment perçu la somme de 137 millions FCFA et des dotations de carburant de 7200 litres chacun en plus de leurs indemnités de fonction, en violation de l’article 430 de l’Acte uniforme de l’OHADA qui interdit de verser aux administrateurs toute autre rémunération, permanente ou non, que leurs indemnités de fonction.

Le BVG a également passé au peigne fin la gestion des structures suivantes : l’Autorité pour la promotion de la recherche pétrolifère au Mali (AUREP) épinglée pour fraude d’un montant de 74 626 867 FCFA et de 3 746 126 244 FCFA pour mauvaise gestionle Centre des impôts de la commune I du district de Bamako pour 678 965 169 FCFA au chapitre de la fraude et de la mauvaise gestion. Quant au Gouvernorat du district de Bamako, il est accusé d’avoir commis des irrégularités financières d’un montant de 501 139 448 FCFA.  En ce qui concerne la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM), les irrégularités portent sur un montant de 166 895 581 FCFA et de 1 168 479 791 FCFA pour le DFM du ministère en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.

 S’agissant du Centre national d’appareillage orthopédique du Mali (CNAOM), il a pour mission de fournir les prestations spécialisées en matière d’orthopédie er rééducation. Structure dépendant du ministère en charge de la solidarité, sa directrice, son adjoint et le caissier  » ont accordé des gratuités et des réductions sur les coûts des prestations sans fondement juridique  » et le service a effectué des dépenses d’un montant de 179,09 millions FCFA, relatives à l’acquisition de matières premières, de produits pharmaceutiques et de produits d’entretien qui n’ont pas été livrés.

Le comptable-matière et le magasinier ont reconnu avoir signé des procès-verbaux de réception des matières sans avoir constaté leur livraison. Il n’y a pas eu non plus de bordereau de mise en consommation pour établir que lesdites matières ont été utilisées par les bénéficiaires. La liste des matériels présumés achetés mais non livrés n’est pas exhaustive. Raison pour laquelle le CNAOM est épinglé dans le rapport du BVG pour irrégularités financières d’un montant de 662 274 967 FCFA. En plus de ces constats, il serait utile que le Vérificateur Général livre les noms des ministres ont il parle.

En conclusion, le BVG a fait le constat qu’au niveau de l’ensemble des services et structures concernés par les 17 vérifications financières effectuées en 2012, il y a indéniablement des efforts à faire. Selon cette autorité indépendante, la mise en œuvre  » des recommandations formulées et la dénonciation des manquements au Procureur permettront d’améliorer leur fonctionnement « . Pour le BVG,  » l’impact de la mauvaise gestion tel que décrit dans le Rapport annuel 2012 prouve à suffisance que cette dernière est plus coûteuse à l’Etat que la corruption « .

Sans mettre en cause cette appréciation, nous nous demandons comment le BVG arrive à établir une frontière étanche entre  » la mauvaise gestion volontaire ou voulue  » et ce qu’il appelle «corruption « . Que ce soit dans l’un ou dans l’autre cas, il s’agit de pertes énormes pour l’Etat.

Qui se doit maintenant, avec les nouvelles autorités, de mettre un frein à ces pratiques malsaines de détournement des deniers publics au vu et au su de tous. IBK a promis de s’atteler à cette tâche. Nous attendons alors de voir ce qu’il va faire après ses 100 jours passés à la tête de l’Etat. Sans qu’il y ait eu le constat de la moindre mesure prise contre le fléau.

Mamadou FOFANA

SOURCE: L’Indépendant

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